UNE FEMME CRÉAIT LE SOLEIL…
Une femme créait le soleil
En elle
Et ses mains étaient belles
La terre plongeait sous ses pieds
L’assaillant de l’haleine fertile
Des volcans
Ses narines palpitaient ses paupières se baissaient
Empesées par le lourd limon de l’oreiller
C’est la nuit
Et l’égratignure tranquille où meurt le vide haletant
Se bat se débat s’ouvre et doucement se ferme
Sur la verge dodelinante de Noé l’explorateur
Laisse-moi t’aimer.
J’aime le goût de ton sang épais
Je le garde longtemps dans ma bouche sans dents.
Son ardeur me brûle la gorge.
J’aime ta sueur.
J’aime caresser tes aisselles
Ruisselantes de joie.
Laisse-moi t’aimer
Laisse-moi sécher tes yeux fermés
Laisse-moi les percer avec ma langue pointue
Et remplir leur creux de ma salive triomphante.
Laisse-moi t’aveugler
Oublie-moi
Que mes entrailles respirent l’air frais de ton absence
Que mes jambes puissent marcher sans chercher ton ombre
Que ma vue devienne vision
Que ma vie reprenne haleine
Oublie-moi mon Dieu que je souvienne.
Tu veux mon ventre pour te nourrir
Tu veux mes cheveux pour te rassasier
Tu veux mes reins mes seins ma tête rasée
Tu veux que je meure lentement lentement
Que je murmure en mourant des mots d’enfant.
Herbes
Lèvres acides et luxurieuses
Lèvres aux fadeurs de cire
Lobes boudeurs moiteurs sulfureuses
Rongeurs rimeurs plaies coussins rires
Je rince mon épiderme dans ces puits capitonnés
Je prête mes échancrures aux morsures et aux mimes
La mort se découvre quand tombent les mâchoires
La minuterie de l’amour est en dérangement
Seul un baiser peut m’empêcher de vivre
Seul ton pénis peut empêcher mon départ
Loin des fentes closes et des fermetures à glissière
Loin des frémissements de l’ovaire
La mort parle un tout autre langage
Joyce MANSOUR – La femme surréaliste (France Culture, 2005)
L’émission « Poésie sur parole », par André Velter, diffusée le 4 septembre 2005.