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Critique de DucalmeLucette


Les romans sur la ségrégation et le racisme me touchent profondément, j'y suis particulièrement sensible. J'aime énormément me cultiver à ce sujet, parce que je trouve qu'il est essentiel de se souvenir du passé afin de préserver le présent et d'essayer de le (et de nous) rendre meilleur. C'est donc avec grand intérêt que j'ai plongé dans ce roman qui m'a rappelé le très bon La Couleur des sentiments de Kathryn Stockett.

Je me suis attachée à Lavina Davis et Mary Jacob Long, parce que leur relation est touchante, parce que les enfants blancs, qui au temps de la ségrégation en Amérique étaient élevés par des femmes noires, aimaient profondément celles qui remplaçaient leurs propres mères. À leur âge, la couleur n'entrait pas en compte, seuls les sentiments de tendresse et d'amour existaient. Et j'ai retrouvé cette innocence enfantine dans le récit, ce lien si particulier à une époque troublée, mais aussi la bouleversante gentillesse de ces femmes noires pourtant malmenées au quotidien.

« Ses chaussures, elles avaient laissé une traînée sur le lino noir et blanc. On voyait la boue sur les carrés blancs, mais pas sur les noirs. Je me suis demandé si le bon Dieu il nous avait faits foncés pour pas qu'on montre la saleté qu'on nettoyait tout le temps. »

L'alternance du passé et du présent a accentué l'émotion qui découle de cette histoire douloureuse. Ainsi, une bonne partie du roman se déroule dans les années 60 en Louisiane, et l'autre dans les années 90. Nous découvrons la famille Long, ses travers, les non-dits qui gangrènent les liens entre eux, le racisme et la violence qui fait rage, mais aussi la dureté d'un père envers une de ses filles, Mary Jacob, celle-ci même qui ne trouve du réconfort et de l'amour que dans les gestes et les paroles de Lavina, à tel point qu'elle pense à un moment donné que cette dernière est réellement sa mère. La relation entre elles deux est ici largement développée – avec une multitude de souvenirs passés -, tout comme le rejet du père, Jack, envers sa fille. L'ambiance au sein de la famille est souvent pesante, entre dédain, favoritisme et colère. La maladie de la mère alourdit aussi l'atmosphère. Même s'il se lit facilement, le roman aurait pu être édulcoré de quelques pages, j'ai en effet trouvé que l'auteure s'attardait beaucoup sur la description des rapports entre les membres de cette famille alors que ce n'était pas toujours nécessaire.

Puis il y a l'évolution de Billy Ray, le fils de Lavina, plein de colère face à tant d'injustices. Comment ne pas le comprendre… Les chapitres le concernant sont emprunts de familiarité, de revanche, d'énervement mais aussi de groove ; la musique est en effet très présente car il connaîtra le succès et le changement de vie qu'il attendait tant.
Son attitude peut agacer, ce qui n'a pas vraiment été mon cas car j'essayais de me mettre à sa place. Si j'avais vécu ne serait-ce que la moitié de ce que les noirs américains avaient subi, je serai certainement, moi aussi, pleine de rancune, de tristesse et d'animosité. Ces chapitres sont donc à aborder avec la plus grande empathie.

Et vient ce jour brûlant et lancinant d'août 1963 qui va envelopper de violence et de mort Lavina et ses proches. Nul doute que rien ne sera plus comme avant après les incidents raciaux qui ont frappé cette terrible journée. Mary Jacob, du haut de ses douze ans, tiendra pour la première fois tête à son père, même si cela lui vaudra des coups et son envoi en pensionnat. le choc post-traumatique de la mort de celle qu'elle considérait comme sa mère lui fera tout oublier, certainement par instinct de protection envers elle-même. Jusqu'à ce qu'elle doive revenir sur ses terres natales trente ans plus tard, au chevet de son père mourant. Désormais Mary Jacob devra faire face à ses souvenirs mais aussi face au destin qui la fera croiser de nouveau l'impulsif Billy Ray.

J'ai trouvé la fin trop courte comparé à tout le descriptif de l'été 63. Il y a comme un problème de dosage dans le récit, mais cela n'enlève pas le fait que j'ai dévoré ce roman à trois voix qui m'a littéralement transportée en Louisiane au sein des familles Long et Davis. Mary Jacob, Lavina et Billy Ray se succèdent en effet en tant que porte-paroles de cette histoire, avec chacun un ton propre, un style d'écriture et une personnalité différente. Cela apporte un vrai rythme au roman et un intérêt renouvelé chapitre après chapitre.

En bref, vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce roman. Je me suis vraiment projetée dans cette histoire américaine au temps de la ségrégation. Elle m'a passionnée autant qu'elle m'a émue et révoltée. J'aime quand la lecture engendre un bouleversement émotionnel, un chamboulement et une ouverture de l'esprit, et j'ai retrouvé tout cela dans le Refuge des souvenirs. Alors merci Mary Marcus pour tout ça.
Lien : https://ducalmelucette.wordp..
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