Il faut bien justifier ce monde de harcèlement, d'inégalité, de profusion où des sommes inimaginables, virtuelles peut-être, mais fortement symboliques, circulent lorsqu'il s'agit de remercier un patron dont la gestion a permis le rachat de l'entreprise par son concurrent : 300 millions en salaire et stock-options, certains disent 200, d'autres 400, un monde cynique, où ce même patron, à peine remercié, crée une entreprise baptisée Stock-option... Quel est ce monde fantasmatique de mille et une nuits où des nababs font fortune en pianotant sur leur ordinateurs? Un monde de capitalistes, de chefs d'entreprises, de marchands, de faiseurs d'argent, de propriétaires, d'actionnaires, indiscutablement... Alors? Alors devenez actionnaires ! Entrez dans la nouvelle République! La Bourse vous ouvre les portes!
Et puis, si vous n'êtes pas tout à fait convaincus par le monde merveilleux des stock-options, des start-up et des fortunes plus rapidement faites que du temps de la conquête de l'or ou de la fièvre du pétrole, on vous servira un autre argument qui fonctionne toujours: la peur.
Mais il n'y a pas de mystère: alors qu'autrefois c'était la forte productivité du travail qui maintenait le taux de profit, aujourd'hui c'est la très forte productivité du capital.
Quel imbécile peut croire à la transparence, cette qualité des entreprises à peu près aussi partagée que la virginité dans une maison de passe? Qui ne sait que l'honneur, la vertu sont toujours brandis par ceux qui en ont le moins?
Il n'arrive pratiquement jamais qu'un grand patron se retrouve au chômage: on le voit toujours réapparaître, et très rapidement, à la tête d'une autre entreprise, nouvelle parfois. Pourquoi? Parce qu'un grand patron, c'est un réseau, un carnet d'adresses, des amitiés, des relations, des tractations, des jeux d'alliance, et que la transparence, il n'y a que les cyniques du néolibéralisme pour feindre d'y croire.
Keynes avait lumineusement compris que le capitalisme était d'abord un infantilisme; un état immature, insatiable, inapaisable, dévorant. "Toujours, records, plus vite" sont les leitmotive de cette société qui commence à comprendre qu'elle fait du sur-place.
Vidéo de Philippe Labarde