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Henri Coulet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070373277
571 pages
Gallimard (03/11/1981)
3.66/5   155 notes
Résumé :
"Le titre que je donne à mes Mémoires annonce ma naissance ; je ne l'ai jamais dissimulée à qui me l'a demandée, et il semble qu'en tout temps Dieu ait récompensé ma franchise là-dessus; car je n'ai pas remarqué qu'en aucune occasion on en ait eu moins d'égard et moins d'estime pour moi.

[...] " "Le récit de mes aventures ne sera pas inutile à ceux qui aiment à s'instruire. Voilà en partie ce qui fait que je les donne; je cherche aussi à m'amuser moi-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Quel bonheur de lire cette langue dont notre petit français actuel n'est qu'un vestige ! Marivaux, tout en finesse, tout en touches successives, brosse un portrait, non pas tant de son héros, dont on devine dès le titre son devenir, mais bien plutôt de toute la société parisienne dans laquelle il va graviter.

Il n'est évidemment pas usurpé, comme il a déjà été fait, de comparer ce Jacob au Julien Sorel du Rouge Et le Noir car, notre homme tient son ascension dans le monde grâce à l'attrait qu'il exerce sur la gent féminine. Mais là où il y avait un magnétisme de l'esprit chez Stendhal, Marivaux n'hésite pas à ne considérer que le physique, ce qui n'est pas si fréquent à l'époque pour un personnage masculin.

Notre Jacob, fraîchement débarqué de sa Champagne natale, va apprendre les usages à vitesse grand V (du moins c'est ainsi qu'il le raconte bien des années plus tard car le narrateur nous conte son ascension sociale a posteriori) et savoir utiliser ses atours physiques pour obtenir des dames l'amélioration de son quotidien avec un souci de la morale parfois assez peu prononcé.

Ensuite, deuxième et inévitable comparaison moult fois faite, celle avec Les Liaisons Dangereuses. Comment ne pas voir dans le libertinage éhonté de Jacob quelques accents du grand Valmont ? Pourtant, je trouve qu'il y a un tantinet plus du Jacques dans Jacques le Fataliste Et Son Maître que du Valmont dans la façon dont Jacob s'adonne à la question des femmes. Quelque chose de très terre à terre, de très opportuniste, un simple appel du plaisir, plus qu'une recherche de performance ou un challenge.

Quoi qu'il en soit, quel roman savoureux et quel affreux dommage que notre bon Marivaux n'ait pas jugé bon de l'achever car ces cinq premières parties sont tout bonnement succulentes d'ironie, de truculence, de sarcasme parfois. On ne peut probablement pas en dire autant des trois suivantes, fruit d'une autre plume, mais ceci, bien évidemment, n'est que mon avis de paysanne pas revenue, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ce livre me rappelle très agréablement mon année de licence, la littérature du 18 ème siècle était une option que j'avais choisie avec enthousiasme, et j'aimais beaucoup les cours du professeur que nous avions.

Marivaux est un auteur que j'apprécie: finesse de la plume, jeu subtil des sentiments, observation en profondeur des personnages et de leurs contradictions alliée à une légèreté du style.Je connaissais plutôt ses pièces de théâtre mais ce roman-mémoires m'a plu, lui aussi.

Les mémoires sont celles de Jacob de la Vallée , le narrateur.Il écrit: "Je conterai toute ma vie, et si j'y mêle autre chose, c'est que cela se présentera sans que je le cherche."L'aspect essentiel du livre est là , en substance:la duplicité, les détournements de la vérité, la volonté de séduction de ce personnage...

Son obsession: s'enrichir, comme ces financiers ayant acheté un titre nobiliaire.Fils de paysan, il comprend très vite que c'est sa beauté, son charme qui le serviront dans ce but, grâce aux femmes, qui , effectivement, seront là pour l'aider, l'élever socialement.

Voilà un personnage complexe, tout à fait représentatif de l'univers de Marivaux: un mélange d'innocence, de rouerie, de charme et de tromperie.Une ambition redoutable aussi.

De Geneviève à Mademoiselle Haberd, de sa femme à Madame de Ferval, elles tombent toutes dans ses filets, tant il sait y mettre du coeur ! Il préfigure tout à fait un Bel-Ami...

Le lecteur s'amuse des commentaires que fait Jacob, cherchant à le séduire ( tout comme il le fait avec les femmes du livre) ou à l'apitoyer.Ses aventures picaresques l' entraînent dans la campagne française , à Versailles, à Paris, et lui font découvrir un 18 ème siècle foisonnant et en trompe l'oeil, où la richesse s'acquiert de toutes les façons.Surtout les plus inavouables...

Mais n'est-ce pas un principe social intemporel ?
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Roman traité comme des mémoires. J'ai trouvé cela un peu long et convenu, pur produit du 18 ème siècle, avec ronds de jambes, compliments ayant pour but de monter les échelons dans la société. La réussite sociale passe souvent par le biais de recommandations auprès de personnes bien placées, mais aussi grâce à des mariages effectués avec des femmes riches mais bien plus âgées.
Je ne suis pas franchement conquise par cette oeuvre, à cause de ce côté calculateur, qui me fait voir le héros du livre comme étant un être roué et perverti.
Oeuvre certainement un peu trop vieillie.
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C'est toujours avec délice que je me plonge dans un roman du 18ème siècle tant je suis fascinée par l'élégance de la langue, la hardiesse des thèmes développés comme dans un filet de soie, la profondeur de la critique sociale qui affleure à travers l'ironie mordante et qui reflète toujours une troublante actualité. Rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est que la langue est bien plus malmenée de nos jours, même chez les romanciers encensés par la critique...
Marivaux n'est pas seulement l'auteur de délicieuses pièces de théâtre ou les sentiments sont disséqués avec une délicate précision, mais il fut un romancier très lu avec "la vie de Marianne" et aussi "le paysan parvenu" qui parut sous la forme de "saisons" suivies par des lecteurs avides de connaître la suite du parcours de ce sympathique Jacob beau jeune homme monté à Paris pour y tenter sa chance.
Et Dieu sait que la chance, il la rencontrera , à travers les femmes qui croiseront sa route et qui seront séduites par son physique avantageux. Pour une fois, ce n'est pas une femme qui fait l'objet de la convoitise non dissimulée de l'autre sexe et ce renversement de thématique très rafraichissant doit être souligné parce qu'il illustre parfaitement l'esprit libre qui animait l' auteur en le conduisant à dénoncer sans fard les travers libertins de ses contemporains, mais avec une indulgence amusée .
Jacob est en effet l'objet du désir des femmes, désir non dissimulé qui nait de l'attrait physique et le jeune homme profite de ses bonnes fortunes en toute innocence. Il conserve cependant une certaine loyauté et un sens des valeurs qui lui permettent de tracer son chemin dans le monde, et il est certain que si le roman n'était pas resté inachevé, on l'aurait retrouvé dans une position encore plus enviable que celle qu'il a atteint à la fin du texte.
J'ai souri pendant toute cette lecture et apprécié les passages féroces dirigés contre les dévots qui bien entendu, seront de tout temps les ennemis du plaisir et même du bon sens...Je me suis réjouie pour la délicieuse Melle Habert qui trouve enfin l'amour à un âge bien avancé et profite de cette chance inespérée au mépris des mises en garde bien-pensantes.
Les personnages sont tous parfaitement croqués et à travers les lignes on croit voir la poitrine avantageuse de Fercour sur laquelle louche notre héros,le pied érotique de Mme de Ferval agité avec art, le nez mutin de la jeune Agathe qui observe le manège de sa mère Mme d'Alain la parfaite commère qui adore s'impliquer dans la vie de ses locataires...
Une galerie vivante de personnages...une prose qui fait supposer ce qu'elle ne dit pas de façon explicite, l'élégance à l'état pur d'un roman méconnu qui gagnerait à être davantage mis en avant .
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J'ai poursuivi la découverte de l'oeuvre de Marivaux avec le Paysan parvenu.
Si, comme la Vie de Marianne, le Paysan parvenu est écrit à la première personne et que Jacob, comme Marianne raconte sa jeunesse, et si, la vie de ces deux personnages n'est pas sans analogie, si l'on s'en tient aux grandes lignes, j'ai beaucoup aimé l'un et très peu apprécié l'autre.
L'histoire de Jacob est beaucoup moins riche que celle de Marianne et sans grand intérêt avec peu d'aventures et aucun rebondissement contrairement à celle de Marianne.
Il y a beaucoup trop de digressions, d'explications et de récits dans le récit.
Et pour finir, je savais en commençant à le lire qu'il s'agissait d'un roman inachevé, mais à ce point…
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Le titre que je donne à mes Mémoires annonce ma naissance; je ne l'ai jamais dissimulée à qui me l'a demandée, et il semble qu'en tout temps Dieu ait récompensé ma franchise là-dessus; car je n'ai pas remarqué qu'en aucune occasion on en ait eu moins d'égard et moins d'estime pour moi.
J'ai pourtant vu nombre de sots qui n'avaient et ne connaissaient point d'autre mérite dans le monde, que celui d'être nés nobles, ou dans un rang distingué. Je les entendais mépriser beaucoup de gens qui valaient mieux qu'eux, et cela seulement parce qu'ils n'étaient pas gentilshommes; mais c'est que ces gens qu'ils méprisaient, respectables d'ailleurs par mille bonnes qualités, avaient la faiblesse de rougir eux-mêmes de leur naissance, de la cacher, et de tâcher de s'en donner une qui embrouillât la véritable, et qui les mît à couvert du dédain du monde.
Or, cet artifice-là ne réussit presque jamais; on a beau déguiser la vérité là-dessus, elle se venge tôt ou tard des mensonges dont on a voulu la couvrir; et l'on est toujours trahi par une infinité d'événements qu'on ne saurait ni parer, ni prévoir; jamais je ne vis, en pareille matière, de vanité qui fît une bonne fin.
C'est une erreur, au reste, que de penser qu'une obscure naissance vous avilisse, quand c'est vous-même qui l'avouez, et que c'est de vous qu'on la sait. La malignité des hommes vous laisse là; vous la frustrez de ses droits; elle ne voudrait que vous humilier, et vous faites sa charge; vous vous humiliez vous-même, elle ne sait plus que dire.
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(...) il y a bien de la différence entre la véritable piété et ce qu'on appelle communément dévotion.
Les dévots fâchent le monde, et les gens pieux l'édifient; les premiers n'ont que les lèvres de dévotes, c'est le coeur qui l'est dans les autres; les dévots vont à l'église simplement pour y aller, pour avoir le plaisir de s'y trouver, et les pieux pour y prier Dieu; ces derniers ont de l'humilité, les dévots n'en veulent que dans les autres. Les uns sont de vrais serviteurs de Dieu, les autres n'en ont que la contenance. Faire oraison pour se dire : Je la fais; porter des livres de dévotion pour les manier, les ouvrir et les lire; se retirer dans un coin, s'y tapir pour y jouir superbement d'une posture de méditatifs, s'exciter à des transports pieux, afin de croire qu'on a une âme bien distinguée, si on en attrape; en sentir en effet quelques-uns que l'ardente vanité d'en avoir a fait naître, et que le diable, qui ne les laisse manquer de rien pour les tromper, leur donne. Revenir de là tout gonflé de respect de soi-même, et d'une orgueilleuse pitié pour les âmes ordinaires. S'imaginer ensuite qu'on a acquis le droit de se délasser de ses saints exercices par mille petites mollesses qui soutiennent une santé délicate.
Tels sont ceux que j'appelle des dévots, de la dévotion desquels le malin esprit a tout le profit, comme on le voit bien.
A l'égard des personnes véritablement pieuses, elles sont aimables pour les méchants mêmes, qui s'en accommodent bien mieux que de leurs pareils; car le plus grand ennemi du méchant, c'est celui qui lui ressemble.
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Nous nous quittâmes donc; elle rentra dans l'appartement de Mme la présidente, et moi, je me retirai plein d'une agréable émotion.
Est-ce que vous aviez dessein de l'aimer? me direz-vous. Je n'avais aucun dessein déterminé; j'étais seulement charmé de me trouver au gré d'une grande dame, j'en pétillais d'avance, sans savoir à quoi cela aboutirait, sans songer à la conduite que je devais tenir.
De vous dire que cette dame me fût indifférente, non; de vous dire que je l'aimais, je ne crois pas non plus. Ce que je sentais pour elle ne pouvait guère s'appeler de l'amour, car je n'aurais pas pris garde à elle, si elle n'avait pas pris garde à moi; et de ses attentions même, je ne m'en serais point soucié si elle n'avait pas été une personne de distinction.
Ce n'était donc point elle que j'aimais, c'était son rang, qui était très grand par rapport à moi.
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Je n'en dirais pas tant de celui d'une pieuse, car il y a bien de la différence entre la véritable piété et ce qu'on appelle communément "dévotion".
Les dévots fâchent le monde, et les gens pieux l'édifient ; les premiers n'ont que les lèvres de dévotes, c'est le coeur qui l'est dans les autres ; les dévots vont à l'église simplement pour y aller, pour avoir le plaisir de s'y trouver, et les pieux pour y prier Dieu ; ces derniers ont de l'humilité, les dévots n'en veulent que dans les autres. Les uns sont de vrais serviteurs de Dieu, les autres n'en ont que la contenance. Faire oraison pour se dire "Je la fais" ; porter à l'église des livres de dévotion pour les manier, les ouvrir et les lire; se retirer dans un coin, s'y tapir pour y jouir superbement d'une posture de méditatifs ; s'exciter à des transports pieux, afin de croire qu'on a une âme bien distinguée, si on en attrape; en sentir en effet quelques-uns que l'ardente vanité d'en avoir a fait naître, et que le diable, qui ne les laisse manquer de rien pour les tromper, leur donne ; revenir de là tout gonflé de respect pour soi-même, et d'une orgueilleuse pitié pour les âmes ordinaires ; s'imaginer ensuite qu'on a acquis le droit de se délasser de ses saints exercices par mille petites mollesses qui soutiennent une santé délicate ; tels sont ceux que j'appelle des dévots, de la dévotion desquels le malin esprit a tout le profit, comme on le voit bien.
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Rien ne rend si aimable que de se croire aimé; et comme j'étais naturellement vif, que d'ailleurs ma vivacité m'emportait, et que j'ignorais l'art des détours, qu'enfin je ne mettais pas d'autre frein à mes pensées qu'un peu de retenue maladroite, que l'impunité diminuait à tout moment, je laissais échapper des tendresses étonnantes, et cela avec un courage, avec une ardeur qui persuadaient du moins que je disais vrai, et ce vrai-là plaît toujours, même de la part de ceux qu'on n'aime point.
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« La double inconstance » de Marivaux, c'est à lire en poche dans la collection Etonnants Classiques.
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