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sur 1501 notes
Il doit bien y avoir quelques grammes de Rousseau dans Marivaux, tout au moins de précieux germes, avec la verve et le mordant gracieux d'un Voltaire ou d'un Beaumarchais.

En effet, quelle brûlante petite comédie met-il sur le feu de l'aristocratie d'alors avec cette Île des Esclaves ! Ouh ! Que ça devait faire mal d'entendre ça ! Car Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux sait très bien de quoi il parle et sait également à qui il s'adresse.

Il faut saluer ce beau courage de dire tout haut, dès 1725, à une époque où les Lumières sont encore au stade de l'étincelle, que l'aristocratie se comporte envers le peuple de la façon la plus abjecte ; qu'elle est, même vis-à-vis d'elle-même, mesquine, superficielle et viciée. Rien que ça. Chapeau bas Monsieur de Marivaux.

Elle est petite cette comédie — un seul acte —, mais elle est corrosive à souhait et l'on y sent déjà comme un avertissement à la classe dirigeante, comme un avant-goût de révolte. Assez parlé ! L'histoire, quelle est-elle ?

Au large de la Grèce (On éloigne un peu l'action histoire de ne pas trop s'attirer les foudres de la cour de Louis XV, mais tout le monde s'y reconnaît cependant.), un bateau transportant des personnes de qualité et leurs domestiques fait naufrage.

Or, le naufrage a lieu sur l'Île des esclaves, une île où, des années auparavant, des domestiques ou des esclaves (Marivaux emploie le terme esclave pour désigner les domestiques ce qui renforce le trait) mutinés ont trouvé refuge et ont, au passage, trucidé leurs maîtres.

Depuis lors, dès qu'un arrivage se fait sur l'île, ces compagnons démocrates de l'île (eux-mêmes ex-serviteurs) infligent une inversion des positions sociales aux naufragés.

C'est ainsi qu'Iphicrate, le maître et son serviteur Arlequin ainsi qu'Euphrosine et sa servante Cléanthis vont faire l'expérience d'une inversion des rôles sous la houlette de Trivelin, le grand ordonnateur de l'île. Ceci est bien sûr le prétexte à de nombreuses répliques comiques, mais aussi et surtout à une prise de conscience de l'iniquité avec laquelle les maîtres ont conduit leur destinée jusqu'alors, notamment envers leurs subordonnés.

Je vous laisse savourer la chute et ce qui a bien pu l'inspirer à Marivaux en cet Ancien Régime flamboyant. Il demeure une très belle comédie sociale, pleine d'allant et de sous-entendus, que j'élèverais sans honte au firmament de mes cinq étoiles s'il n'était une impression de trop grande brièveté. Je vous la conseille sans hésitation, mais tout ceci n'est que mon valétudinaire avis, c'est-à-dire, bien peu de chose sur le continent.
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L'île aux esclaves est un bon livre, étonnant notamment par le fait qu'il n'a absolument pas vieilli depuis 1725, que ce soit dans l'écriture ou les sujets abordés.
Ce qui m'a particulièrement plu dans cette oeuvre, c'est l'idée directrice du livre, qui est à la fois originale, plaisante mais qui porte également à réfléchir. En effet, les rapports dominants/dominés seront toujours présents et pose, encore de nos jours, nombre de problèmes. (Pour ceux qui n'ont pas lu le livre, arrêtez vous là). L'idée d'inverser les conditions entre esclaves et maîtres apporte un intérêt à l'oeuvre, du fait qu'elle apporte à la fois des situations relativement drôles mais porte aussi la base de la réflexion que va développer Marivaux. Ces deux duos de personnages (avec notamment le personnage d'Arlequin) vont finalement, sur cette île aux règles un peu spéciales, nous apporter quelques leçons de vie sans aucune prétention. Un bon livre à lire!
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Après avoir lu le jeu de l'amour et du hasard, qui m'avait franchement plu (voir ma critique) j'ai souhaité continuer avec celui-ci. Iphicrate et son valet Arlequin, Euphrosine et sa servante Cléanthis se retrouvent sur une île où les règles changent, où les rôles s'échangent : les valets prennent la place des maîtres.
Cette comédie est très courte, je l'ai lue en à peine une demi-heure. Comme dans "Le jeu de l'amour et du hasard", on jette le superflu, on va au plus efficace. On ne s'embarrasse pas d'expliquer le contexte : quelle est cette mystérieuse île ?
La pièce se révèle donc vraiment concise et agréable à lire. Il y a des scènes réellement drôles mais il y a derrière une vraie réflexion. Les maîtres ne devraient-ils pas faire un peu plus de cas de leurs valets ? Toujours sur un ton léger et avec humour, évidemment. On assiste a des scènes cocasses lorsque les valets tentent de "jouer aux nobles".
Ce que j'apprécie particulièrement dans les deux oeuvres de Marivaux que j'ai pu lire c'est la modernité, la fraîcheur. Il y a une volonté de remuer, de questionner les classes et l'ordre établi. Il y a peu de personnages, on se concentre vraiment sur l'essentiel. Cependant la fin me laisse presque sur ma faim (haha) : c'est si court ! Et puis je la trouve un tantinet caricaturale, pleine d'effusions mais au final je pense que c'était la meilleure manière de conclure brièvement. Il est vrai que l'oeuvre m'a laissé un goût de trop peu, j'aurais bien aimé approfondir plus la réflexion au travers de cette île utopique. Quoi qu'il en soit au moins c'est très facile à lire, et ça on apprécie !
Encore un bon point de marqué pour Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, je commence vraiment à aimer ces pièces toujours drôles, de bon ton et menées avec brio.
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Quand un maître se voit contraint de devenir l'esclave de son esclave, ça ne se passe pas sans anicroches …
C'est ce que vont réaliser deux duos maître/esclave, l'un féminin, l'autre masculin. Après avoir échappé à un naufrage, ils échouent sur cette île régie par des lois très particulières. L'heure de la revanche des esclaves aurait-elle sonné ?
Marivaux ne remet pas radicalement en cause les classes sociales mais en inversant les rapports de force et en donnant le pouvoir aux serviteurs, il égratigne vertement les codes de la noblesse et de l'aristocratie. Sans doute souhaite-t-il leur ouvrir les yeux sur leur comportement.
Je me demande comment cette pièce a été perçue quand elle a été jouée pour la première fois en 1725. Certains ont dû grincer des dents. La bonne société tournée en ridicule par les domestiques, pour l'époque, il fallait tout de même oser.
En bref, c'est un bon divertissement mais qui aurait cependant mérité d'être un peu plus étoffé. L'évolution des personnages est en effet parfois si abrupte qu'elle perd en vraisemblance. Il y a bien sûr quelques répliques savoureuses, notamment d'Arlequin, l'ex-serviteur devenu maître. (Un sacré loustic cet Arlequin, soit dit en passant.) La scène où les deux serviteurs tentent d'imiter le marivaudage de leurs maîtres (ex-maîtres !) est également assez cocasse. Mais je m'attendais à quelque chose de plus subversif, plus caustique et sans doute moins utopique. Cela étant, le message est noble, si je puis dire. Au-delà des pointes d'ironie, c'est finalement une belle leçon de vie que nous offre Marivaux.
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Cette comédie de Marivaux se lit avec une rapidité incroyable tellement elle est amusante.

Iphicrate et son esclave Arlequin font naufrage sur l'île des esclaves. le maître souhaite retrouver son équipage mais Arlequin connaissant l'île se réjouit de la situation et décide de ne plus être son esclave. Iphicrate le menace de son épée mais le chef de l'île, Trivelin, arrive à temps et impose les lois sur son île. Iphicrate sera dorénavant l'esclave d'Arlequin et il devra porter son nom et ses habits. Ils font la rencontre de deux autres personnages : Euphrosine et Cléanthis qui sont dans la même situation qu'eux.
Trivelin demande à Cléanthis de faire le portrait de sa maîtresse et cette dernière doit reconnaître que c'est bien ce qu'elle est si elle veut en finir avec son rôle d'esclave. Puis viendra le tour d'Arlequin de faire de même avec son maître.
Mais les maîtres ont du mal à reconnaître leur façon d'être…

La comédie est jouée entre cinq personnages principaux :
Trivelin est le chef de l'île des esclaves, il est là pour faire respecter la loi sur son île à savoir inverser les rôles entre maîtres et esclaves.
Euphrosine et son esclave Cléanthis ainsi que Iphicrate et son esclave Arlequin.
Arrivés sur l'île, les rôles des personnages s'inversent et les esclaves deviennent les maîtres et sont libres de faire subir à leurs anciens maîtres ce qu'ils veulent afin de leur faire comprendre le mal qu'ils font à leurs esclaves. le but étant de les guérir de leur folie et surtout de les faire changer.
Avec beaucoup d'humour, Marivaux arrive à faire évoluer ses personnages et se moque ouvertement de la noblesse et de leur manière très déplace envers le petit peuple.

La finalité de cette comédie est assez stupéfiante mais c'est le propre d'une comédie.
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"L'Ile des esclaves", est une pièce très brève, mais vraiment très réussie !
Elle est à la fois légère et profonde, c'est une pièce intelligente, bien écrite, souvent drôle, au rythme enlevé. Et ça me plaît.
Le sujet est simple, et pourtant plutôt original et très bien trouvé ; durant l'Antiquité, à l'époque de la Grèce, des esclaves, arrivent sur une île, avec leurs propriétaires ; les esclaves et les propriétaires, sont alors contraints d'inverser les rôles.
Et, à partir de ce sujet simple, le dramaturge, parle de sujets sociaux importants. Et il le fait avec talent ; ses dialogues, m'ont toujours semblé parfaits, les répliques font mouche et il y a un véritable plaisir à les lire.
Il n'y a pas eu, un seul instant, dans la pièce, où je me suis ennuyé ; tous les passages, sonnent juste et arrivent au bon moment ; ils peuvent être drôles ou simplement beaux, mais ils sont toujours là où ils doivent être et parfaitement bien faits.
L'une des choses, que j'aime vraiment dans cette pièce, est toutes les questions, qu'elle pose (c'est une véritable satire sociale !), sur les rapports de domination et sur leur inversion.
J'ai trouvé que "L'Ile des esclaves", était une brève comédie, très réussie, très bien écrite et très intelligente.
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Imaginez un peu : des puissants et leurs gens, un bateau, un naufrage, une île, et, sur cette île, l'inversion des rôles.
C'est avec ce pitch truculent que commence la pièce.
Nul doute que les piques qui y sont lancées ont dû faire jaser, trépigner ou en horrifier certains. Ce n'est autre qu'une révolution qui est proposée ici : que le puissant devienne le soumis comprenne ainsi que son action est inhumaine.
A côté de cette belle leçon d'humanisme, de liberté, d'égalité et de fraternité, on trouve tout de même beaucoup d'humour, des personnages moqueurs et taquins, des esclaves qui voudraient bien rosser leur ancien maître, d'autres qui tendent la joue droite, le tableau est bien brossé et dépeint beaucoup des possibles.
Je regrette un poil la rapidité du déroulé (jouée, ce doit être une très courte pièce).

Encore une fois, les éditeurs et les décideurs se mettent le doigt dans l'oeil s'ils pensent que les collégiens de 13-14 ans seront à-même de comprendre tout de l'oeuvre (le problème vient plus de la forme que du fond d'ailleurs). La langue a vieilli, et les notes de bas de page ne sont pas toujours claires ou suffisantes (dans la récente version Gallimard).
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Bien que je reconnaisse la qualité de cette pièce, dialogues, situation de départ, situation d'arrivée en parallèle, respect des unités… Je n'ai pas réussi à entrer dedans. Il m'a été difficile de m'imaginer transportée dans l'Antiquité. La présence de deux personnages de la commedia dell'arte et même les prénoms des autres protagonistes qui n'évoque pas particulièrement non plus l'Antiquité m'ont genée. L'invraisemblance d'une conversion aussi rapide des maîtres ne m'a pas non plus convaincue. Bref je suis passée à côté.

Pourtant une pièce qui traite de la liberté, de la place de chacun, écrite au début du siècle où l'on allait s'efforcer de secouer les carcans était séduisante.

Un homme et son esclave masculin ainsi qu'une femme et son esclave féminine se retrouvent naufragés sur une île où vivent d'anciens esclaves révoltés contre leurs maîtres qu'ils ont tués, et où une règle régit la vie : lorsque des nouveaux venus arrivent ils ont l'obligation d'échanger leurs rôles jusqu'à ce que les anciens maîtres aient compris leurs torts passés. Il ne s'agit pas de vengeance mais d'éducation, d'ailleurs si les nouveaux maîtres avaient maltraités ceux qui ont pris leurs rôles, ils auraient été à leur tour punis.

Si l'esclavage n'existait plus entre blancs au 18e, la vie des domestiques n'était pas pour autant enviable, renvoi sans raison, coups, heures de travail interminables, … et les spectateurs n'avaient aucun mal à transposer. Il ne s'agit pas de supprimer l'esclavage (la domesticité) mais de faire preuve de coeur et de raison. D'ailleurs Arlequin et Cléanthis ne répugnent pas à reprendre leur ancienne place. On n'est encore loin me semble t il de l'égalité entre les humains, les hiérarchies ne sont pas remises en cause. On n'a d'ailleurs pas encore aujourd'hui trouvé de moyen sûr d'assurer !adite égalité tant celle-ci est difficile à atteindre.

Mais cette relative déconvenue ne m'empechera pas de lire d'autres pièces de Marivaux.
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Petit bijou du théâtre des Lumières, "L'île des Esclaves" de Marivaux est un conte philosophique mis en scène pour les planches.

Dans cet univers, les castes sociales sont brusquement inversées, ce qui pose les jalons d'une égalité des hommes qu'on fait plus que suggérer mais qu'on revendique ! et cela, bien avant la Révolution Française !

Les valets commandent aux maîtres et profitent de leur isolement de la société sur une île pour les tenir à leur merci et leur dire leurs quatre vérités. Précurseur de Beaumarchais et de son célèbre Barbier, Marivaux jette un véritable pavé dans la mare des Lumières et les éclaboussures ébranlent la Philosophie sur ses bases encore frêles.
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La dernière fois que j'ai lu une pièce de théâtre, c'était contraint et forcé, pendant ma scolarité, il y a peut être 25 ans. Probablement du Molière, j'imagine. C'est vrai que depuis, j'ai découvert qu'on pouvait ouvrir des livres autrement que sous la menace, mais de là à retenter le théâtre? Restons sérieux..
Bref, le grand jour est pourtant arrivé, et c'est sur une oeuvre de Marivaux, arrivée Dieu sait comment dans ma Pal, que j'ai jeté mon dévolu. 88 pages, dont une préface que je vais évidemment esquiver, ça me paraissait raisonnable.
Je vous épargne le suspense, le coup de foudre n'a pas eu lieu, même si je dois admettre que ce ne fut pas la torture redoutée.

L'histoire est simple, nos personnages font naufrage et se retrouvent sur une île aux lois un peu particulières. En effet, ici, les esclaves deviennent les maîtres, et inversement. Nos cinq protagonistes, deux maîtres et leurs esclaves respectifs, tout frais naufragés, ainsi que le chef de cette île, vont donc nous accompagner tout le long de cette lecture, et franchement nous faire sourire.
Vous l'aurez compris, le concept engendre des réactions et des dialogues assez cocasses, tout en faisant passer des messages pas forcément unanimes à l'époque (la première représentation remonte à 1725.. ). Il y a matière à réflexion donc, toujours d'actualité si on considère le rapport dominant/dominé, et Marivaux n'y va pas forcément avec le dos de la cuillère, même s'il sait être également plus mesuré, notamment dans une conclusion que nous qualifierons, poliment, de surprenante. Assez sympa à lire, mais rien de transcendant non plus, en ce qui me concerne. Mais je retenterais sûrement l'expérience, à l'occasion....
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