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André Markowicz (Traducteur)
EAN : 9782742727674
80 pages
Actes Sud (03/05/2000)
3.6/5   100 notes
Résumé :
Après avoir été accidentellement avalé par un crocodile présenté lors d'une exposition, un vaniteux bureaucrate progressiste élit domicile dans le ventre de l'animal. Une fable politique caustique.

Source : Actes sud

Livre déroutant pour un lecteur de Dostoïevski : par sa taille (soixante-dix pages), par son ton satirique et par son sujet : un fonctionnaire avalé par un crocodile va vivre tel Jonas dans le corps de l’animal et communi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
3,6

sur 100 notes
Ah les crocrocro, les crocrocro…
Aussi rare en Russie que la démocratie, un sac Hermès sur pattes est exposé à Saint-Petersbourg dans une galerie marchande au début des années 1860 par un couple d'allemands cupides.
Comme la bêtise fricote souvent avec la témérité et que l'inconscience n'a pas attendu que des imbéciles carencés en sensations fortes fassent des selfies avec des animaux sauvages ou au bord de précipices en reculant (oui, oui encore un ou deux pas, t'inquiètes, vas-y !), un fonctionnaire russe veut contempler la bête d'un peu trop près et se fait avaler pour le goûter. Un alligâteau.
Si Jonas fut vomi par la baleine car le prophète, plus pénible qu'un GPS bavard en voiture, lui était resté sur l'estomac, que Pinocchio fut recraché par le requin car le pantin en bois était aussi calorique d'un cure-dent, Ivan Matvéïtch s'installe confortablement dans le ventre de l'animal, espace vide, spacieux (comme quoi, certains sacs à mains sont bien rangés !) et il n'est pas mécontent de sa nouvelle célébrité car il peut communiquer avec l'extérieur.
Elena, sa veuve mais pas trop, profite de l'aubaine pour se faire consoler par quelques bons amis en itch, et le couple d'allemands triple le prix d'entrée pour exploiter cette nouvelle attraction. Seul le narrateur, collègue et ami du parasite est contraint de venir lui donner lecture des articles plus ou moins élogieux parus dans la presse. Pas de quoi verser quelques larmes de crocos qui vagit et se lamente quand il crie.
Pendant l'écriture des « Carnets du Sous-sol », on peut comprendre que Fédor du logis ait ressenti parfois le besoin de remonter à l'étage pour s'aérer la plume avec l'écriture de cette nouvelle fantastique légère et amusante un peu Gogolisée.
Derrière la fable absurde, néanmoins, comme Dosto n'est pas un grand comique par nature, il ne peut retenir son allergie de l'occident oxydant et une critique politique et sociale. le catholicisme, le socialisme, le capitalisme sont aussi mâchouillés et mals digérés que le fonctionnaire russe.
La lecture n'est pas déplaisante mais ces 70 pages ne pèsent pas grand-chose dans la bibliographie de l'immense écrivain russe. Il n'est pas étonnant que cette oeuvre reste assez méconnue et caïman oubliée. Elle est au niveau de mes jeux de mots de la journée.
C'est toujours mieux que cette comptine pour enfant qui justifie l'extinction de l'espèce et que je m'ôte plus de la tête. Un lézard au plafond.
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Cet écrit est surprenant chez Dostoïevski dont l'oeuvre explore plus souvent des thèmes comme « souffrance et rédemption ».
Ivan Matveïtch venu comme bien des curieux voir le crocodile exposé dans une galerie marchande de Petersburg est avalé par celui-ci sous les yeux hébétés de Elena Ivanovna, sa femme. Commence alors un récit fantastique, comique où la situation burlesque va nous ouvrir des horizons inattendus.

Cet évènement se déroule sous le règne d'Alexandre II dit « le libérateur » car il vient d'abolir le servage et entamer réformes importantes dans tous les domaines, la Russie se libère et devient plus moderne. Ce contexte est important et en Europe c'est le début de l'industrialisation le début du règne du profit.
Dostoïevski nous assène cette phrase « Cette propriété en commun, c'est le poison, la perte de la Russie ! »

Sémionne Semionitch, le seul qui « gardera les pieds sur terre », est le narrateur de ce récit il emprunte un ton journalistique pour narrer l'événement. Selon son habitude, Fiodor dialogue avec son lecteur et le prévient ironiquement : » « J'ai écrit ce premier chapitre du style qui convient au sujet de mon récit. Cependant, je suis décidé à employer par la suite un ton moins élevé, mais plus naturel et j'en préviens loyalement mon lecteur ».

Chaque personnage permet à Dostoïevski de monter ses critiques : des traits de cette société, du système politique, du libéralisme et capitalisme, mais aussi de laisser libre cours à son rejet de l'étranger, et pour cela il va ridiculiser ses personnages.

Matveïtch ce savant fat est dans le crocodile et ne veut pas en sortir : « Tu es comme en prison et la liberté n'est-elle pas le plus grand bien de l'homme ?
Que tu es bête ! Me répondit-il. Certes, les sauvages aiment l'indépendance, mais les vrais sages sont épris d'ordre, avant tout, car, sans ordre... »
Ivan Matveïtch entend profiter de sa situation pour, dit-il, changer la face du monde : « Quoique caché, je vais être fort en vue ; je vais jouer un rôle de tout premier plan. Je vais servir à l'instruction de cette foule oisive. Instruit moi même par l'expérience, j'offrirai un exemple de grandeur d'âme et de résignation au destin. Je vais être une sorte de chaire d'où les grandes paroles descendront sur l'humanité … C'est de ce crocodile que sortiront désormais la vérité et la lumière. »

le montreur de crocodile, Karlchen, un allemand peu soucieux de la vie humaine va déployer « la cupidité et la plus sordide avarice » pour faire prospérer son affaire. L'imagination de Dostoïevski explore la bêtise humaine, il y a du Gogol ici, par exemple dans « les Âmes mortes » ou « le nez ».

Dostoïevski fait d'Elena Ivanovna une sotte, une coquette frivole qui n'aime plus son mari. Il lui fait dire « Oh ! Mon Dieu, que ces gens sont rapaces ! fit Elena Ivanovna en se mirant dans toutes les glaces du Passage où elle reconnut, non sans une visible satisfaction, que cette secousse n'avait fait que l'embellir » ou encore : « Ah ! Me voilà veuve, ou à peu près ! — Et elle eut un sourire enchanteur qui dénotait à quel point sa nouvelle situation lui paraissait intéressante. — Hem ! Je le plains tout de même beaucoup. Ainsi exprimait-elle cette angoisse si naturelle d'une jeune femme dont le mari vient de disparaître. »

Dostoïevski avec Timotheï Semionitc, l'ami loyal, critique aussi la bureaucratie, sa hiérachie et son manque d'initiative : « Avant tout, fit-il tout d'abord, remarquez que je ne suis pas votre chef, mais un subordonné … Puisque vous me demandez un conseil, étouffez cette affaire et n'agissez que de façon strictement privée ».
Voilà un récit bien enlevé que j'ai beaucoup aimé, le comique de situation invraisemblable en fait une critique déguisée et cinglante.
Je termine par cette citation de Doris Lussier : « Et quand la vérité n'ose pas aller toute nue, la robe qui l'habille le mieux, c'est l'humour ».



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Qualifié à l'occasion d'inachevé, ce texte marque d'une grande singularité l'oeuvre du maitre.
Généralement peu habitué aux mécanismes de l'humour absurde (on sait en général où fourrer son nez pour en trouver chez les Russes…), il s'en sert ici pour brocarder ce que son époque nommait « progressiste » ou « libéraux », friands de doctrines étrangères (plutôt inadaptées, à première vue, à l'organisation sociale en vigueur), assénées sans grande réflexion par ce qu'il considère comme d'oiseux gandins.

Jolie nouvelle, traduite ici par André Markowicz (qui va me pousser à relire pas mal de textes…), présentée facétieusement comme récit véridique, fait divers digne d'une gazette nourrie de rumeurs. Tout ceci confirmé par des recherches sur l'énigmatique épigraphe « Ohé Lambert ! (…) » :
Voici ce qu'en écrivait Nicolas-Jules-Henri Gourdon de Genouillac dans "Les refrains de la rue de 1830 à 1870", publié en 1879 :
« Un jour, au 15 août 1864, quelques farceurs s'interpellent dans la gare du chemin de fer de l'Ouest par ces mots : Ohé Lambert!
D'autres répondent ; on vit là une allusion, un hurrah poussé en l'honneur d'un prince hôte de la France ; peut-être un cri séditieux. On le répéta ; il partit comme une traînée de poudre, et pendant deux jours, sur le boulevard, dans les rues, en chemin de fer, sur les routes, sur la terre et sur l'onde, on n'entendit qu'un cri : Ohé Lambert!
Les théâtres s'en emparèrent, Félix Baumaine fit vite une chanson dont le refrain fut : Ohé Lambert! et dans les cafés-concerts, le public le cria.
Huit jours plus tard, c'était fini, évanoui, passé de mode. »

L'affaire est dans le sac.
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UN ÉVÉNEMENT EXTRAORDINAIRE OU LE RÉCIT VÉRIDIQUE RAPPORTANT COMMENT UN MONSIEUR D'UN CERTAIN ÂGE ET D'UNE GRANDE RESPECTABILITÉ FUT AVALÉ TOUT VIF PAR LE CROCODILE DU « PASSAGE » ET CE QU'IL EN ADVINT.
C'est en ces termes que Dostoïevski lui-même présente la nouvelle " le crocodile " en 1865, date de sa parution, ce qui m'a tout de suite fait penser à une manchette de journal à sensations. J'ajouterai volontiers : ou comment un événement dramatique devient presque un canevas de vaudeville.

Il faut dire que l'événement est surprenant, absurde et le récit est franchement drôle, enlevé, flirtant avec le fantastique. Cela fait indubitablement penser aux nouvelles de Gogol, comme le Nez, où un événement absurde commence par perturber la société pour finir par habitude par devenir la nouvelle norme. Dostoïevski est captivant avec cette histoire farfelue qui tranche radicalement avec ses grands romans célèbres et son style habituel - un joyeux divertissement où pointe néanmoins une critique sociale et politique de la société pétersbourgeoise de son époque.
J'ai particulièrement apprécié la façon dont Dostoïevski réussit à donner la parole à chacun des protagonistes de cette nouvelle, défendant leur point de vue sur les suites à donner à cette situation hors norme, avec une absence totale de bon-sens ce qui bien sûr renforce l'effet absurde et risible. Mais je ne veux pas en dire davantage. C'est court et caustique à souhait, il serait dommage de se priver de découvrir cette facette inhabituelle du talent de Dostoïevski, d'autant que la nouvelle est disponible en lecture gratuite sur internet.
Du vaudeville par Dostoïevski, incroyable non ?
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le crocodile est une nouvelle de Fiodor Dostoieveski .Elle fut publiée en 1865.Il s 'agit du sieur , Ivan Matveitch qui doit se rendre à l 'étranger, en Allemagne .Mais , avant de partir , il décide , lui, son épouse, Elena Ivanovna et son ami, Sémione Séminitch ( le narrateur) de se rendre à la Galerie le Passage pour observer un crocodile exposé dans une baignoire .Le saurien est taquiné par Ivan à deux ou trois reprises .L animal agacé va prendre l 'homme et l'avaler .La foule est en émoi ! Que faut-il faire pour sauver Ivan .
Ce dernier , une fois bien installé à l 'intérieur du saurien va brocarder les tares dont souffrent la Russie .Il va tirer à boulets rouges sur l'ensemble des institutions : administration , le capitalisme , le socialisme, l Allemagne...La crainte de voir son pays perdre son indépendance .Le risque des convoitises des étrangers .On doit signaler aussi l 'abolition du servage par Alexandre II
l''auteur expose ce qu 'est l 'état de la Russie en cette fin du XIX e Siècle et expose cet état en usant du burlesque et de l 'absurde !



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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
— Voyons, débita la jolie femme avec précipitation, comme si elle eut répété une leçon, il va rester pour toujours dans ce crocodile ; il n’en reviendra jamais et alors, moi, je devrai l’attendre ? Il me semble qu’un mari doit habiter chez lui et non pas dans un crocodile.
— Mais c’est un accident tout à fait indépendant de sa volonté ! commençai-je avec une émotion bien compréhensible. [..]
— Comment ! fit-elle stupéfaite, comment ! vous voulez aussi que j’aille rejoindre Ivan Matveïtch dans ce crocodile ? Quelle idée ! Comment voulez-vous que j’entre là-dedans avec mon chapeau et ma crinoline ? Dieu ! mais c’est absurde !
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[S]upposons qu’il te soit donné de créer un nouveau crocodile, une question se dresse tout d’abord devant toi : quelle est la principale fonction du crocodile ? La réponse s’impose : engloutir des hommes. Quelle doit être la conformation d’un crocodile pour l’adapter le mieux possible à cette besogne d’engloutissement ? Réponse inévitable : il faut qu’il y ait de la place ; il faut qu’il soit vide. Or, il y a longtemps que la physique nous a appris que la nature a horreur du vide. Donc l’intérieur du crocodile doit commencer par être vide, mais non point demeurer ainsi. Il faut donc qu’il avale tout ce qu’il peut trouver afin de se remplir. Voici donc la seule explication plausible de cette propension des crocodiles à nous avaler. Il y a des différences de constitution entre les êtres animés. Ainsi, plus la tête d’un homme est vide et moins elle éprouve le besoin de se remplir, mais c’est l’unique exception à la loi générale précédemment exprimée. Tout cela me semble maintenant clair comme le jour. J’ai compris tout cela de par la seule puissance de mon esprit et de ma propre expérience, en plongeant, pour ainsi dire, dans les gouffres de la nature, dans la cornue où elle élabore ses mystères, en écoutant battre son pouls. Remarque que l’étymologie elle-même est d’accord avec moi. car le nom du crocodile n’exprime-t-il pas la voracité de cet animal ? Crocodile, crocodile, est un mot italien, sans doute contemporain des anciens pharaons d’Égypte et provenant certainement du mot français : croquer, soit manger, se nourrir de.
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- Voyons ! criai-je furieusement à cet Allemand, comment osez-vous réclamer ce grade de colonel ? Quel exploit avez-vous accompli ? Quels services avez-vous rendus ? De quelle gloire militaire vous êtes-vous donc couvert ? Est-ce que vous êtes fou ?
- Fou ! répliqua l’Allemand offensé, c’est-à-dire que je suis un homme fort sensé et que vous n’êtes que des sots. Si l’on ne mérite pas d’être nommé colonel alors qu’on peut exhiber un crocodile qui contient un conseiller de la cour tout vivant !... Faites-moi donc voir le Russe qui pourrait vous montrer un crocodile contenant un conseiller de la cour tout vivant. Je suis un homme fort remarquable et je ne vois pas pourquoi on ne me nommerait pas colonel.
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Jamais je n'avais vu Ivan Matveitch d'aussi bonne humeur qu 'en cette après-midi à jamais mémorable .Ah ! nous ne lisons pas l'avenir !
Il ne fut pas plus tôt entré dans le Passage qu'il se mit à s'extasier sur la magnificence de l'établissement et, parvenu à l'endroit où s'exhibait le monstre amené dans la capitale, il manifesta l'intention de payer les vingt-cinq copecks prix de mon entrée, chose que ne lui était encore jamais arrivée .
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- Quelle est la principale fonction du crocodile ? La réponse s’impose : engloutir des hommes. Quelle doit être la conformation d’un crocodile pour l’adapter le mieux possible à cette besogne d’engloutissement ? Réponse inévitable : il faut qu’il y ait de la place ; il faut qu’il soit vide. Or, il y a longtemps que la physique nous a appris que la nature a horreur du vide. Donc l’intérieur du crocodile doit commencer par être vide, mais non point demeurer ainsi. Il faut donc qu’il avale tout ce qu’il peut trouver afin de se remplir. Voici donc la seule explication plausible de cette propension des crocodiles à nous avaler. Il y a des différences de constitution entre les êtres animés. Ainsi, plus la tête d’un homme est vide et moins elle éprouve le besoin de se remplir, mais c’est l’unique exception à la loi générale précédemment exprimée.
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