Vie:
une constellation de phénomènes vitaux - organisation, irritabilité, mouvement, croissance, reproduction, adaptation.
En 2000, la dernière guerre de Tchétchénie a écrasé le pays sous la botte russe mais la fin des hostilités a offert une paix illusoire et dangereuse, sous armée d'occupation.
Le quotidien de la population reste une lutte sans fin contre les exactions des militaires russes et des rebelles indépendantistes, une quête journalière pour s'alimenter, se chauffer, se soigner, sauver sa peau en évitant les mines, les enlèvements, les délations et le mauvais sort.
Les destins croisés de la petite Havaa, qui a vu son père arrêté sous ses yeux, de son gentil voisin Akhmed, improbable médecin de village connu pour son incompétence et de Sonja, la chirurgienne russe, dernière soignante d'un hôpital à l'agonie, font la force de ce roman attachant, au plus près des individus.
Par des chapitres entrecroisés des deux guerres et de l'instabilité de la courte indépendance, le contrechamp visuel offre un pays en ruines, en couleur sépia, décimé par la guerre, où chacun s'arrange à sa manière des événements, en opportuniste ou en les subissant. L'écriture de
Anthony Marra est visuelle, sensuelle, pétille parfois d'un humour salvateur, entre ironie et poésie, ménage ses effets en étant capable de lâcher des petites bombes meurtrières en petites phrases lapidaires.
Un très beau roman, dans un contexte géo politique original pour mettre en scène une fiction dramatique, aux personnages bruts et denses, hommes et femmes ordinaires pétris d'humanité. C'est l'occasion de découvrir la Tchétchénie entre modernité et moyen-âge, ses traditions, son fondement religieux musulman, son sentiment nationaliste féroce et belliqueux, ancré dans la rancune atavique envers le grand frère voisin, et le tourbillon politique d'épuration ethnique subi par cette région au 20ème siècle.
Coup de coeur! Coup de coeur!