Quand une utopie féminine se voit bouleversée par la dure réalité masculine...
On peut lire Rue des Dames comme une comédie en trois actes. D'ailleurs, le roman lui-même est découpé en plusieurs parties, cinq au total.
Acte 1 : Présentation du lieu et des personnages. Nous sommes dans une ancienne maison bourgeoise partagée en plusieurs appartements. Juliette, agent immobilier, célibataire sans enfants est la propriétaire. Elle accueille Prisca, mère de famille divorcée, deux enfants (Tom et Lucas), infirmière et militante altermondialiste ; et Florence, mère de famille divorcée, un enfant (Clément), vendeuse dans un magasin de vêtements et religieuse fanatique. Toutes les trois ont décidé de créer une communauté basée sur l'art et l'entraide. A ce stade, quatre appartements son encore vacants pour de nouveaux locataires. Un nouveau personnage entre alors en jeu : Vincent Fournol, spécialiste de la poésie courtoise et maître de conférences dans une université. D'abord tourné en ridicule par les trois femmes à cause de ses manières d'une autre époque, il entame une histoire d'amour avec Juliette.
Acte 2 : Juliette voulant éprouver les sentiments de Vincent, le pousse dans les bras de Florence, sous couvert de lui faire écrire son histoire comme un blason de la femme moderne. Ne sachant pas s'il l'a trompée, mais s'en doutant un peu, la défiance s'installe entre Juliette, Vincent et Florence.
Acte 3 : Prisca souhaite aussi avoir une histoire avec Vincent. Mais sa tentative de séduction se solde par un échec. Juliette découvre ensuite que Vincent les manipule toutes les trois dès le départ et a entrepris de toutes les séduire sur la base d'un pari. Juliette fomente une vengeance avec Prisca qui se termine mal pour Vincent. Les trois femmes reprennent ensuite le cours de leur vie en essayant d'oublier ce moment malheureux, soudées par un terrible secret.
Quelle morale à cette histoire ?
Le roman commence bien avec cet idéal de communauté solidaire où les liens humains comptent plus que l'argent, un thème très dans l'air du temps.
Mais au fil de l'histoire, on s'aperçoit que ce projet utopique est mis à mal par le caractère des personnages : trop théâtral pour Juliette, trop féministe pour Prisca et trop religieux pour Florence.
Ces caractères se révèlent et éclatent avec l'arrivée de Vincent qui chamboule toute leur communauté alors prolifique (organisation d'expositions, représentations théâtrales dans le salon...).
Que penser? Les féministes diront que les hommes mettent la pagaille dans les communautés de femmes et devraient s'abstenir d'y mettre les pieds. A mon sens, c'est une vision plutôt simpliste des choses. Je dirais plutôt que vivre ensemble dans une même communauté est un challenge car plusieurs caractères s'affrontent et que l'on ne connaît pas forcément bien les gens avec qui l'on vit. L'élément perturbateur de cette histoire est un homme, mais cela aurait pu être aussi autrechose.
La morale alors? On ne connaît pas forcément bien les gens qu'on aime et on n'a pas toujours conscience de ses limites. La rencontre avec l'autre permet de se connaître d'une certaine manière.
J'ai bien aimé tout de même ce début d'utopie à quoi on pourrait rêver en ce temps de crise : la solidarité entre tous, le développement de ses talents artistiques plutôt que céder aux sirènes de la société de consommation, le partage, redonner vie à un lieu chargé d'histoire...
Ce qui m'a déçue par contre, c'est la fin de ce roman qui s'annonçait si prometteur. En lectrice habituée aux fins heureuses, mon horizon d'attente a été nié. Mais admettons que l'auteur à le mérite de ne punir que les personnages qui l'avait mérité, ce qui me comble en partie.
Pour conclure, je conseille tout de même la lecture de ce roman, (bien que j'en ai décortiqué une bonne partie dans ce commentaire), ne serait-ce que pour vous rendre compte du suspens mis en place dès le départ par
Isabelle Marsay. Dès le début, on sait qu'il va se passer quelque chose, tout l'annonce, et quand on sait la fin, le choc est immense !