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Critique de nadejda


«Boulevard du Guinardo» se déroule sur une après-midi, le 8 mai 1945. 
Il conte l'errance dans le Guinardo, quartier populaire de Barcelone, d'un inspecteur de police que le poids des ans et la chaleur a rendu somnolent et désabusé. Préoccupé par l'un de ses testicules baladeur, il va s'essoufler derrière une «Lolita» orpheline, «une morveuse en socquettes» qu'il doit convaincre de le suivre à la morgue pour identifier un vagabond, sans doute son violeur, ce qui lui permettra de classer l'affaire.

«Trois ans avaient passé depuis sa mutation, et d'autres fonctions l'avaient éloigné du quartier, mais il n'était jamais parvenu à déconnecter son imagination sensorielle et son flair belliqueux de ces rues enchevêtrées et de leurs habitants maniérés et experts en l'art de la dissimulation et de la fourberie. Dans les routinières inspections de son souvenir persistait une chaude odeur de linge repassé et amidonné, de festivité clandestine et vernaculaire.»

Rosita va le mener en bateau, au fil de rues poussiéreuses et de venelles insalubres, reculant la visite à la morgue qui lui fait peur.
Elle s'adresse à l'inspecteur à la fois comme une enfant et comme une femme et lui, policier amoureux de l'ordre en est exaspéré, ému et séduit. Au fil de ses déambulations derrière Rosita, il retrouve et redécouvre ce quartier qu'il a quitté durant trois ans, les combines, les prostituées, les gamins qui jouent dans des no man's land où traînent des carcasses datant de la guerre

«Incliné sur le remblai, le squelette oxydé d'un camion militaire enfouissait son museau dans une mare à sec. Sur le flanc de sa caisse défoncée trouvaient refuge une demi-douzaine de garnements, nu-pieds et le crâne rasé, qui se battaient avec de grosses épées de bois.»

Mélange d'humour et de désespoir, de beauté et de sordide ce roman laisse des souvenirs inoubliables. le lecteur comme le policier se laisse mener. 


«Les réverbères de la petite place centrale s'allumaient, et il y avait encore des petits vieux qui bavardaient sur les marches de l'escalier et sur les bancs de pierre. Les moineaux menaient leur tapage dans les branches des platanes, cherchant à s'installer confortablement. Rosita but à la fontaine et lança des serpents d'eau avec la paume de la main, dont les gouttes aspergèrent les chaussures de l'inspecteur. du côté est du Carmel parvenait l'écho des cris de la marmaille, un vacarme de pétards, de coups de clairon, de claquements de ceinturons. Au-dessus de la montagne Pelée se balançaient dans le ciel quatre cerfs-volants de fabrication artisanale, noirs et lourds, alignés comme des étendards guerriers contre la splendeur du couchant. Rosita indiqua à l'inspecteur le banc de bois... p 96
«Rosita appuya le front contre la vitre et regarda au- dehors. Au centre de tout ce vertige noir pendaient des grappes de lilas sous une pergola ensoleillée et elle, en gentille petite fille qu'elle avait été jadis, était assise sur une balançoire avec son gilet d'angora bleu tout hérissé de lumière. Elle se tira la langue en se disant à travers la vitre : «Bourrique» p 118

Je reste étonnée d'être à chaque fois prise par l'écriture de Juan Marsé et son art de séduire et perdre le lecteur qui désire arriver au bout de cette histoire, savoir ce que va être le final que la femme-enfant repousse. 
C'est le troisième roman de lui que je lis et la magie est toujours intacte. A chaque lecture je me laisse embarquée avec la même curiosité et je vais poursuivre ma découverte.
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