Citations sur Désolée, je suis attendue (109)
"J'ouvris les yeux et les vestiges de mon téléphone apparurent sous mon nez. [...] Je fixai les lambeaux d'électronique qui avait failli nous coûter la vie, surtout la sienne. Puisque finalement, la mienne se résumait à ça. cette chose. Le monde, les autres n'existaient plus, je n'avais plus aucune notion de ce qui était bon, mal juste ou injuste. Mon existence se résumait au prisme des informations délivrées par cette chose inanimée, sans émotions. J'étais une coquille vide de tout, sans considération pour mon entourage. Et j'avais failli tuer Marc pour sauver mon téléphone, cet iPhone6 avec lequel je dormais, qui finalement était mon bien le plus précieux, l'unique d'ailleurs."
Tout le monde éclata de rire, Marc balança son mégot à l’extérieur du bus, qui put enfin démarrer. Le trajet de Saint-Paul jusqu’à la place Léon-Blum dut être relativement pénible pour les autres usagers, vu le bruit que nous faisions. Ma vie était parfaite, merveilleuse, je ne souhaitais rien d’autre que de rester toujours auprès de ces cinq personnes que j’aimais, me promettant de ne jamais m’en éloigner, quoi qu’il se passe. Jeanne s’ébroua comme un chien devant la porte de l’immeuble avenue Ledru-Rollin, c’était sa technique pour dessaouler juste avant d’affronter la concierge. Nous traversâmes à pas de loup la cour intérieure pour l’attendre en rang d’oignons devant l’ascenseur, où elle nous rejoignit, Emma emmitouflée dans une couverture.
Marc était complètement détaché du pratique, la seule chose qui comptait pour lui était la dimension sentimentale et affective des choses. Ça me semblait complètement ahurissant et si éloigné de ce que je vivais au quotidien...
Les heures s'égrainèrent sans que je réussisse véritablement à me concentrer, je passai mon temps à jeter des coups d’œil à mon portable m'assurant plusieurs fois de suite qu'il n'était ni sur vibreur ou en mode silencieux, ni déchargé. Cette attitude me fit rire jaune ; la dernière fois que j'avais scruté mon téléphone de cette façon, c'était pendant les vacances à Loumarin, et j'attendais désespérément des nouvelles de Bertrand. Celui-là même qui travaillait à quelques mètres de moi. Aujourd’hui, c'était Marc qui ne me répondait pas. Allais-je devoir passer le reste de ma vie à attendre des coups de téléphone providentiels qui ne viendraient pas ?
Près du lit, je remarquai sa montre sur ma table de nuit ; ce simple geste me bouleversa, il était chez lui chez moi.
Je ne me suis jamais mêlé de la vie privée de qui que ce soit ici, mais il s’est passé quelque chose dans ta vie, qui t’a fait du bien, qui t’a rendue meilleure et, du jour au lendemain, tu as perdu ta flamme.
Avec le recul, je comprenais mieux pourquoi j’avais réussi à trouver le mien à la dernière minute. Contrairement à tous mes camarades d’école de commerce, prêts à turbiner comme des malades, je ne l’avais pas cherché dans l’idée de me défoncer pour décrocher mon premier CDI. J’étais partisane du moindre effort et je savais ce que j’aimais : manier mes deux langues – le français et l’anglais – et permettre aux gens de communiquer entre eux. J’adorais parler. Plus bavarde que moi, ça n’existait pas. À force de mettre mon nez dans l’annuaire des anciens de l’école, j’étais tombée sur les coordonnées de cette agence d’interprètes dans le milieu des affaires, j’avais envoyé mon CV, eu un entretien avec l’assistante du patron, et le problème avait été réglé.
Une page de ma vie se tournait. Il était lui, j'étais moi, nous aurions pu être nous, mais c'était fini. J'etais vidée, brisée, déchirée de part en part.
- Te rends-tu compte de ce que tu dis parfois?
- Non, je ne me rends pas compte, je te dis des tas de conneries, parce que, parce que...
- Parce que quoi ? s'énerva-t-il.
- Parce que je suis terrifiée à l'idée de te perdre encore une fois ! lui hurlai-je dessus.
c'est mon boulot qui m'a sauvé, qui m'a permis d'exister, de trouver une raison de me lever le matin. Tout ce que tu me reproches d'être, je le suis devenue pour me protéger du manque de toi. Et maintenant qu'est ce que j'y peux ? J'ai changé, j'ai grandi avec mon travail, et j'ai fait des choix pour garder la tête hors de l'eau