Sur un étal de libraire, un livre à la couverture bleu nuit, un bandeau rouge où est inscrite en grandes lettres blanches cette phrase, surtout cette phrase : « Quand je me mets à penser, je ne m'en sors plus ». Je découvre le titre : «
Queneau Losophe ».
Ah bon ! Evidemment je connais le
Queneau des poèmes, le
Queneau des chansons, le
Queneau de « Zazie » et de l'époustouflant «
Exercices de Style ». Il m'a souvent bousculée (linguistiquement – phonétiquement parlant), il m'a fait rire et j'ai aimé les jeux de sons, les phrases déchiquetées, les interrogations provoquées, etc. ... Comme ... tout le monde !
Voilà que je rencontre, grâce à cette citation, un autre auteur :
Jean-Pierre Martin, le « meilleur lecteur » de
Queneau, un des fondateurs de la losophie et c'est avec délectation que je me suis plongée dans ce livre.
La collection s'intitule « L'un et l'autre ». Je laisse chanter ces mots en moi. Je ressens le fil, je vois le miroir. Deux visages se superposent : respect, projection, amour (« l'amour n'a pas d'objet »), défense posthume, superposition, idéalisation, dépassement.
Cette biographie à deux têtes nous apprend qui fut l'un, qui est l'autre.
Queneau plus loin que le
Queneau original, bousculant, humour en bout de plume que l'on enseigne aux potaches, un
Queneau mélancolique, aux connaissances livresques écrasantes, humain remuant dont la losophie empêche la pensée de tourner-z-en rond, de répéter, de se scléroser, de « pensoter », de se systématiser, de s'envoler dans les arcanes philosophiques hermétiques connues, d'oublier le quotidien, la rue, ses acteurs et de rire.
Jean-Pierre Martin nous entraîne dans les romans moins connus du grand public et donne surtout envie de lire «
Les Derniers Jours » et ainsi découvrir le héros Vincent Tuquedenne (
Queneau).
L'auteur livre des extraits de la correspondance qu'il a entretenue avec
Queneau, des échanges d'une richesse et d'une compréhension mutuelle telle que la « dernière mélancolie » de
Raymond Queneau en fut illuminée : être compris parfois mieux que par lui-même.
Cette admiration est dévorante et je comprends l'auteur qui eut besoin de recul pour retrouver l'innocence de la lecture. L'identification est parfois dérangeante mais a permis cette compréhension unique dont nous pouvons partager la lecture dans ce livre aux multiples facettes.
Comprendre intensément un auteur, pénétrer profondément derrière le miroir qui constitue tout être n'est donné qu'à celui qui s'y trouve, s'y retrouve et aime. C'est l'empreinte que laissera ce livre qui contribue à la connaissance d'une pensée, celle de la losophie.