AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Eric Dussert (Préfacier, etc.)
EAN : 9782916141107
57 pages
L'Arbre vengeur (08/11/2006)
4.19/5   83 notes
Résumé :

" Je pensais souvent à ce cinéaste japonais, Ozu, qui avait fait graver ces simples mots sur sa tombe "Néant". Moi aussi je me promenais avec une telle épitaphe, mais de mon vivant. " Adolphe Marlaud habite un appartement avec vue sur le cimetière qui domine la rue Froidevaux, une de ces rues où " on meurt lentement, à petit feu, à petits pas, de chagrin et d'ennui. " N'ayant réussi à n'être ni fant&#... >Voir plus
Que lire après La grande vieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 83 notes
5
8 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Ce livre est écrit comme on pousse un cri d'exaspération, comme on tire une balle de fusil ou la chasse d'eau, comme on recouvre un cercueil d'une pelletée de terre. En y repensant pas trop à deux fois. le pitch ? Adolphe est un nabot hideux issu d'un père collabo et d'une mère juive exterminée par les nazis ; il travaille aux pompes funèbres près du cimetière du Montparnasse et se fait baiser sans ménagement par la concierge qui le submerge quotidiennement de ses 120 kilos. Vous voyez le tableau ? L'esprit de ce récit est bien résumé page 25 : « A vrai dire, je ne désirais pas grand-chose. Ma règle de conduite était simple : vivre le moins possible pour souffrir le moins possible. Pas très exaltant, peut-être, comme précepte, mais terriblement efficace ». C'est un texte obscène et burlesque, beau comme un cauchemar. On y trouve l'humanité de Gary, le désenchantement de Cioran, la cruauté de Céline et l'ironie morbide des penseurs russes qu'on résumera à ce proverbe : « malheureux ceux qui ont passé l'hiver, il y a l'hiver prochain ». Je vous le recommande, c'est idéal pour un dimanche ensoleillé, ensuqué par la bienveillance et les bons sentiments. Ce chef d'oeuvre d'humour noir m'a été recommandé par la librairie ICI que je remercie chaleureusement. Une belle découverte qui donne envie de lire « Jérôme » du même auteur. Alors oui ce livre n'est pas long, mais c'est un concentré de jubilation. Quitte à écrire un petit livre, autant que ça vous pète à la gueule (nous en reparlerons bientôt… car il y a beaucoup à dire sur le sujet).
Commenter  J’apprécie          332
Le narrateur de ce court récit (50 pages) m'a rappelé ce jugement de Jean d'Ormesson sur Montaigne :   « il trouve l'homme misérable et petit, et il s'en amuse. »
● Petit, Adolphe l'est, 1,38m, sous la toise. « Pauvre et calamiteux animal », cet avorton semble avoir servi de modèle à Vélasquez pour la série de portraits qu'il a consacrés aux nabots . Il est une espèce d'hybride entre Sebastian de Morra, le bouffon, et Péral, le nain le plus célèbre du cinéma.
● Sa voisine, Madame C, concierge de son état, en est la parfaite antithèse. 2 mètres, 180 kg. Un personnage rabelaisien, revisité par un San Antonio qui voudrait donner une « hénaurme » compagne à Bérurier et dont Botero aurait fait le portrait. Sûr et certain que Sully aurait été fasciné par ses grosses mamelles !
● Cette antithèse, Martinet va s'en amuser et le burlesque jaillir. La scène où Madame C. va, pour assouvir ses pulsions sexuelles et meubler sa solitude, se servir d'Adolphe comme d'un sex toy, l'enfouissant en elle, est d'un comique achevé.
● Tout n'est pourtant pas rose dans leur quotidien, rue Froidevaux, la bien nommée, métaphore de la misère et de la déchéance humaine. C'est glauque à souhait, et J.P. Martinet met sans cesse l'accent sur les notions d'étouffement et d'enfermement, d'ennui et de solitude. Elle, dans sa minuscule loge sans wc, lui, dans un immeuble qui menace ruine «  avec vue imprenable sur les tombes » du cimetière voisin près duquel il travaille et que son patron humilie sans cesse. La rue Froidevaux est sa prison, les morts ses seuls amis...et dès qu'il en sort c'est pour tomber dans les bras de la pachydermique concierge qui en fait son esclave sexuel et n'est « pas prête à lâcher sa proie ». Telle est sa misérable condition avec comme seule règle de conduite : « vivre le moins possible pour souffrir le moins possible ». On se croirait presque chez Cioran.
● Presque, en effet, dans le fond, mais si loin pourtant dans la forme. Si ses personnages essaient de survivre dans un environnement inhospitalier et désolant, il n'y a aucun abandon au pathos chez Martinet, rien de désespérant, aucun drame, « on n'est pas heureux, mais on se marre bien ». Et c'est cela qui fait la force et l'originalité de son récit. Son art lui permet de transcender le réel, de prendre ses distances avec l'amère réalité par l'humour et l'ironie, sans cesse présents, et cela, dès le titre : la Grande Vie. Vous avez pu juger de sa grandeur dans les lignes qui précèdent ! Je vous engage à ne pas manquer le récit que le narrateur fait de la séance de cinéma porno à laquelle il assiste en compagnie de Madame C. Elle mériterait de figurer dans une anthologie de l'humour, pas du tout noir, rassurez-vous !
● Je ne vais pas vous en dire plus. Simplement que notre petit homme, brisé par l'existence, va se révolter. Tel le Django de Tarantino , il va briser ses chaînes et «éprouver un sentiment de puissance qu{'il] n' avai{t} jamais connu auparavant ».
● Penserez-vous, à la fin de votre lecture, que ce petit homme misérable crée par celui qui a vécu tout près des terres de Montaigne « porte en lui la forme entière de l'humaine condition » ? A vous de voir.


Commenter  J’apprécie          140
La lecture de Martinet m'a été suggérée par une lectrice de la famille, lectrice que je remercie ici. J'accueille évidemment les suggestions avec bonheur même si, à cet égard, il peut m'arriver d'entretenir une attitude proche de celle qu'énonce Denis Lavant en préface de la grande vie : « Car si j'aime toujours recevoir un ouvrage inconnu, je rechigne parfois à être orienté trop ouvertement dans le choix de mes lectures. Préférant par habitude m'en remettre au hasard ou au seul ricochet poétique qui fait qu'un ouvrage en répercute d'autres et ainsi de suite comme une chambre d'écho ou un jeu de miroir, à l'infini… ».

J'avais été avisé, Martinet a une plume magnifique, mais une plume noire, une plume qui chamboule, une plume qui tourmente. Dans cette grande nouvelle, Adolphe, employé des pompes funèbres, un nain à la vie misérable, à la sexualité qui l'est tout autant, au passé familial trouble, fantasme sur les visiteuses du cimetière qu'il observe depuis son appartement. Il subit les avances de l'énorme Madame C., concierge à la sexualité insatiable qui le domine. C'est cet univers glauque que Martinet évoque en nous transposant dans la tête du narrateur, cet Adolphe qui peine à se relever et qui chemine sa vie à la limite du burlesque.

Voilà une étonnante lecture et je me promets bien d'explorer davantage l'oeuvre qui m'apparaît noire et pessimiste de Martinet.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
Commenter  J’apprécie          120
Trop court, trop petit, pas seulement Adolphe Marlaud, mais cette nouvelle de Martinet. J'aurais bien aimé que le plaisir de lecture ne s'arrête pas là, mais dure plus longtemps. Peut-être qu'Adolphe, lui, ne serait pas d'accord avec cette idée de prolonger l'existence encore plus, la vie, c'est déjà assez long comme ça. Il le dit : « Vivre le moins possible pour souffrir le moins possible.» Telle est sa devise. Adolphe vit dans sa cellule, un minuscule appartement donnant sur un cimetière. Il aimerait devenir invisible, comme un fantôme. Il y arrive presque, avec ses 1,40 m (souliers à talon compris) et ses 38 kilos. Il est tellement petit qu'il sert de sex toy à la concierge de l'immeuble, madame C. Comme l'homme canon au cirque qu'il dit, on ne peut s'enlever cette image de la tête. le petit Adolphe projeté hors de madame C. On peut l'imaginer avec les lunettes, le casque d'aviateur et l'écharpe qui frétille sous le coup de projection.

C'est drôle et triste à la fois. La souffrance massive percute le pauvre Adolphe tout en finesse, presque en douceur. Martinet décrit avec subtilité les désillusions de la vie. La douleur se vit au quotidien, il n'est pas nécessaire d'en faire tout un plat. Il me semble que l'on puisse résumer la situation des personnages de - cette grande vie - par le passage suivant : « Je parle de drame, mais ce n'est pas le mot qui convient. Il n'y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n'y a que du burlesque et de l'obscénité. On n'est pas heureux, mais on se marre bien.»
Commenter  J’apprécie          60
Jean-Pierre Martinet a tout pour émouvoir: un visage poupin et doux, un parcours brisé, une plume unique.
Avec cette nouvelle parue dans la revue Subjectif en 1979, intitulée "La grande vie", il nous rappelle qu'il y des hommes méprisés pour leur servilité qui font tout pour ne pas exister.
C'est déprimant mais pas seulement car on se croirait dans un film de Fellini avec une femme aux seins énormes, qui mesure deux mètres de haut et qui fait l'amour en engloutissant l'homme en entier.
Cette dévoreuse c'est Madame C. qui est concierge au 47 rue Froidevaux à Paris, face au cimetière Montparnasse. Elle a mis la main (enfin façon de parler) sur un de ses locataires, Adolphe, qui travaille à mi-temps dans un magasin d'articles funéraires.
Mais cette relation hors norme va les mener à la folie. Ou peut-être est-ce le contraire ?
C'est comme si Martinet nous disait que cette folie c'est le monde dans lequel on vit. Cette histoire est particulièrement sordide mais ne peux pas rester de marbre (funéraire).


Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
La rue Froidevaux était laide comme une salle d’attente de deuxième classe perdue dans quelque banlieue où les trains sont si rares que l’on vient là pour dormir, au milieu des papiers gras et des restes de sandwichs au jambon, et des canettes de bière si misérables, si solitaires, dans l’urine, les confetti, les scintillants et le vomi, et la tristesse des chiens qui guettent la mort sur les murs salis par tant de doigts crasseux. Dans cette rue, on avait toujours la sensation d’un froid glacial, même au mois d’août. Les passants avaient des allures de chrysanthèmes tardifs, et novembre s’éternisait. Le lierre s’agrippait désespérément aux murs des cimetières, mais au fond, on sentait bien qu’il n’y croyait pas , et qu’il avait été placé là par les soins d’un décorateur neurasthénique. En été, les tombes reverdissaient, et le mur avançait imperceptiblement. J’entendais parfois des craquements, la nuit, et cela me donnait d’épouvantables crises d’angoisse. Pauvre imitation de la vie. Comme on se sentait seul dans ce désert. Rue froide. Avec tout ce que cela évoquait: chambre froide, morgue, cadavres abandonnés, jeunes filles à moitié pourries, mauves et vertes et blanches, veaux assassinés à coups de merlin, au petit matin, sous une pluie fine.
Commenter  J’apprécie          40
Et Madame C. se tournait alors vers moi, elle me disait qu’elle avait peur de mourir étouffée ici, dans cette loge minuscule, qui lui laissait juste la place de respirer, entre ses plantes vertes et les photos en couleur de Luis Mariano, maintenant elle ne pouvait plus dépasser le deuxième étage lorsqu’elle montait le courrier, elle avait l’impression de descendre à la cave, d’être assaillie par des rats, de patauger dans l’humidité, sans doute le cœur, me répétait-elle tristement en passant sa main sur ses paupières boursouflées, en été je suis toujours fatiguée, il me faudrait changer d’air, je ne supporte plus Paris, la rue Froidevaux me donne la nausée, un autre ciel, ah oui la plage, ah la plage, quand j’étais petite fille ma mère m’emmenait à Biarritz, sur la jetée, on respirait alors, le Casino disparaissait sous les hortensias bleus, on y jouait des opérettes, quels décors, mon petit Adolphe, tu peux pas imaginer, enfin elle m’emmenait pas vraiment ma mère, elle suivait ses patrons, elle était domestique, mais l’hiver était très doux, là-bas, le ciel blanc, presque transparent, en décembre on pouvait se contenter d’une cotonnade légère, on mangeait des glaces à l’abricot, oui, j’ai vu trois fois « Le Pays du Sourire » avec maman, et les airs je les connais encore, oui, tu veux que je te les chante, mon petit Adolphe ?
Commenter  J’apprécie          30
C’est vers la fin du mois d'août que le drame a éclaté. Je parle de drame, mais ce n’est pas le mot qui convient. Il n’y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n’y a que du burlesque et de l’obscénité. On n’est pas heureux mais on se marre bien. Jaune, bien sûr, mais enfin. Et puis avouons-le, le malheur fait rire. Ce sont les hypocrites qui prétendent le contraire (d’ailleurs, ils gloussent en secret en contemplant le désordre du monde, nos grands humanistes).
Commenter  J’apprécie          50
Ah, comme vos rues sont froides, messieurs, et comme on y meurt lentement, à petit feu, à petits pas, de chagrin et d'ennui ! Comme le coeur est lourd à porter en vos déserts ! On y chemine en exil toute sa vie. Etrange voyage d'hiver.
Commenter  J’apprécie          100
Un terrible coup de coude m'a envoyé valser au milieu des couronnes mortuaires. La gamine s'est ruée vers la porte en éclatant de rire. "Vous êtes une limace ! m'a-t-elle jeté avant de disparaître, une grosse limace baveuse. On a envie de vous écraser." J'étais heureux quand même. Je souhaitais à cette petite fille tout le bonheur du monde.
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Jean-Pierre Martinet (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Martinet
« […] Je ne valais », écrit t'Serstevens (1886-1974) dans Regards vers la jeunesse, « que par des illusions que je n'ai plus, des enthousiasmes qui agonisent, une ardeur mystique qui me portait au-dessus de moi-même. Je préfère mes erreurs et mes sottes impulsions d'autrefois à mon intelligence prudente, à l'esprit critique dont je suis accablé. » […] […] t'Serstevens n'a cessé d'être poursuivi par son double, comme dans les cauchemars. […] La course-poursuite, malgré tout son entêtement, il l'aura perdue : l'horrible vieillard l'aura rejoint, il l'aura serré contre lui, il lui aura souri avec l'air doucereux et indulgent de ceux qui n'aiment plus la vie. […] […] On peut trouver contradictoire, en vérité, l'attitude d'un homme qui a su trouver les accents les plus vibrants pour célébrer la jeunesse, cette jeunesse qui se confond un peu […] avec l'esprit d'aventure, et sa férocité à l'égard de toutes les utopies, qui sont un peu la jeunesse des idées, leur adolescence. Cette contradiction, t'Serstevens en a eu conscience, et il l'a vécue dans le déchirement, du moins dans les premières années de sa vie d'écrivain. […] La tour d'ivoire où prétendent s'enfermer certains littérateurs pour échapper à la médiocrité de leurs contemporains, il n'y voit qu'une prison dérisoire : il lui faut l'air du large, la rumeur des ports, le sourire des femmes, l'odeur des acacias. Oui, ce qu'exprime en profondeur la première partie de l'oeuvre de t'Serstevens, c'est l'horreur de ne croire en rien. Cela n'a rien à voir avec le scepticisme, c'est, précisément, tout le contraire : la douleur de se sentir ballotté dans un monde où l'on ne comprend rien, où l'on n'a aucun repère, où toutes les idéologies s'effritent les unes après les autres […] : amertume ricanante, et non pas scepticisme souriant. […]
Il aura manqué, en somme, à t'Serstevens, d'avoir su se mettre en valeur, ce qui est une faute impardonnable dans notre petite république des lettres, qui oublie facilement les errants, les navigateurs, les ivrognes, les rêveurs, ou, tout simplement, les modestes. […] » (Jean-Pierre Martinet, « Un Apostolat » d'A. t'Serstevens, Éditions Alfred Eibel, 1975)
« Né […] en Belgique d'un père flamand et d'une mère provençale, Albert t'Serstevens, après un voyage en Égypte, s'installe en France en 1910 ; il est successivement employé de librairie, puis secrétaire d'un banquier, avant de publier en 1911 son premier ouvrage Poèmes en prose. […] » (universalis.fr)
0:00 - Absence 1:19 - Au seuil 4:49 - Générique
Image d'illustration : https://www.alamy.com/stock-image-albert-tserstevens-belgian-novelist-1910-1915-photo-taponier-creditphoto12coll-164523513.html
Bande sonore originale : Lacrymosa Aeterna Industry - Je te vois Je te vois de Lacrymosa Aeterna Industry est référencée sous license Art Libre.
Site : https://lacrymosa.tuxfamily.org/?String-Theory,65
#AlbertSerstevens #PoèmesEnProse #PoésieBelge
+ Lire la suite
autres livres classés : dépressionVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (146) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
433 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..