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EAN : 9782072626111
368 pages
Gallimard (20/08/2015)
4.1/5   881 notes
Résumé :
Blanche, la môme chardon, est-elle morte en 1361 à l’âge de douze ans comme l’affirme son fantôme ? Cette vieille âme qu’elle est devenue et la petite fille qu’elle a été partagent la même tombe. L’enfant se raconte au présent et la vieillesse écoute, s’émerveille, se souvient, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend. Veut-on l’offrir au diable pour que le mal noir qui a emporté la moitié ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (213) Voir plus Ajouter une critique
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Qui n'a jamais rêvé de dialoguer avec l'enfant qu'il était, de revisiter son histoire à travers le prisme de l'expérience ?
« Nous sommes mortes à douze ans et, depuis, j'ai vieilli, infiniment, à regarder le monde sans en être. »

Alternant les voix et réflexions de la petite Blanche, douze ans à peine, dotée d'un tempérament hors du commun, et de sa vieille âme, fantôme bienveillant mais lucide, Carole Martinez m'a littéralement entrainée dans son magnifique récit qui prend racine en 1360 au bord de la Loue, au fond d'une vallée du Jura.
L'immersion fût totale et réjouissante l'espace d'un week-end dans un Moyen Âge délicieusement onirique, peuplé des légendes et croyances de la région que l'auteur s'est appropriée avec talent et sensibilité.
Ici, les personnages ont autant d'importance que les lieux, les descriptions ne sont jamais lassantes tant l'écriture est splendide, poétique sans mièvrerie aucune, le propos sensible autant qu'affirmé. Ainsi, je retiens particulièrement l'incarnation de la rivière en Dame verte, longiligne créature tour à tour sensuelle et séductrice ou cruelle et désabusée, qui rythme la vie de la vallée et permet des moments de narration d'une rare beauté : une rivière exutoire, liant naturel entre époques et souvenirs des êtres.

« La mémoire est une alchimie merveilleuse, certains souvenirs nous donnent l'illusion du réel. Pourquoi retenons-nous cette minute plutôt qu'une autre ? Ce minuscule détail-là ? Cette légère brise agitant le voile bleu du lit ? Comment arrivons-nous à nouer plusieurs sensations les unes aux autres ? »

Qu'il me fut doux et agréable de suivre les péripéties de Blanche à l'aube de l'adolescence, de découvrir ses premiers émois amoureux, sa détermination pour apprendre tout simplement à lire et écrire, pour approcher cette liberté fantasmée, surtout par une femme dans cette société féodale - le tout soutenu par un réel suspense puisque l'on ignore comment Blanche est morte à douze ans…jusqu'au dénouement, inattendu.
Laissez le charme de La terre qui penche agir
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J'avais aimé "Le coeur cousu", et "Du domaine des murmures" m'avait envoûtée, mais à la lecture de "La terre qui penche"… les superlatifs me manquent.

Résister pourtant à l'envie de dithyrambiquer. Eviter par conséquent les «waouh quelle claque», «attention pépite», «chef d'oeuvre (dont on ne sort pas indemne)», «gros coup de coeur» et autres manifestations extatiques d'usage. La fée Martinez mérite bien mieux. Mais de fait, elle intimide. Car sa plume enchantée fait de chacune de ses phrases un poème à lui seul, transcendant un récit au mystère tout aussi poétique. L'on y découvrira les aventures de la singulière petite Blanche sur les terres du Domaine des Murmures, dont le roman éponyme dressait déjà le portrait d'une héroïne d'exception.

Deux siècles plus tard voici à nouveau une histoire de femmes, une histoire d'amours et de secrets, merveille de grâce et de cruauté somptueusement conjuguées au coeur d'un âge médiéval ésotérique et sauvage.

Non contente de nous offrir une prose aussi miraculeuse que les récits qu'elle nous conte, Carole Martinez est en outre une personne exquise, c'est du moins le souvenir que j'avais gardé d'une séance de dédicace à deux pas de chez moi. Après-demain (joie) elle revient. Occasion rêvée de la rencontrer à nouveau et de peut-être découvrir enfin quels sont les secrets d'une écriture aussi lumineuse.

Bon, on avait dit pas dithyrambique...


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Quand elle est morte en 1361, Blanche n'avait que douze ans. le récit de son existence nous parvient au travers de deux voix réunies dans la même tombe, celle de l'enfant qu'elle fut et qui se raconte au présent, avec la vivacité fraîche et naïve du jeune âge, et celle de la vieille âme qu'elle est devenue de nos jours, son fantôme lesté d'une sagesse de six cents ans et qui, se souvenant de ce passé consécutif à une terrible épidémie de peste, lui donne une perspective évocatrice du long et difficile chemin parcouru par l'humanité au travers des siècles.


Privée dès le plus jeune âge de sa mère, morte de la pestilence qui, succédant à la Guerre de Cent ans au mitan du XIVe siècle, a emporté une personne sur trois et vidé en quelques années le pays de ses forces vives, Blanche ne connaît que l'autorité brutale d'un père rendu plus paillard et soudard encore par sa puissance seigneuriale. Elle qui rêve tant d'apprendre à lire et de courir librement comme les garçons de son âge – toutes actions interdites au sexe faible et déraisonnable qu'il faut préserver de ses penchants pervers – se retrouve à onze ans arrachée à ses soeurs et emmenée dans un fief voisin, au château des Murmures, y faire son apprentissage de promise au doux mais débile Aymon.


L'imagination et le fort tempérament de Blanche colorent son récit, par ailleurs d'une grande précision historique, d'une magie onirique empruntant au conte merveilleux et à la fable fantastique qui, alliée à une langue poétique d'une envoûtante beauté, ensorcelle le lecteur sitôt la lisière des premières pages franchies et son étonnement enjambé. Et tandis qu'autour de cette période charnière, frappée d'une crise d'une telle ampleur qu'entre mauvaises conditions climatiques, famines, épidémies, razzias dévastatrices perpétrées par les grandes compagnies – ces bandes de mercenaires privés d'employeurs par la fin de la guerre –, elle devait sonner la mort du Moyen Age et le début d'un long processus de sortie de la féodalité, tandis donc que les regards de Blanche enfant et de Blanche vieille âme se renvoient en miroir ce qu'elles furent et ce qu'elles devinrent, c'est toute l'évolution du pays qui transparaît métaphoriquement, entre l'époque médiévale, son ignorance, ses peurs et ses superstitions pleines de magie, et celle d'aujourd'hui, plus rationnelle mais nostalgique de sa fantaisie perdue.


Traversé par les grandes peurs primitives liées à la mort et peuplé de figures, ogres ou fées, directement inspirées de l'imaginaire des contes et des légendes, le récit fait aussi la part belle à cette terre franc-comtoise qui penche de toute la hauteur de ses coteaux en terrasses, péniblement façonnés au détour d'épaisses forêts, en surplomb de la Loue, cette rivière-femme aussi traîtresse qu'enchanteresse qui avale les hommes venus s'y mirer. Un livre d'une grande richesse historique et poétique, au charme si puissant qu'il vous laisse éperdu d'admiration pour son écriture si imaginative et si belle. Au-delà du coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Vous le savez, j'avais adoré du Domaine des Murmures. C'est d'ailleurs avec ce livre que j'avais découvert Carole Martinez et son style oscillant entre prose et poésie. Et c'est avec un plaisir incommensurable que j'ai retrouvé non seulement ce style inimitable mais encore le lieu. En effet, la romancière fait évoluer les narratrices dans le Château des Murmures, deux siècles plus tard. Il appartient désormais à la famille de Jehan de Haute-Pierrre, père d'Aymon, jeune promis de Blanche, une des deux voix de ce roman. Cette dernière nous raconte sa courte vie et, à travers elle, la vie de toutes les jeunes filles de cette époque dont le destin était d'obéir à son père et de se marier avec celui qui avait été choisi par ce dernier, même si le futur époux n'avait pas toute sa tête, comme c'est le cas ici. Mais Blanche va finalement s'attacher à Aymon, à l'entourage, au paysage également. Et comme le roman alterne entre réalité et imaginaire, à l'instar des romans médiévaux d'ailleurs, Blanche va également avoir de l'intérêt pour la Dame Verte, la fée qui hante la rivière, la Loue. Cette eau est le fil conducteur du livre, un personnage à part entière, une des clés qui permettra au lecteur de comprendre le destin de Blanche.

Mais qui est donc la seconde narratrice ? Il s'agit de l'âme de la fillette, cette âme qui va nous permettre de tout savoir, y compris les circonstances de la mort de la petite Blanche. Elle reconstitue les manques de l'histoire, à la manière d'un puzzle. Je trouve cette idée très originale. Les deux voix se complètent. Jeunesse et maturité se font face, s'imbriquent, pour ne plus former au final, pour le lecteur, qu'une seule et même personne qu'il aura reconstituée.

Un coup de maître ! Je ne vois pas d'autres formules pour dire à quel point j'ai aimé ce roman.
Lien : https://promenadesculturelle..
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C'est une très belle histoire, comme sait les raconter Carole Martinez. Au début, on se demande pourquoi elle fait intervenir l'âme de la petite fille et l'âme qui erre depuis longtemps. Leurs deux récits alternent, la vieille âme complétant les dires de la fillette, ce qui peut dérouter au début du récit mais nous réservera une bien belle surprise…

Cette petite Blanche est émouvante par la force de caractère qui se cache derrière le petit corps frêle. Sa fascination pour la lecture, l'écriture la conduit à invoquer un prétexte pour que son père, le beau seigneur, tombeur de ces dames la laisse apprendre. Mais peine perdue, une fille, cela ne peut servir qu'à se marier et avoir des enfants. Elle mène donc une vie triste à côté des bâtardes qui semblent être mieux loties qu'elle, la fille légitime.


Carole Martinez sait parler des femmes, de cette époque, de la dureté de leur vie, de leur prison, voire emprisonnement, mais avec des instants de grâce au milieu de la sauvagerie, sur cette terre qui penche.

Elle décrit si bien la pureté des liens qui se tissent entre Blanche et son promis, alors qu'ils galopent tous les deux, accrochés à ce beau cheval qui est aussi un personnage du livre. Elle nous parle de liberté, de l'enfant qui devient adulte, tout au long d'un récit initiatique.

Elle nous raconte la rivière, la Loue qui peut être calme et douce comme une mère, sensuelle dans ses caresses comme une femme et se transformer en furie, tuant sur son passage, s'en prenant même au petit poisson qui nage si bien…

Elle nous berce avec des chansons dont la tradition orale remonte à si longtemps : « La belle si tu voulais, nous dormirions ensemble, Dans un grand lit carré, tendu de toiles blanches, Aux quatre coins du lit, un bouquet de pervenches…

L'écriture est très belle. L'auteure sait si bien raconter, il s'agit d'un long poème en prose, dont le rythme devient de plus en plus dense, de plus en plus riche. Cela commence comme la petite musique de nuit, pour se continuer sur le mode du Boléro de Ravel…

La langue de Carole Martinez est belle, chaque mot en est pesé, choisi, ciselé et elle décrit si bien l'importance de l'écriture pour cette petite fille.

La poésie, l'histoire, la magie, les fantômes, tout dans ce beau roman nous permet de voyager quelques siècles en arrière, où la vie n'était pas forcément plus belle qu'aujourd'hui, les humains sont tellement doués pour inventer des châtiments au nom de Dieu, des joutes, et autres maltraitances…

J'ai beaucoup aimé « du Domaine des Murmures », et je retrouve la magie, même si la lecture est différente, car il est plus difficile d'entrer dans l'histoire….

Donc, un autre coup de coeur…

Note : 9/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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critiques presse (2)
Lexpress
25 septembre 2015
Elle nous offre, à travers ce roman gorgé d'énergie, une belle réflexion sur la condition des femmes.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
20 août 2015
Quelques pages suffiront pour que le charme agisse, renouvelé, plus puissant que jamais.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (286) Voir plus Ajouter une citation
On est venu m'annoncer que j'avais une fille, puis un fils, puis une fille, puis un fils encore, mais celui-là n'a pas vécu un jour. A chaque fois, j'ai été fier et j'ai fêté la nouvelle comme il se doit, en homme de ma condition. Mais va savoir pourquoi - petit-être parce que ce dernier petit était mort tandis que je bataillais, mort avant que j'aie pu le voir -, j'ai guetté la naissance suivante, j'ai été attentif aux moindres signes, aux chuchotements des femmes, au versant féminin et secret de cette maison, à chaque mouvement de ta mère. Je voulais être présent cette fois-là et malgré les interdits, malgré les contes, malgré toutes les malédictions promises à celui qui verrait sa femme en couches, je suis resté derrière la porte de la chambre où ta mère hurlait quand tu es né, mon fils, l'oreille collée au bois, je suis resté et j'ai tout entendu : les gémissements d'Aélis, les prières de la sage-femme, le bruit de l'eau dans la cuvette, j'ai entendu ton cri aussi, et ce tout premier cri était déjà un chant à mon oreille. Je n'ai vécu et ressenti cela pour aucun autre de mes enfants et, pourtant, j'ai tenté d'être le père de chacun d'eux. Et je n'étais pas seulement derrière la porte, ce jour de neige où tu es né, j'étais à tes côtés, au plus près de toi, aussi près que je pouvais l'être du grand mystère de la création, si bien que j'ai entendu le monde se déchirer dans ce dernier cri de ta mère qui a précédé le tien. Tu vivais, et une immense joie m'a submergé. Comme tout cela était puissant ! Contre le bois de cette porte, j'en ai pleuré de t'imaginer naître. Etre père ne paraît pas bien compliqué, il suffit d'être celui qui se fait obéir, celui dont on ne discute pas les décisions, il suffit d'être à l'image de son propre père. On ne ressent rien dans son corps, on ne porte pas de fruit, on ne donne pas un morceau de sa chair pour forger un enfant, on ne risque pas sa vie en la donnant. Etre père n'est pas une affaire naturelle. Je ne me souviens pas vraiment du mien, il était une grande figure absente, un mythe construit par la parole de ma mère et par celle de ses gens, mon père était un modèle, un nom, un château, une terre, de grandes batailles, mon père contenait son propre père et le père de son père, mon père était l'incarnation d'une lignée que j'ai appris à respecter, à vénérer. J'ai songé alors que, depuis des générations, les hommes de ma maison devenaient pères en observant, en construisant ou en reversant leur propre père, pas en se penchant sur leurs enfants. A ta naissance, mon père venait de mourir et je m'étais étonné de nepas avoir été ému par sa disparition, de ne rien ressentir, son nom était le mien et je prenais sa place, mais il ne me restait rien de lui, pas le moindre petit souvenir de complicité ou de tendresse. J'ai alors tenté de saisir en quoi consistait ce titre de père, titre ô combien discutable puisque Dieu est notre père à tous. Pour la première fois, j'ai douté de mon pouvoir, de ma capacité à être un père et pourtant jamais je ne m'étais senti tellement à ma place, tellement juste, collé au bois de cette porte. Quand elle s'est ouverte et que les femmes m'ont laissé entrer dans la chambre, quand j'ai vu ce tout petit être dans son berceau au plus près de l'âtre, mon coeur a bondi dans ma poitrine et le sang m'est monté aux joues. J'ai promené mes énormes doigts rêches sur ton minuscule visage si bien dessiné, sur ta peau douce et claire de jeune pousse, puis j'ai glissé mon index dans ta main et tu l'as serré en souriant aux anges. Nos doigts ont conversé longtemps, ainsi que nos regards. Tu me disais : "Je suis là !" et je te répondais : "Moi aussi !" en pleurant d'émotion. Je t'ai ensuite pris dans mes bras avec précaution. Comme je me suis senti raide et maladroit, tandis que, contre ma poitrine de soldat, tu agitais tes petites mains avec grâce ! Ta mère s'est plainte qu'une fois de plus je la négligeais, que je ne l'avais pas même embrassée. Je me suis tourné vers elle un peu confus, j'étais incapable de te reposer, je ne savais pas comment m'y prendre. Avais--je seulement porté l'un de mes enfants avant toi ? Je ne m'en souvenais pas. J'ai alors choisi d'endosser le rôle de Joseph, plutôt que celui de Dieu, je me suis questionné sur ce que je ressentais et non sur ce que je représentais. Tu m'as révélé à moi-même, mon fils. Grâce à toi, je me suis offert la joie d'être un homme aimant et imparfait. Imparfait du fait même de ton existence et affaibli par mon amour.
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Depuis que mon père l’a abandonnée au-dessus du vide, elle-même est si pleine de larmes qu’elle est insensible à la peine de sa fille comme au sommeil de son fils. Elle ne pourrait ajouter des larmes aux larmes sans déborder, et la crue ravagerait son beau visage impassible, ce visage qu’elle s’acharne à tenir fixe pour ne pas s’abîmer les traits, ce visage lisse et tranquille qu’elle a posé sur son âme comme un masque de marbre et qui n’exprimera jamais rien d’autre que sa beauté jusqu’au jour où il craquera et où les peines anciennes, accumulées sous sa chair, jailliront toutes ensemble, emportant pêle-mêle dans un flot de larmes la couleur de ses yeux, l’arrondi de ses lèvres et l’arête de son nez. La chair de ses joues s’amollira, la pâte se distendra, ne tiendra plus à l’os. Aucune saignée n’aura été creusée en prévision de ce jour-là qui permettrait à sa douleur de s’écouler directement jusqu’à la Loue sans tout détruire sur son passage. Alors Aélis sera comme un coteau ravagé par l’orage.
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Les religions grandissent, vieillissent et, sans doute, finiront-elles toutes par tourner au mythe. Certaines s'enkystent pour survivre, d'autres luttent pour s'imposer, pour rester vivantes, puissantes, effrayantes. Il arrive que des assoiffés de pouvoir dirigent des affamés de sens, leur tracent la voie à suivre, justifient la violence, se justifient par la violence, utilisent les plus sauvages pour régner sur les craintifs et terrasser les autres. Car qui mieux que Dieu peut légitimer un pouvoir temporel?
Que Dieu soit muet arrange bien les choses.
Il me semble qu'une religion ne prend sens que si elle se dépouille absolument de ce pouvoir-là et ne craint plus sa fin. Quand elle ne s'impose plus par force ou effroi, alors seulement elle devient spirituelle et précieuse. Mais comme la majorité des hommes a besoin de croire en foule, qu'elle rêve d'un père puissant, pas d'un Joseph, et que nul n'accède au pouvoir par hasard, comme ce chemin qui y mène ne rend pas meilleur et que l'heure n'est pas au dépouillement, j'ai bien peur pour vous, mes chers vivants. Moi qui suis morte, je peux rire tout mon saoul des ambitieux qui se rêvent des saints en agitant l'épée du sacrifice. Je peux rire de ceux qui utilisent Dieu comme prétexte pour asseoir leur pouvoir.
Mais j'ai bien peur pour vous, pauvres vivants, qu'un éclat de rire met en péril…
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(...) quand j’ai vu ce tout petit être dans son berceau au plus près de l’âtre, quand nous nous sommes regardés pour la première fois, mon cœur a bondi dans ma poitrine et le sang m’est monté aux joues. J’ai promené mes énormes doigts rêches sur ton minuscule visage si bien dessiné, sur ta peau douce et claire de jeune pousse, puis j’ai glissé mon index dans ta main et tu l’as serré en souriant aux anges. Nos doigts ont conversé longtemps, ainsi que nos regards. Tu me disais « Je suis là » et je te répondais « Moi aussi ! » en pleurant d’émotion. (...)Tu m’as révélé à moi-même, mon fils. Grâce à toi, je me suis offert la joie d’être un homme imparfait et aimant. (...) Chacun de tes émerveillements m’a été un délice. Tu m’as permis de comprendre qu’on pouvait jouir du bonheur d’un autre. Ta joie découlait de ta façon de regarder le monde et de t’en imprégner. Oh oui, la joie m’est venue de toi, mon enfant, mon éternel enfant ! Tu es la feuille que tu contemples, l’oiseau que tu suis au ciel, tu ressens dans ton corps les maux de ceux qui souffrent, tu ris avec celui qui rit. Tu n’as pas de bornes et tu t’effaces pour devenir ce que tu regardes. Tu es au monde, tu es le monde.
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Être père n'est pas une affaire naturelle. Je ne me souviens pas vraiment du mien, il était une grande figure absente, un mythe construit par la parole de ma mère et par celle de ses gens, mon père était un modèle, un nom, un château, une terre, de grandes batailles, mon père contenait son père et le père de son père, mon père était l'incarnation d'une lignée que j'ai appris à respecter, à vénérer. J'ai songé alors que, depuis des générations, les hommes de ma maison devenaient pères en observant, en construisant ou en renversant leur propre père, pas en se penchant sur leurs enfants.
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Vidéo de Carole Martinez
Dans cette compilation, cinq romanciers et romancières de renom ainsi qu'un éditeur partagent leurs conseils pour les apprentis auteurs. Alexis Jenni (lauréat du Goncourt), Benoit Laureau (co-fondateur des Editions de l'Ogre), Valentine Goby (auteure de "Murène"), David Diop (auteur de "Frère d'âme"), Milton Hatoum (auteur de "Cendres d'Amazonie") et Carole Martinez (auteure de "Le coeur cousu") évoquent les erreurs à éviter et les bonnes pratiques à adopter pour améliorer son écriture.
Entretiens réalisés aux Artisans de la Fiction, grâce à la complicité de la Librairie Vivement Dimanche (69004 Lyon) et à la Villa Gillet.
00:09 Alexis Jenni 01:21 Benoit Laureau 02:10 Valentine Goby 03:50 David Diop 04:43 Milton Hatoum 07:17 Carole Martinez
INTERVIEWS COMPLETES Alexis Jenni : https://youtu.be/PcA30xrfCGo Benoit Laureau : https://youtu.be/MEuVUMs-QbQ Valentine Goby : https://youtu.be/e5kQNaGn_Sg David Diop : https://youtu.be/C9y8TSRYdbw Carole Martinez : https://youtu.be/bzHIv36uAw4
Qui sommes-nous ?
Les Artisans de la Fiction sont des ateliers d'écriture situés à Lyon. Nous proposons un apprentissage artisanal des techniques d'écriture, avec pour objectif de rendre nos élèves autonomes dans la concrétisation de leurs histoires. Notre approche s'inspire du creative writing anglophone, en mettant l'accent sur l'apprentissage et la transmission des bases essentielles de la narration : structure de l'intrigue, principes de la fiction, construction de personnages, etc.
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