Plombant !
Roman graphique, sur fond vert très, très pale et très, très grisâtre.
Quatre fenêtres par page, avec la bonne idée de ne pas les avoir entourées, enfermées dans un pourtour noir. Pas de lumière, sauf, rarement celle d'un ciel étoilé, comme les arêtes d'un morceau de graphite qui capte une étincelle. C'est étouffant, statique, cloisonné.
L'auteur utilise uniquement (ou presque) de courtes lignes parallèles, en horizontal, vertical et quadrillage. Stupéfiant florilège de ces petites lignes droites. Travail précis qui représente la ville avec exactitude. Véritable maîtrise du trait, et de la mise en page !
Plombant !
L'anti-héros de cette histoire. Il s'agirait d'un jeune homme agé d'un quart de siècle, mais "il ne les fait pas" ses vingt-cinq printemps. A le voir, quasiment tout le temps, la tête baissée, le regard fixé sur ses souliers, le geste étriqué, on le sent usé par la vie, au seuil de maladies dégénératives, signes avant-coureur du grand âge.
Plombante...sa personnalité !
Mais quelle idée lui a pris d'accepter un poste de professeur assistant d'anglais dans un collège au fin fond du Japon ! Il est timide, complètement introverti, sans curiosité, démuni loin de ses repères. Il se dit lui-même toujours fatigué, et il passe son temps libre (et il en a beaucoup du temps libre) entre regarder la télévision et dormir. Quand il se trouve dans un pays aussi surprenant...
C'est certain, il n'a jamais su communiquer avec quiconque, mais alors, pourquoi avoir accepter un poste dans un pays aussi désorientant ?
En réalisant ce roman graphique,
Lars Martinson avait pour objectif de démontrer combien il est difficile de s'adapter à un pays dont on ne maîtrise ni la langue, ni les coutumes, comment le déracinement devient anxiogène et annhilant. Objectif atteint, lorsque le lecteur est confronté aux idéogrammes japonnais, aux contextes quotidiens pour lesquels aucun éclaircissement n'est apporté. Mais comment adhérer à la déconvenue, à l'errance de cet ectoplasme, qui n'a même pas pris la peine, avant d'arriver, d'apprendre quelques phrases de survie ? Quand, l'ampoule de sa salle debain grille, il n'a même pas la force d'aller en chercher une autre ? Il ne se trouve tout de même pas sur une île déserte !
Ne s'intéressant à rien, il n'intéresse personne. Et, comment ne pas comprendre que chacun le fuit ?
Mais que la réalisation de cette BD est belle et surprenante.