Si Martín Luis Guzmán se révèle à travers son écriture un remarquable observateur des situations, des atmosphères, des caractères, nous permettant ainsi de nous saisir nous-mêmes de ces aspects d'une époque bien particulière, il se révèle par ailleurs être un assez piètre historien auquel manque une vision globale qui donnerait sens à tout cela. Si bien que ses personnages manquent de profondeur, comme simplement agités par leurs passions et sans que l'on puisse se saisir du rôle exact qu'ils jouent et des enjeux historiques dans lesquels ils sont impliqués. Le dernier tiers du livre est d'ailleurs assez confus et l'on voit y pointer une sorte de vanité où l'on devine le besoin de se donner une importance de circonstance ne correspondant qu'assez peu aux faits. Dommage, car sinon tout était là pour produire une oeuvre majeure.
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Elle marchait dans une extraordinaire harmonie de rythmes suaves, sinueux et souples qui se déployaient autour de points vitaux fixes. Elle avait tant d'art, pour traverser la cour, que ses pieds, en un admirable jeu de chevilles, se plaçaient alternativement sur une seule ligne idéalement droite. Cette audace de la démarche se répercutait d'abord dans les hanches, d'où elle se ramifiait en de très délicates ondulations qui gagnaient la taille, le cou, la tête - magnifique tête, magnifique cou, magnifique taille - pour mourir dans le balancement des bras. Le corps cambré, elle répandait la sève de sa belle jeunesse, la communiquait au sol et la faisait monter ensuite le long des murs dans l'unique but de galvaniser l'organisme de pierre et les petits organismes de chair qui l'habitaient, soumis aux chaînes d'une double prison.
Du sein de la plus complète solitude, dans la campagne ou la montagne, toujours on entend ou on devine une palpitation biologique; au milieu d'une ville en ruine les ténèbres sont ce qu'il y a au monde de plus proche du dernier souffle qui se défait dans le néant.
(à propos du général Rafael Buelna)
Il faisait partie des très rares constitutionnalistes qui percevaient la tragédie révolutionnaire : l'impossibilité matérielle et psychologique d'atteindre avec la Révolution les buts générateurs qui la justifiaient.
Il y eut un bref moment où l'obscurité se peupla de cris et de pleurs enfantins. Puis - trait profondément mexicain - ce fut la résignation, la résignation fatale, facile, la résignation dans laquelle tout le monde s'installa, comme sous une couverture.