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Franck Fischbach (Éditeur scientifique)
EAN : 9782711619313
240 pages
Vrin (08/10/2007)
3.75/5   2 notes
Résumé :

Les Manuscrits économico-philosophiques de 1844 ont parfois été considérés comme un simple document témoignant de ce qu'était Marx à la veille de sa "sortie" de la philosophie. Il ne s'agit certes pas de tomber dans l'extrême inverse, qui en ferait le seul texte de Marx digne d'entrer au Panthéon de l'histoire de la philosophie. Car si les Manuscrits ne sont pas un obstacle à surmonter pour accéd... >Voir plus
Que lire après Les manuscrits économico-philosophiques de 1844Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre est un déchirement complet, tant du point de vue de la politique économique en 1844 qui va de pair avec la fracture sociale, que de la réponse au problème.
Les manuscrits de 1844 sont une entrée en matière pour Karl Marx, mais il y a déjà urgence comme le rappellent les conditions de vie sordide des travailleurs, dans les caves de Londres et d'ailleurs, entre les mains des marchands de sommeil.
Comme entrée en matière, Marx se doit naturellement de partir des thèses des économistes nationaux, des points de vue des acteurs de la contestation et de la philosophie de Hegel. Tous manifestent un mouvement de déshumanisation en puissance.
Le livre se déroule à peu près dans cet ordre, dans un enchevêtrement d'acceptations et de critiques. La question qui brûle les lèvres, quand on parle du marxisme, étant de savoir si le ver était dans le fruit. Mais dans quel fruit ?
Marx ne peut pas en rester à l'analyse de Adam Smith qui fait tout reposer sur la cupidité des hommes, et la guerre entre les hommes cupides, la concurrence. En un sens il lui faut reconnaître avec Jean-Baptiste Say et David Ricardo que leur science économique « se développe de façon plus conséquente et plus vraie » et accepter (pour le moment) « l'industrie aussi déshumanisante qu'elle soit. »
Pour aller plus loin, Marx s'intéresse donc aux forces humaines essentielles. L'homme a un rapport vital avec des objets extérieurs qu'il produit et consomme. Il se réalise donc lui-même, il s'objective en produisant ses objets ou ses oeuvres. En conséquence, lorsque les objets qu'il produit deviennent la propriété d'un autre, alors son travail devient entièrement déréalisation de soi, aliénation.
L'aliénation au travail ou la perte de sens, est une expérience toujours d'actualité, mais diversement vécue. La formulation de Marx me semble comporter un attachement viscéral bizarre aux objets. Outre la pluralité des expériences, il laisse également de côté les problèmes spécifiques soulignés dans ses diverses lectures. Des problèmes toujours d'actualité, comme dans ces deux exemples.
Friedrich Wilhelm Schulz : « On a calculé en France que, au niveau actuel de la production, un temps de travail moyen de 5 heures par jour, réparti entre tous ceux qui sont aptes à travailler, suffirait à la satisfaction de tous les intérêts matériels de la société »
Jean-Baptiste Say : « Si le capital lui-même ne se réduit pas au vol ou à la spoliation, il a quand même besoin du concours de la législation pour sanctifier l'héritage »
Dans ces Manuscrits de 1844, Marx écarte en fait toutes les questions pratiques de partage du travail et des richesses. Il réserve même sa critique la plus sévère à l'idée de l'égalité salariale proposée par Proudhon.
Le problème posé n'est pas l'AVOIR mais l'ÊTRE, c'est-à-dire la réalisation de soi.
D'où ses premiers commentaires très négatifs à l'égard du communisme « brut » : « en ce qu'il nie partout la personnalité de l'homme – (il) n'est précisément que l'expression conséquente de la propriété privée, qui est elle-même cette négation...La communauté est seulement une communauté de travail et de l'égalité du salaire que paie le capital communautaire, la communauté en tant que capitaliste universel ».
C'est pourtant dans cette voie paradoxale que Marx va s'engager, ayant reconnu avec Hegel, que la négation est « le seul véritable acte d'auto-activation » pour l'homme :
«Il faut revenir à ce point pour permettre l'émancipation c'est à dire la propriété privée du côté de l'être…Le communisme est la position en tant que négation de la négation, et c'est pourquoi il est, pour le prochain développement historique, le moment nécessaire de l'émancipation humaine et de la reconquête (de soi). le communisme est la figure nécessaire et le principe énergétique du futur proche, mais le communisme n'est pas en tant que tel le but du développement humain,-la figure de la société humaine. ».
Marx s'efforce de dépasser la science de David Ricardo, le dernier économiste nationale de la série, celui qui achève de faire du travail « l'unique essence de la richesse ». Il s'agit notamment de dépasser la science morale de l'ascèse qui se résume par la formule « moins tu es, plus tu as ». Mais en tous les cas, Marx rivalise de cynisme lorsqu'il appelle de ses voeux un futur proche nécessairement violent.
Il a suivi la philosophie de Hegel presque jusqu'au bout en reconnaissant que « les formes de pensée universelle et fixes, dans leur indépendance à l'égard de la nature et de l'esprit, sont un résultat nécessaire de l'aliénation générale de l'être de l'homme et donc aussi du penser humain ».
Dans sa critique de Hegel, au dernier chapitre du « savoir absolu » de la Phénoménologie de l'Esprit, Marx conçoit la philosophie comme le lieu des oppositions théoriques, liberté et nécessité etc.. mais qui ne peuvent être résolues « que par l'énergie pratique de l'homme » comme « une tâche vitale réelle ».
Marx se perçoit comme pragmatique et naturaliste, mais il ne cherche pas pratiquement à résoudre les problèmes spécifiques qui se présentent à lui et il ne prend pas en compte la variété des expériences. Son programme de réalisation de soi a la forme d'une quête de réalité absolue qui prévoit déjà une phase violente de l'histoire. Bref, sa propre pensée présente aussi des signes d'une forme aliénée de « pensée universelle et fixe ».
Cet absolu néanmoins n'est plus celui « d'un être situé au-dessus de la nature et de l'homme ». « Pour l'homme socialiste, l'ensemble de ce qu'on appelle l'histoire mondiale n'est pas autre chose que l'engendrement de l'homme par le travail humain, que le devenir de la nature pour l'homme ».
En attendant le processus positif du socialisme il restera à l'expérience communiste à apporter la preuve que les moyens sont bien en accord avec les fins, car « la négation de la négation est comprise comme une position qui n'est pas encore assurée d'elle-même ».
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Les processus sociaux ne seraient pas pathologiques si la société était pour les individus le lieu d'un accomplissement, d'un épanouissement ou d'une réalisation d'eux-mêmes. La critique de la réalité sociale existante, le repérage des pathologies sociales engendrées par la société existante se font chez Marx à partir de l'idée d'une "association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous".
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Parmi les jeunes hégéliens, Marx n'était évidemment pas le seul à penser que Hegel, selon l'expression de Hess, était le "dernier des philosophes" : mais Marx est bien le seul qui ne se soit pas payé de mots, ni contenté de formules à l'emporte pièce et qui ait cherché à comprendre, à partir de la pensée même de Hegel, ce que cela signifiait qu'elle soit en effet la dernière, qu'elle soit en effet celle qui se présente légitimement comme absolue dans la mesure même où elle parvient à exprimer l'essence même de la philosophie. (présentation de F.Fischbach)
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Marx n'a jamais accepté et a constamment rejeté toute critique de Hegel qui ne reposerait pas d'abord sur une véritable appropriation de la pensée hégélienne, et il s'est toujours montré d'une implacable sévérité à l'égard de ceux qui prétendent rejeter Hegel sans avoir fourni l'effort de d'abord le connaître et le comprendre. (Présentation de F. Fischbach)
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L'économiste national nous dit que tout est acheté par le travail et que le capital n'est rien d'autre que le travail accumulé, mais il nous dit en même temps que, loin que le travailleur puisse tout acheter, il lui faut se vendre lui-même et son humanité.
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La sensibilité doit être la base de toute science. C'est seulement à la condition qu'elle parte d'elle, sous la double forme aussi bien de la conscience sensible que du besoin sensible - donc seulement si la science part de la nature -, qu'elle est science réelle.
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Videos de Karl Marx (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Karl Marx
Le 19 mai 2012, l'émission “Une vie, une oeuvre” dirigée par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée tous les samedis sur les ondes de France Culture, évoquait la figure et l'oeuvre de Karl Marx. “Marx, l'horizon du monde” : Sur les traces de l'auteur du “Capital”, juriste et philosophe, mais aussi économiste et critique de l’économie politique, sociologue du travail, militant révolutionnaire et père d’une famille bourgeoise qui échappa à la misère grâce à l’amitié d’Engels. Par Thibault Henneton - Réalisation : Lionel Quantin. 1841, Karl Heinrich Marx [1818-1883] devient docteur en philosophie après une thèse sur Démocrite et Épicure. Le 2 septembre, Moses Hess écrit à un ami écrivain (Berthold Auerbach) : « C’est un homme qui a fait sur moi une impression extraordinaire, bien que nous ayons le même champ d’études ; tu peux t’attendre à faire la connaissance du plus grand et peut-être même du seul vrai philosophe actuellement vivant. Bientôt, lorsqu’il se manifestera publiquement par ses ouvrages et ses cours, tous les yeux d’Allemagne seront tournés vers lui […] Le Dr Marx, c’est ainsi que s’appelle mon idole, est un tout jeune homme, âgé tout au plus de 24 ans, qui donnera le coup de grâce à la religion et à la politique médiévales. Il joint à l’esprit philosophique le plus profond et le plus sérieux l’ironie la plus mordante ; représente-toi Rousseau, Voltaire, Holbach, Lessing, Heine et Hegel, je ne dis pas rassemblés, mais confondus en une seule personne ». En réalité le docteur Marx sera conduit bien au-delà des frontières de l’Allemagne, à Paris, Bruxelles, Londres où il passe la majeure partie de sa vie d’exilé, avant qu’un dernier voyage ne le conduise à Alger. Non seulement juriste et philosophe, mais économiste et critique de l’économie politique, sociologue du travail, militant révolutionnaire et père d’une famille bourgeoise qui échappa à la misère grâce à l’amitié d’Engels. Quelques mois avant que ne se noue leur amitié, Engels écrit déjà, en 1842 (dans “Le triomphe de la foi”) : « Mais qui s'avance ainsi plein de fougueuse impétuosité ? C'est un noir gaillard de Trèves, un monstre déchaîné. D'un pas bien assuré, il martèle le sol de ses talons et dresse plein de fureur les bras vers les cieux, comme s'il voulait saisir la voûte céleste pour l'abaisser vers la terre. Il frappe avec rage et sans arrêt de son poing redoutable, comme si mille démons l'empoignaient aux cheveux. »
Avec : Isabelle Garo, philosophe, professeur au lycée Chaptal (Paris), présidente de la GEME (Grande édition des œuvres de Marx et d’Engels en français) Jean-Pierre Lefebvre, germaniste et traducteur, professeur de littérature allemande à l’ENS Ulm, traducteur du livre 1 du “Capital” (PUF) et producteur avec Yves Duroux d’un Atelier de Création radiophonique en 1983 « Marx, dernier voyage, dernier retour » (France Culture) Jacques Bidet, philosophe, professeur émérite à l’Université Paris-Ouest, directeur honoraire d'Actuel Marx, président du Congrès Marx International Frédéric Monferrand, doctorant à l’Université Paris-Ouest, prépare une thèse sur Marx sous la direction de S. Haber. Pierre Dardot, philosophe, et Christian Laval, sociologue, auteurs de “Marx, prénom : Karl” (Gallimard, mars 2012) Ainsi que des lectures de la correspondance de Marx (Ivan Cori et Lucile Commeaux)
Références :
SONS (entre autres) - Auber : “La Muette” de Portici - Schubert : “Marguerite au rouet” - Immortal Technique : “Poverty of Philosophy” FILMS - “La Commune”, P. Watkins (2003) - Charlie Chaplin, “Modern Times” Hors Série Le Monde : “Marx, l'irréductible”, décembre 2011 http://boutique.lemonde.fr/hos-serie-...
Thèmes : Arts & Spectacles| 19e siècle| Economie| Philosophie| Karl Marx| Thibault Henneton
Source : France Culture
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