Durant les années 1990 j'ai été un manga addict enchaînant titres sur titres… avant de finalement passer à autres choses avec la généralisation des séries dépassant les 50 tomes. Maintenant que la médiathèque municipale est bien achalandée dans ce domaine, je m'y remets de plus belle. En tant qu'amateur fantasy, mon premier choix s'est porté sur le phénomène "Fairy Tail"…
L'univers des mangas est pleins de conventions à et de gimmicks éculés, et la galaxie shonen est de loin la plus touchée par les effets de modes en étant régulièrement victimes de guerres des clones… Mais cela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu un titre aussi impersonnel. Je ne connaissais pas du tout l'auteur
Hiro Mashima, et pourtant j'ai l'impression de le connaître son style et ses idées depuis une éternité tellement tout est repiqué d'ailleurs, à commercer par "One Piece" le best-seller d'Eiichirō Oda avec lequel il a travaillé (et auquel il emprunte la formule, le worldbuilding, les personnages, les situations, et parfois les découpages et les mises en scènes : au secours les gros repompages voire les plagiats !). C'est quand même bien dommage pour un mangaka qui n'a jamais subit l'influence d'une école ou d'un mentor de n'avoir pas su apporter de véritable plus-value personnelle à ses nombreux emprunts / hommages…
Déjà de loin, on peut facilement croire que les personnages de "Fairy Tail" sont interchangeables avec ceux des autres shonens mainstream à rallonge. Mais en fait, on ne fait que suivre les modes du moment en simplifient un charadesign et des décors déjà assez simples dans le but de pouvoir dessiner plus facilement et plus rapidement (pour faire plus de pages plus vite quoi). On pioche allègrement dans le "Shaman King" d'Hiroyuki Takei et dans le "Hunter X Hunter" de Yoshihiro Togashi, qui ont su marier les héritages de "Dragon Ball" et "JoJo's Bizarre Adventure", mais citons aussi en vrac :
- les monstres de "Dragonquest"
- les invocations de "Final Fantasy"
- l'humour burlesque de "Muscleman"
- les pépés bombesques de "Code Geass"
- les symboles astrologiques de "Saint Seiya"
…
Et le héros Natsu lui-même (« été » en japonais) présente de faux-airs du guerrier fashion victim de "Secret of Mana", quand il ne ressemble pas à un poil de cul près à Luffy de "One Piece"… Mais le pire est quand même dans les incohérences, le mangaka étant un grand spécialiste des histoires écrites à l'arrache qui se torchent le cul de ce qui a été précédemment réalisé… d'où les grosses contradictions qui régulièrement gâchent tout au presque ! (Gros soupirs, et re gros soupirs)
Fairy Tail est un manga qui peut plaire à tout le monde car il a été conçu comme tel. Il y a tellement de trucs différents dedans qu'on est obligé d'aimer au moins un de ses éléments : des chats parlants faisant office de comic relief, des dragons intelligents faisant office de mystères lostiens, des persos classieux et stylés, des bastons à la DBZ et des filles dénudées pour les garçons, des magical girls et des mecs torse nu pour les filles, et bien sûr des boobs, des boobs et encore des boobs !!!
Un tel fanservice en devient carrément gênant. Hiro Mashima franchit allègrement la frontière du ecchi et parfois celle du hentai avec un BBP = nombre de boobs par page largement au-dessus la moyenne des titres shonen (sans parler des très discutables scènes loliconnes/shotaconnes).
Cela casse régulièrement l'ambiance, notamment avec Erza Scarlett la strong independant woman badasss trop souvent résumée à une paire de nibards sur pattes. Les héroïnes n'ont pas besoin d'être aussi souvent dénudées, et pourtant c'est gros plans, plongées et contre-plongées sur les seins, les fesses et l'entre-jambe pour bien mettre en valeur les grosses poitrines et les petites culottes (sans parler des tenues affriolantes et des poses très suggestives). Et quand deux nanas s'affrontent, cela peut vite devenir du grand n'importe quoi voyeuriste !
Pourquoi faire autant de fanservice puant le plan marketing à 2 balles? Parce que le mangaka, toujours sincère et plein de bonne volonté dans ses postfaces, est bien conscient que son best-seller se caractérise par une faible originalité, tout étant repiqué d'ailleurs, et une forte répétitivité, chaque arc reprenant les éléments qui ont fait le succès du précédent (méthode déjà usitée dans "One Piece") :
- méchants attaquer Fairy Tail, Fairy Tail pas content se défend puis riposte violemment
- équipe Natsu affronte équipe méchants, Nastu affronte big boss adverse tandis que coéquipiers Natsu affrontent lieutenants big boss adverse
- après s'être fait éclater, grâce au pouvoir de l'espoir et de l'amitié Natsu éclate le big boss adverse en un seul coup…
- en fait les méchants n'étaient pas si méchants donc tout le monde se réconcilie ! Happy end !
Suis-je trop sévère avec "Fairy Tail" ? Oui, car si c'est un petit manga sympa et drôle avec des boobs, c'est aussi l'un des shonens mainstreams les mieux dessinés du moment. Les charadesigns sont assez cools, décors et découpages sont bien fichus et les scènes d'action roxent du poney (même si parfois un peu gâchées par les onomatopées, les exploz et la fameuse malédiction boobesque). de plus, Hiro Mashima a vraiment un le don pour octroyer un capital sympathie à tous ses personnages, mêmes à ceux qui ne servent à rien.
Passons sur l'épilogue de l'arc de transition de la Flamme éternelle et sur l'inévitable scène de bain qui s'ensuit, destiné autant à gratter scénaristiquement quelques pages qu'à caser un maximum de boobs durant ces pages…
Hiro Mashima démarre son nouveau gros arc, intitulé Tartaros, et reprend son schéma fétiche emprunté à Eiiichiro Oda pour la énième fois : méchants qui veulent détruire le monde attaque Fairy Tail, Fairy Tail contre-attaque avec Natsu à la recherche du boss de fin tandis que les amis de Nastu se séparent pour se charger des lieutenants du grand méchant…
Pour une fois que le Conseil de la Magie avait décidé de servir à quelque chose en prenant les devants, il est détruit en un instant par un membre de Tartaros, la dernière et la plus puissante des guildes clandestine de l'Alliance de de Baram. Dranbablt a juste le temps de s'enfuir avec les Oracion Seis prisonniers dans les geôles du siège du Conseil de la magie.
Et là le mangaka nous présente sa nouvelle brochette de méchants aux ordres du terrible et mystérieux démon E.N.D :
- Franmars, la Carapace
- Trafzer des Ténèbres
- Ezer, le Sabre Long
- Seiola, de la Lune Pâle
- Kyôka, de l'Etoile de la Domination
- Keith, le Moine Ténébreux
- Silver, le Zéro Absolu
- Jackal
- Tempester l'Immortel
L'auteur nous explique que plusieurs de ces 9 démons issus de Livres de Zeleph sont tous destinés à affronter un membre de Fairy Tail en particulier, donc qu'il planifié son scénario. Ouais c'est ça, vu qu'ils sont tous repiqués d'ailleurs et qu'ils changent d'histoire, de personnalité, de pouvoir voire d'apparence en cours de route, les incohérences et les contradictions vont encotre pleuvoir (même au sujet de leur nombre, c'est dire). Ainsi, à quoi sert le pouvoir d'immortalité de Tempester puisque tous les membres de Tartaros sont immortels grâce à Hell's Core ? Cela aurait été plus simple de reprendre le concept fantasy de la vie lié à un objet qu'il aurait fallu retrouver pour tuer chacun d'entre eux (ce sont des Livres Démons après tout, et j'aurais bien imaginé que plus ils ressuscitent plus le nombre de pages diminue, et plus leurs souvenirs se réduisent)
Les discours, les motivations et le leadership de Tartaros ne sont pas clairs du tout puisqu'on veut tuer tous les humains pour retrouver Zeleph qui est un humain… Un aurait pu avoir une histoire à la Frankenstein, sur les créatures à la recherche de leur créateur : oui, mais non ! Par petits touches, on amène la vérité sur l'identité de E.N.D et plein de situations prennent sens, mais cela amène aussi encore tout plein d'incohérences (et même la Grande Révélation est repiqué d'ailleurs… ça devient une maladie à ce niveau là)
Tempester détruit le restaurant 8island de l'ancien conseiller Yajima, mais tombe sur la Bande à Raijin qui se bat vaillamment avant que n'intervienne Raijin lui-même qui lui met la pâtée… Mais il est obligé de se sacrifier pour sauver la ville et ses habitants
A Fairy Tail, c'est la guerre ! Les membres se séparent pour protéger les conseillers et anciens conseillers contre un ennemi inconnu qui multiplie assassinats et attentas pour des raisons encore insondables… en sachant qu'une ou plusieurs des personnes à protéger sont peut-être des traîtres. Bref, une ambiance "24h chrono" de bon aloi pour un début d'arc réussi, comme tous les débuts d'arc d'
Hiro Mashima. En fin de tome, Natsu tombe à bras raccourcis sur Jackal dont la magie explosive ne peut rien contre sa magie du feu (dommage que le concept de la magie explosive soit repiquée d'ailleurs sans autre ambition que de multiplier les exploz ! ^^)
"Fairy Tail" c'est pour moi un petit plaisir, car l'auteur dégage tellement de bonne volonté et de bonne humeur qu'il utilise les codes du genre sans trop tomber dans les clichés malgré la répétitivité, et pour ne rien gâcher ses dessins ne font que gagner en qualité au fil des tomes. Quand il fait du bon vieux nekketsu c'est cool, quand il fait des loufoqueries à la "One Piece" (toujours signalées par un « C'est quoi ce délire ! ») j'accroche moyen, et quand il fait du trop de fanservice c'est carrément nul à chier. Qui aime bien châtie bien : je ne suis pas dupe de ses limitations : le mangaka a du mal avec son propre côté fanboy de telle ou telle oeuvre, et s'avère assez peu sûr de lui, se laissant trop facilement influencer par ses assistants, ses éditeurs ou ses lecteurs. Il est d'une grande sincérité dans ses postfaces où il évoque ses hésitations, ses erreurs mais aussi ses souhaits quant à l'évolution du monde du manga. Somme toute, il m'est finalement assez sympathique !