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Le 30 juin dernier, j'ai publié une critique de la magnifique exposition qui se déroulait au musée d'Orsay consacrée à la femme peintre que fut
Berthe Morisot.
J'avais déjà eu la chance, en 2012, de visiter au musée Marmottan Monet la première rétrospective présentée à Paris depuis 1941 de l'oeuvre de
Berthe Morisot. 150 oeuvres provenant des musées et collections particulières du monde entier retraçaient la vie artistique de cette femme exceptionnelle.
Babelio me demande une critique du catalogue de cette première exposition en 2012. Je me fais donc un plaisir de parler à nouveau de mon amie Berthe. Je trouve même que l'iconographie en papier blanc glacé du catalogue 2012 est encore plus belle que celle du catalogue 2019.
Le musée Marmottan Monet, charmant hôtel particulier en lisière du bois de Boulogne à Paris, est un haut lieu de l'impressionnisme. Ce musée est situé non loin de l'hôtel de la rue Villejust que possédaient Berthe et son mari Eugène
Manet. Elle aimait y recevoir chaque jeudi soir ses amis impressionnistes, sa garde rapprochée : Auguste Renoir, Claude Monet,
Edgar Degas et le poète
Stéphane Mallarmé, accompagnés de quelques autres peintres et poètes.
Deux peintres plus particulièrement attirent les visiteurs du musée amoureux de cet art de lumière qui révolutionna la peinture à la fin du 19e :
- Claude Monet : La collection d'oeuvres du peintre est impressionnante en quantité et qualité. le tableau star du musée est le fameux « Impression soleil levant » qui donnera son nom au mouvement impressionniste.
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Berthe Morisot : Mine de rien, ce discret musée parisien est l'institution publique qui possède la collection la plus importante au monde de ses oeuvres.
Au 19ème siècle, la démarche audacieuse de
Berthe Morisot excitera l'imagination des critiques et écrivains :
« La seule femme peintre qui ait su garder la saveur de l'incomplet et du joliment inachevé. »… « Un enchantement pour les yeux. » -
Jacques Emile Blanche.
« Madame Morisot a fini par exagérer sa manière au point d'estomper des formes déjà imprécises. »… « Il faut évidemment des talents de coloriste pour tirer du néant cette délicatesse. » -
Paul Mantz.
Je présente quelques oeuvres qui n'étaient pas présentes en cette année 2019 à Orsay.
Comme je l'ai déjà mentionné dans ma précédente critique en juin dernier, la figure féminine demeure le sujet préféré, avec les paysages, de Berthe : toute sa famille y passe, sans oublier Eugène
Manet, son mari depuis leur mariage en 1874. Elle est devenue la belle-soeur du grand peintre
Edouard Manet qui la peignait sans cesse et pour lequel elle avait une grande affection. Elle aime peindre le lac, les arbres du bois de Boulogne près de la porte Dauphine où elle habite.
Sa fille Julie est peinte sous toutes les coutures :
Le bébé dont j'ai déjà parlé a grandi et est devenu une petite fille enjouée et rieuse qui apprend à marcher dans le jardin de Bougival. Elle est présentée de dos avec sa nurse Pasie, « Au bord du lac », lac du bois de Boulogne où elle lance du pain aux cygnes.
Bibi a 5 ans. Sa silhouette lumineuse éclaire les vaguelettes laissées par une barque « Sur le lac ». Quelques cygnes librement brossés encadrent son fin visage.
Cette fois, elle joue avec la fille de la concierge "Enfants à la vasque". Les fillettes pêchent des poissons rouges. La touche inachevée aux traits nerveux donne vie aux fillettes.
Berthe représente Julie dans un grand et remarquable pastel : « Fillette au jersey bleu ». Par des traits rapides et hachurés, la technique d'une belle virtuosité allie l'effet impressionniste à un graphisme nouveau.
Julie âgée de 13 ans est devenue une jeune fille. A Mézy, elle est perchée sur une échelle, en train de cueillir dans un cerisier des fruits que sa cousine Jannie recueille dans un panier d'osier. Les jeunes filles portent chacune une robe blanche et de longs cheveux défaits. « le cerisier » est une des toiles de l'artiste qui ressemble le plus à une oeuvre d'Auguste Renoir.
Quand Berthe ne peint pas Julie, elle ne cesse de peindre des jeunes femmes.
Elle encourage la carrière artistique de sa nièce en la peignant en train de peindre « Paule Gobillard peignant ».
Une toile figure à la deuxième exposition impressionniste de 1876 : « Femme à l'éventail ». le critique
Albert Wolff parle d'un « cénacle de la haute médiocrité vaniteuse. » Berthe est devenue une « aliénée » dans ce groupe de fous. Pourtant la toile est superbe. L'artiste fait des recherches de couleurs. Les fleurs du bouquet se répondent avec celles du corsage et de la chevelure.
A l'exposition de 1886, le journaliste
Jean Ajalbert s'exclame : « de quelques taches, elle compose un paysage gai où foisonnent les fleurs parmi la verdure et l'inextricable fouillis de branches. » Les tonalités vertes, bleues, grises, noires, ponctuées de pointes rouges, entraînent deux toiles « Roses trémières » et « le jardin à Bougival » dans un mouvement coloré subtil, proche de l'abstraction.
L'oeuvre de
Berthe Morisot est au faîte de l'impressionnisme dans les années 1880. Sa palette est claire, la touche légère, vibrante. Son pinceau effleure la toile en traits vifs. Sa modeste ambition et de « Fixer quelque chose de ce qui passe ».
Elle est parfois comparée à l'anglais Bonington et aux maîtres du 18e :
Jean-Honoré Fragonard était son arrière grand-père.
Cette fin de 19ème siècle voyait l'avènement de la sensibilité pure : par la parole et les mots avec le poète
Stéphane Mallarmé, par la couleur et la lumière avec les peintres impressionnistes.
« Sa brosse frotte à peine le tissu. La promptitude de cet effleurement a le grand don de réduire à l'essentiel, d'alléger à l'extrême la matière et par là, de porter au plus haut point l'impression de l'acte de l'esprit… Madame Morisot a une élégance naturelle, une distinction de toute sa personne, qui impose à ceux qui l'approchent, parmi lesquels les premiers artistes de son temps. –
Paul Valéry »
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