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Critique de Nastasia-B


Roman de la perversion par excellence, le Moine figure en bonne place dans ce registre auprès de Don Juan et des Liaisons Dangereuses.
J'ai lu la version remaniée (donc pas la plus fidèle à l'original de Lewis) proposée par Antonin Artaud il y a quelques années (beaucoup d'années en vrai, mais, chuuut ! ne le dites à personne) et je vais tâcher d'égrener mes souvenirs de la façon la plus constructive possible.
J'ai d'abord souvenance d'un beau style, très classique et très travaillé mais non dénué de fluidité ce qui rend la lecture fort agréable. Ce style est à mon sens l'un des grands points forts de l'ouvrage.
Ensuite vient le scénario, un peu plus confus, je dois l'admettre, mais en gros, on assiste à la mise à mort du sentiment de vertu ou du sens moral chez un religieux qui professe à tous vents la vertu et le sens moral.
Cet homme, ce moine, cet Ambrosio, est un rigoriste, un janséniste, que sais-je, un intégriste des valeurs morales prônées par l'église catholique, notamment en ce qui concerne les questions de l'amour et de la chair dans l'Espagne du XVIIIème siècle ou peut-être même avant, je ne me le souviens plus très bien.
Quelque chose en lui me rappelle d'autres avatars d'instruments du diable comme le Claude Frollo de Notre-Dame de Paris ou encore l'abbé Donissan de Sous le Soleil de Satan, quelqu'un de trop brut, de trop pur, de trop obscur, de trop intransigeant soit pour être humain, soit pour être totalement sincère jusques aux tréfonds de sa propre chair.
Or, nous apprendrons, par l'entremise d'un jeune novice dont je préfère ne rien dire de plus, qu'il est finalement humain, donc faillible, et que derrière ce masque d'intransigeance se cache en fait un immense réservoir de tentations refoulées et qui ne demandent qu'à être assouvies de la façon la plus violente et la plus perverse qui soit.
De ce point de vue, le roman prêche en faveur de l'existence du vice sous le plus épais et apparemment immaculé voile de vertu qui se présente à nous et, à l'instar d'un ancien slogan publicitaire vantant les mérites d'une marque de frites surgelées, où il était dit que c'était ceux qui en parlaient le moins qui en mangeaient le plus, l'auteur de ce roman (Lewis ou Artaud, au choix) nous invite à réfléchir sur les grands moralisateurs, les chevaliers errants de l'ordre éthique, les grands défenseurs des hautes valeurs morales humaines, et peut-être bien que pour eux aussi, ce sont ceux qui en parlent le plus qui en ont le moins. Parce que justement, ils se sentent tiraillés en eux-mêmes par l'appel satanique, parce qu'ils savent ce que les apparences cachent de perversion et d'inavouable, ils crient au loup, alors que le loup... c'est eux ! du moins, c'est probablement un peu chacun de nous… à méditer.
D'un point de vue historique, l'ouvrage de Matthew Gregory Lewis, puis cette nouvelle mouture d'Artaud marquent une étape importante de la littérature dite « gothique » et tous les critères du genre (ou à peu près) sont réunis ici en un seul volume.
Je vous avoue que ce n'est pas cet aspect du roman qui me séduit le plus, mais celles et ceux qui sont sensibles à cette littérature goûteront avec plaisir l'un des fleurons historiques du genre.
Voici donc ce que mes quelques souvenirs me dictent, au demeurant, ils ne font qu'exprimer mon petit avis de néophyte en matière de roman gothique, autant dire, pas grand-chose.
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