L'Agneau

Une des dernières oeuvres de fiction de François Mauriac et un chef-d'oeuvre absolu.
Rencontre de deux êtres, dans un train, un qui fuit sa vie, et l'autre qui croit rejoindre sa destinée, mais ... cette rencontre est-ce le fruit du hasard ou la volonté divine qui met Jean sur le chemin de Xavier pour bouleverser définitivement l'existence de ce jeune futur séminariste ?

Âpre, violente, démesurée cette oeuvre bouleversante emporte le lecteur dans un nid de tarentules, où l'agneau sacrificiel va rencontrer son destin, livré qu'il est aux visées et appétits divergents des différents protagonistes.

Par quelle aberration, ce jeune homme, animé d'une foi exigeante, va-t-il pénétrer dans ce lieu de malheur, cette sinistre demeure, entre les mains redoutables d'une famille manipulatrice, dominée par un Jean de Mirbel, cynique et dévoyé ?
"Ce sont les innocents qui payent, cela fait partie de ton système" proclame cyniquement Jean de Mirbel.

Que va trouver Xavier dans cet antre où les êtres se haïssent, se déchirent, se jalousent, se méprisent ?
Lui, qui vit avec l'impérieux besoin de se consacrer aux autres, pourra-t-il sauver ne serait-ce qu'une des âmes placées sur sa route ?
Ou est-ce que Xavier est venu pour "consommer la perte de ceux qu'il avait prétendu sauver ?

Lui qui refuse la tiédeur qu'il est habituel de constater dans la pratique religieuse, comment se satisfaire de la sentence que lui assène le curé du voisinage : "on n'a pas besoin d'avoir la foi pour prier. Il faut prier pour avoir la foi." et que va-t-il penser de cette assertion "le christianisme est la vérité dans la mesure où tous les mythes sont l'expression d'une vérité" ?

"On peut aimer quelqu'un mort depuis près de deux mille ans, c'est vrai. J'en suis la preuve, moi et beaucoup d'autres. Comme il m'a trompé, comme il nous aura trompés, de siècle en siècle. J'ai tant prié, tant supplié ! A votre âge, on fait les demandes et les réponses, on croit que c'est Dieu qui parle. On ne sait pas qu'il n'y a personne". dit le prêtre à qui Xavier a rendu visite.

Huis-clos étouffant, posant tant de questions auxquelles l'humain passe une partie de sa vie à chercher une réponse, savamment et génialement orchestré par un Mauriac magistral qui nous apprend que l'amour existe .... pour être crucifié !

Xavier est-il l'agneau de Dieu destiné à enlever les péchés du monde ?

Un roman assez court qui nous entraîne dans une lutte psychologique entre deux hommes qui veulent chacun agir sur l'autre: un futur divorcé et un futur séminariste. Ils se croisent à l'heure du choix, et chacun espère convaincre l'autre de choisir l'autre voie.
Peu de personnages, mais nous sommes entraînés dans un enchevêtrements de jeux de pouvoir, de séduction, de désir, de haine, d'amour. Trop de sentiments pour si peu de jours.
Le style est très beau , l'ambiance est oppressante, et en suivant les méandres des pensées de Xavier et en miroir de Jean, je n'ai pu que fermer ce livre un peu sonnée.

L'Agneau/François Mauriac
On retrouve dans ce très beau roman publié en 1954 certains personnages évoluant dans « La Pharisienne » et notamment Jean de Mirbel, Michèle, et Brigitte Pian.
Mais aussi d'autres personnages : Dominique, la jeune secrétaire de Brigitte et Rolland, ce jeune enfant de l'Assistance Publique que Michèle et Jean de Mirbel voulaient adopter, pour finalement s'y refuser trouvant l'enfant trop difficile.
Xavier, un nouveau personnage, déjà installé dans le train qui l'emmène au séminaire à Paris, observe les adieux de Jean et de Michèle sur le quai. Il ignore qui ils sont mais son regard croise celui qui en dit long de la jeune femme.
Jean se retrouve dans le même compartiment que Xavier et la conversation s'engage entre les deux hommes.
Xavier, encore très jeune homme, confie à Jean qu'il va étudier sa vocation éventuelle avant d'entrer au séminaire. Il n'a rien décidé encore. Et Jean de lui répondre :
« Il est temps encore ! Vous êtes un innocent tombé entre les mains de ces étrangleurs : je les connais, allez ! Je vous aiderai à leur échapper, je vous arracherai de leurs griffes, vous verrez ! »
Xavier ne se laisse pas impressionner et exprime son voeu :
« N'appartenir à personne pour appartenir à tous. Pouvoir se donner tout entier à chaque être sans trahir personne. »
Finalement Xavier ayant compris que Jean et Michèle étaient sur le point de se séparer, décide de revenir à Larjuzon avec Jean pour qu'il retrouve Michèle.
Admirons une fois encore le style magnifique de François Mauriac :
« C'était l'ancien cimetière jonché encore de vieux cippes funéraires aux inscriptions effacées. L'ortie croissait drue sur cette terre où tant d'êtres humains étaient retournés. le chevet roman jaillissait de cette végétation inculte, vaisseau venu d'ailleurs et enlisé depuis des siècles dans cette glaise nourrie de la chair des hommes. »
La suite va tourner au drame, les sentiments de chacun entrant en conflit.
Un roman très fort et fascinant , une fois encore sous la plume de Mauriac, avec en toile de fond la foi, le christianisme, l'espoir et l'angoisse d'un homme, et l'amour.

C'est jusqu'a present le mauriac que je prefere!
Quelle tentation que de detourner un jeune seminariste de sa foi,de ses convictions religieuses,de ses croyances,de ses ambitions,de l'homme et de Dieu!
Oeuvre reussie ,un veritable enchantement

Belle oeuvre de François Mauriac où un futur divorcé tente de dissuader un futur séminariste de s'embarquer dans l'Eglise et ce dernier de ressouder les liens du couple en déroute. C'est la qualité des dialogues qui fait la richesse de ce roman philosophique qui traite de sujets de société peu discutés dans les années 50, le divorce quand on n'avait plus le choix, le séminaire que l'on ne choisissait pas toujours de son plein gré. Mauriac décortique et aligne les sentiments des deux personnages, les mettant chacun en face de leur choix respectif. Avec toujours ce style choisi et épuré n'appartenant qu'à Mauriac.