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EAN : 9782266023139
139 pages
Pocket (01/09/1989)
3.8/5   797 notes
Résumé :
Il semble que François Mauriac ait mis le meilleur de son art dans cette cruelle peinture d'une famille de hobereaux du Sud-Ouest dont l'héritier,. un pauvre homme dégénéré, s'est mésallié en épousant une jeune fille qui n'a pu résister au désir de quitter son milieu bourgeois et de devenir baronne. De cette union mal assortie est né un fils, Guillou. Nous suivons le calvaire de cet enfant, si disgracié physiquement, si sale, si arriéré que sa mère ne l'appelle que ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (81) Voir plus Ajouter une critique
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sur 797 notes
Très occupé de journalisme politique pendant et après la seconde guerre mondiale, l'académicien girondin François Mauriac ne renoue avec le roman qu'au tournant des années cinquante, peu de temps avant son obtention du prix Nobel de littérature. Poursuivant sa peinture des turpitudes cachées des familles bourgeoises, il signe avec le Sagouin, entre nouvelle et court roman, un récit glaçant et désespérément noir.


Le Sagouin est un garçon d'une dizaine d'années, enfant chétif et craintif dont la furie de mère, la main lourde et le verbe injurieux, ne supporte pas le physique ingrat et l'esprit attardé hérités de son père, ce « dégénéré » qu'elle s'emploie de toutes ses forces à exécrer depuis qu'elle l'a épousé pour devenir baronne. Renvoyé par les Jésuites après deux tentatives d'intégration en pensionnat, interdit de précepteur depuis de troubles commérages qui ont provoqué la mutation du curé, de trop bonne famille enfin pour fréquenter les bancs de l'école communale, il ne lui reste qu'une dernière chance pour espérer sortir un tant soit peu du cloaque familial : que ce « rouge » d'instituteur accepte de le recevoir pour des leçons particulières. C'est sans compter les convictions idéologiques, qu'après un premier contact pourtant prometteur avec l'enfant, le maître d'école décide de faire passer avant sa vocation éducative. Pour le garçon et son père, le contre-coup s'avèrera terrible…


Quelques traits suffisent à l'écrivain pour nouer le drame autour du pauvre Guillou, innocent sacrifié sur l'autel des ambitions égoïstes et jalouses des adultes qui l'entourent. Dans cette France de 1920 qui voit les conflits sociaux saper l'ordre ancien et la stratification bien établie des classes, chacun des personnages rumine ses frustrations jusqu'à la haine et, barricadé dans ses principes, s'enferme dans une rigidité propice aux antagonismes aveugles. Issue de la bourgeoisie bordelaise, la mère qui rêvait tant de noblesse vit dans un dépit haineux le mépris de sa belle-mère, méchamment obstinée à lui faire payer la mésalliance de son fils et à défendre le prestige vacillant d'une famille habituée à dominer le village des hauteurs de son château et de ses privilèges. A l'opposé, l'instituteur, fier de ses idées socialistes et laïques, se refuse à pactiser avec un quelconque représentant de la noblesse, en fut-il le malheureux et impuissant rejeton, stigmatisé comme idiot par les siens et par tous les enfants du village, en réalité un enfant sensible, capable de lire et de comprendre, mais miné par la peur et par un profond sentiment d'insécurité.


Dans ce jeu de frictions entre adultes, mise à part la bonne qui, sans voix au chapitre, est la seule à témoigner quelque affection au garçon, ce sont les femmes qui mènent le bal avec un acharnement à la mesure de leur méchanceté. Fermement rappelé à ses intérêts par son épouse, même l'instituteur achève dans cette histoire d'enterrer ses idéaux pédagogiques, tandis que, simples pions méprisés et bafoués dans le combat pour l'autorité qui oppose la mère et la grand-mère, enfant et mari se retrouvent niés jusque dans leur droit à exister. le dénouement tragique menant à l'ultime sacrifice du père et du fils, le récit s'achève alors par une sorte de châtiment divin rappelant la ferveur catholique de l'auteur. Aucun des personnages ne l'emportera au paradis.


Tout l'univers de Mauriac est contenu dans ce récit fulgurant, intense et poignant, caractéristique de son tourment de se trouver si attaché à l'étouffant milieu bourgeois qu'il ne cessa de peindre avec une lucidité sombre et critique. Coup de coeur.

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Deuxième claque que je me prends de la part de François Mauriac et... j'adore ça ! Vais-je virer sado-maso ? Après le troublant "Thérèse Desqueyroux", l'auteur nobelisé en 1952 propose avec "Le Sagouin" une nouvelle descente dans l'enfer du drame familial.

Par la plume nette et concise, tranchante, qui caractérise son style, Mauriac ouvre son récit sur une paire de gifles, appliquée à la fois à Guillou et à son lecteur. Que de violence vous direz-vous ? Et oui, ce court roman est lourd d'une violence psychologique et physique qui laisse sa trace en nous, comme sur la joue de ce petit garçon de douze ans détesté par sa mère, Paule.

"Le Sagouin", c'est un conte mal aiguillé qui avait tous les ingrédients pour être "de fée" mais qui vire au cauchemar : une roturière épouse un prince aux allures de crapaud mais qui habite un château avec l'espoir qu'une fois devenue princesse, elle saura par son amour changer le crapaud en prince pour vivre ensemble heureux entourés de nombreux enfants beaux comme le jour. Hélas pour Paule... son mari reste attardé mental, sa belle-mère est une sorcière, son unique étreinte matrimoniale a fécondé un garçon maigrelet et attardé, la bonne du château est toute puissante et ledit château n'est guère reluisant... Et pour couronner le tout, elle-même se change en ogre : barbue, négligée et fantasque, elle perd le peu de beauté qu'elle possédait ; dans son coeur, le regret nourrit une rage et une haine terribles dont son fils est le catalyseur.

Noir, glaçant, dramatique, le récit se déroule avec une cruelle lucidité et un réalisme dénué d'humanité. En quelques dizaines de pages, Mauriac réalise l'exploit de donner du relief à tous ses personnages mais aussi et surtout à toutes leurs émotions, à tous leurs rêves brisés. Il bouleverse nos certitudes, change notre regard, attise notre compassion et nous bouleverse durablement. du grand art.


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Le Sagouin est un récit poignant et tragique, un récit où il n'y a ni amour, ni bienveillance, où les egos surdimensionnés des adultes mènent la danse, un univers où haine, ambition, frustrations et intérêts sont de mise. Alors qu'importe le bien-être de ce gamin malingre, laid, la morve au nez, la lèvre pendante et le souffle court. Alors qu'importe le silence de Galéas et la solitude d'un père taiseux par nature et par obligation. Laissez passer Paule de Cernès mariée au Baron Galéas de Cernès par arrivisme et désir de noblesse devenue une femme, une mère haineuse .Laissez passer sa belle-mère la Baronne, la seule , l'unique aussi venimeuse que courtoise. Laissez passer Robert Bordas, l'instituteur ,le rouge , aigri de ne pas avoir pu monter à Paris pour être à la place qui lui était destinée, englué dans une lutte des classes idéologique qui lui fera tourner le dos à Guillou.
Nous sommes en 1920, la Grande Guerre a laissé des cicatrices béantes, nous sommes en Aquitaine dans une France profonde où les rumeurs ont force de loi.
François Mauriac signe un roman magistral, un roman noir , désespéré et désespérant. François Mauriac signe un immense roman.
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Plus je découvre François Mauriac, plus j'admire et apprécie son oeuvre, et pourtant ce sont chaque fois des textes qui mettent mal à l'aise.
Encore une fois, c'est dans une atmosphère de malaise pesant, de violence sourde et de bourgeoisie fin de race et délétère que se déroule la tragédie du petit Guillou, gamin attardé mal aimé d'une mère qui déverse sur lui et sur toute sa belle-famille son aigreur de femme mal mariée, faisant de son fils l'enjeu de ce conflit social entre le curé et l'instituteur encore en vogue dans les années 50 et que le petit sagouin est bien en peine de comprendre.
Le texte est d'autant plus percutant qu'il est ramassé (150 pages peu fournies dans l'édition de 1951 que j'avais en main), et que la plume de l'auteur est à la fois d'une précision clinique et porteuse d'une forte charge émotionnelle.
Un drame terrible qui donne à voir la province française d'après-guerre sous son jour le plus glauque.
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« le sagouin », 1951.
Nous n'entrerons pas ici dans la polémique « est-ce un court roman ou une grosse nouvelle ? ». Peu importe en effet tant le court texte est puissant.
Au château : Mme la Baronne Galéas de Cernes, son fils Galéas, sa bru Paule, née Meulière et Fräulein, une autrichienne au service de madame depuis si longtemps…
Et le sagouin ? le sagouin, c'est Guillaume, dit Guillou… « Au milieu de tout ce beau monde attendri » il vivote rejeté par sa mère, haï de sa grand-mère ; et renvoyé des collèges où on a tenté de l'éduquer…

En fait, l'histoire du sagouin n'est rien d'autre que celle de la lutte des classes, comme le dit si bien l'instituteur Valras qui s'occupera de l'enfant l'espace d'une journée. Lutte des classes entre la grand-mère et la mère de l'enfant contrefait, et lutte des classes entre le Château et l'instituteur rouge, rentré blessé de la guerre de 14. Au centre, Guillaume, enfermé bien malgré lui dans ce combat fratricide.
Certes Guillou est laid, sale et morveux, mais, l'instituteur le confirmera : il n'est pas aussi sot qu'on veut bien le dire… Malgré tout, il n'attirera que répugnance et maltraitance.

François Mauriac est grand. Grand de nous émouvoir à ce point avec ce petit texte de quatre chapitres, à peine cent-soixante pages, deux heures de lecture attentive… Oui, attentive : C'est du condensé ! Chaque mot compte : précis, évocateur…

Je tombe de temps à autre, au détour d'une visite chez un bouquiniste, sur un Mauriac… Je n'ai jamais été déçu de mon achat ! Et c'est pour ça que Mauriac est grand !
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation

"Dites maman, c'est un rouge cet instituteur?
_Rouge, tout ce qu'il y a de plus rouge! Du moins, Lousteau, l'affirme." p.23


"Tu sais, ça m'aurait intéressé de m'occuper du saguoin! "
(...) 'Alors, tu y renonces?"
_Ce n'est pas à cause de la femme à barbe, dit-i. Mais j'ai réfléchi:il faut rattraper ça. J'ai eu tort d'accepter. Nous ne devons pas avoir de relations avec le château.La lutte des classes ce n'est pas une histoire pour les manuels. Elle est inscrite dans notre vie de chaque jour. Elle doit inspirer toute notre conduite.
(...) _J'ai encore quelque chose à te demander? comment faire pour se débarrasser du sagouin? p.118-p.119


" Aujourd'hui, les enfants ne viendront pas. Mais l'instituteur a du travail à la mairie. (...) Léone est allée à la boucherie. Ils écoutent la pluie sur les tuiles.(...) Lorsque Léone rentrera , elle li demandera: "A quoi penses tu?"Il répondra. "A rien. Ils n'ont parlé de Guillou que le jour où les corps ont été repêchés contre la roe du moulin. Ce jour là, il a dit une seule fois: "Le petit s'est tué, ou in c'est son père qui..." et Léone a haussé les épaules.: "Penses tu!" Et ois, ils n'ont jamais plus prononcé le nom de Guillou. Roert Bordas entre dans la chambre de Jean Pierre pend ''l'île Mystérieuse'', le livre s'ouvre seul à la même page....mais presque aussitôt il se replia sur lui même. Il s'affaissa à demi t une grosse larme coula sous ses yeux. (...° l'esprit qui couvetait dans cette chaire souffreteuse, ah! que s'eut été merveilleux de l'aider à jaillir. Peut-être était ce pour ce travail que Robert Bordas était venu en ce monde.A l'Ecole Normale, un de leurs maîtres leur apprenait les étymologies: instituteur de ''institutor'', celui qui établit, celui qui instruit, celui qui institue l'humanité dans l'homme, quel beau mot! D'autres Guillou se trouveraient sur sa route peut être. A cause l'enfant qu'il avait laissé mourir il ne refuserait rien de lui même, à ceux qui viendraient vers lui. Mais aucun d'eu ne serait ce petit garçon que monsieur Bordas avait recueilli un soir, et puis l'avait rejeté comme ces chiots perdus que nous ne rechauffons qu'un instant.Il l'avait rendu aux ténèbres qui le garderait à jamais." p.138 p.139
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(…) ce mariage, c’était une porte, croyait-elle, ouverte sur l’inconnu, un point de départ vers elle ne savait quelle vie. Elle n’ignore plus aujourd’hui que ce qu’on appelle un milieu fermé, l’est à la lettre : y pénétrer semblait difficile, presque impossible ; mais en sortir !…
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Guillou... l’esprit qui couvait dans cette chair souffreteuse, ah ! que c’eût été merveilleux de l’aider à jaillir ! Peut-être était-ce pour ce travail que Robert Bordas était venu en ce monde. A l’Ecole Normale, un de leurs maîtres leur apprenait les étymologies : instituteur de institutor, celui qui établit, celui qui instruit, celui qui institue l’humanité dans l’homme ; quel beau mot ! (p139)
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Ce que Paule voyait, quand elle pensait à son fils, c'étaient des genoux cagneux, des cuisses étiques, des chaussettes rabattues sur les souliers. À ce petit être sorti d'elle, la mère ne tenait aucun compte de ses larges yeux couleur de mûres, mais en revanche elle haïssait cette bouche toujours ouverte d'enfant qui respire mal, cette lèvre inférieure un peu pendante, beaucoup moins que ne l'était celle de son père, mais il suffisait à Paule qu'elle lui rappelât une bouche détestée.
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M.Bordas ne veut plus s’occuper de lui. Il n’entrera plus jamais dans la chambre de Jean-Pierre. Jean-Pierre. Jean-Pierre Bordas. C’est drôle d’aimer un garçon qu’on n’a jamais vu, qu’on ne connaîtra jamais. « Et s’il m’avait vu, il m’aurait trouvé vilain, sale et bête. » C’est ce que sa mère lui répète chaque jour : « Tu es vilain, sale et bête. » Jean-Pierre Bordas ne saurait jamais que Guillaume de Cernès était vilain, sale et bête : un sagouin. »
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