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sur 1207 notes
Que faire quand la vie nous échappe, quand on réalise qu'on est en train de passer à côté et qu'il n'y aura peut-être pas de retour possible ? Comment s'en sortir lorsque le dialogue avec son propre enfant s'est perdu, laissant place à une incompréhension totale et que l'on assiste impuissant à sa dérive ? Comment réagir quand on sent poindre lentement mais sûrement le début d'une longue descente aux enfers ? Un seul mot : continuer.

Pour Sibylle, mère célibataire enfermée dans ses angoisses qui élève seule son fils Samuel, un adolescent tourmenté, en plein décrochage scolaire, il s'agit bien de cela après le drame qui vient de se jouer et qui a bien failli faire de son fils un criminel : Continuer oui, mais différemment, en empruntant de nouveaux chemins. Hors de question que son enfant aille en pension comme le voudrait son père, non, elle sait d'instinct qu'en faisant cela elle le perd à jamais.

Alors, pour l'éloigner des fréquentations toxiques qu'il est en train de nouer, pour lui ouvrir le coeur et l'esprit, Sibylle choisit de l'emmener au Kirghizistan, ce pays d'Asie centrale où l'on peut se perdre dans les grands espaces, où les gens n'ont rien mais vous donnent tout, où le danger rôde, comme partout… Un voyage de plusieurs mois qu'ils vont entreprendre à cheval, seuls afin de se libérer du superflu, de se concentrer sur l'essentiel et tenter ainsi de renouer avec leurs racines, avec des valeurs plus authentiques et peut-être avec eux-mêmes...

Encore finaliste pour le prix Femina, « Continuer » fait partie de ces romans qui vous happent, vous transpercent et vous bouleversent par la justesse de leur propos, l'intelligence de leur réflexion et la beauté de leur langue. Ici, la relation mère/fils est au coeur de l'histoire et Laurent Mauvignier prend le temps de décrire son évolution : le lien que l'on croit rompu, l'absence de dialogue, l'incompréhension, la colère mêlée de haine qui cache au final un amour absolu et inextinguible ainsi qu'un besoin de reconnaissance mutuel.

le ton est juste, réaliste et rend à merveille la dureté de ce fils mêlé malgré lui à une aventure dont il ne comprend pas le sens. Une dureté contrebalancée par la tendresse et la détermination de cette mère prête à tout pour sauver son enfant de lui-même. Des personnages extrêmement attachants de par leur vulnérabilité et leurs failles, mais qui cachent une grande force de caractère et que l'on se prend à admirer et à encourager avec une véritable empathie.

Dans cette aventure née de l'amour maternel, c'est aussi nous, lecteur, que Laurent Mauvignier interroge, en pointant du doigt les travers d'une société rendue malade par la surconsommation, aveuglée par la surmédiatisation et l'importance donnée à l'image et gouvernée par une individualisation poussée à l'extrême. Des travers propices à la violence, la méfiance, la haine, la superficialité et l'isolement que l'on retrouve nécessairement dans notre quotidien… Un roman qui donne à réfléchir sur le monde actuel et fait naître le désir de prendre sac à dos et chaussures de randonnée et de partir à l'aventure en quête de grands espaces !

Bref, vous l'aurez compris, « Continuer » fait partie de mes gros coups de coeur de cette rentrée littéraire car, en plus de me faire voyager, c'est un roman qui m'a émue aux larmes, m'a bouleversée par sa force et sa beauté, m'a donné à réfléchir sur le monde dans lequel on vit et sur les choix que l'on peut faire pour changer les choses. En deux mots donc : lisez-le !

Un grand merci à Babelio et aux éditions de Minuit pour cette très belle découverte !
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De temps en temps, on a la chance de tomber sur un roman, qui , bien que n'ayant rien à voir avec le genre thriller, nous tient en haleine sans répit.

Inspiré d'un fait divers, l'auteur met en scène un ado et sa mère. Rébellion, qui prend la forme de délinquance, solitude et désespérance de la quarantaine avec un bilan très mitigé, ces deux là sont mal dans leur peau.

Au delà des bouderies ordinaires avec casque soudé aux oreilles, Samuel se retrouve impliqué dans une affaire qui se termine au commissariat. C'est une erreur fatale : les parents se déchirent sur les sanctions à appliquer. Mais Sybille tient bon : elle partira avec son fils au Kirghizistan, pour une randonnée de trois mois à cheval.

C'est là que le titre prend tout son sens.

Continuer malgré le poids des échecs passés, des espoirs perdus, qui ont au delà du manque scellé un anathème.

Continuer malgré le danger, réel, des rencontres inopportunes, des pièges qu'un sol inconnu tend au voyageur novice, de la lourdeur des silences qui masquent le blâme.

Mais continuer pour un sourire et une main tendue, une soirée de partage dans la chaleur d'une yourte, pour la beauté d'un paysage grandiose, pour la communion au-delà des mots avec les chevaux, qui sont bien plus qu'un moyen de se déplacer.

Continuer parce que le retour en arrière est impossible, continuer pour que demain ne soit pas pire qu'hier.

La beauté des paysages, la communion avec les chevaux inscrivent ce roman dans le genre nature-writing, le nombrilisme en moins le charme de l'écriture ciselée en plus.

Fortement recommmandé

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Il y a une mère, Sibylle, esseulée entre les 80 à 100 heures de travail chaque semaine à l'hopital, son divorce qui la pousse encore plus loin où il faut oublier les cris, les rancoeurs, la haine de s'être mal aimés, mal compris, mal jugés. La fatigue est obsédante. La télévision allumée laisse les paupières ouvertes mais vides. Les bières noient le désarroi. Un énorme sentiment de gâchis, d'impuissance, de raté s'empare d'elle.

Il y a le fils, Samuel, 16 ans, énième victime de parents armés jusqu'aux os, témoin des cris, des rancoeurs et de la haine. Victime de la crise identitaire de l'adolescence. Déraciné de l'enfance, il plonge dans l'absurdité d'une jeunesse dépravée, en mal d'amour, en mal de repères.

Il y a le Kirghizistan, terre étrangère pour deux êtres devenus étrangers l'un à l'autre. Une mère et un fils en cavale vers une absolution, une randonnée de trois mois à cheval comme celle de la dernière chance pour se sauver l'un et l'autre.

Comment la nature peut-elle les rapprocher dans la forteresse qui les emprisonne l'un et l'autre ? Les silences sont empoisonnés, les mots cognent inexorablement dans le jugement. Samuel en veut tellement à sa mère. du départ de son père, de son apathie quotidienne, de ses idées folles comme cette randonnée en terre étrangère, hostile pour un ado fermé aux autres.
Si les mots ne peuvent briser ni le silence ni les maux, il faut les écrire.
Si le silence enchaîne les maux, il faut libérer une place pour que l'amour soit entendu.
Continuer n'est pas un jeu d'enfant.
Continuer n'est pas un chant d'amour.
Continuer n'est pas simple.
Continuer c'est bien plus qu'une crise identitaire, qu'une crise d'adolescence, c'est un chemin boueux qu'il faut ratisser pour laisser apparaître les fleurs, pour autant que quelque chose pousse à continuer.
Un très beau roman à échelle humaine qui renvoie à un message fort qu'aucun parent ne devrait oublier pour l'amour des siens.
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Un immense coup de coeur pour ce roman, où la nature , les chevaux ont la part belle...mais cela serait bien superficiel de ne se contenter que de ces éléments ... qui sont toutefois le tremplin d'un "road-movie" entre une
mère à la vie "défaite" et un fils, au bord de la délinquance, habité par un désarroi intense.Une très belle histoire d'apprivoisement entre une mère
et un fils, enfant ballotté entre des parents divorcés, non apaisés.

Coup de coeur démultiplié puisque je lis cet écrivain pour la toute première fois. Je "lorgne " ce roman de cette rentrée littéraire depuis sa parution, que j'imaginais à tort trop sombre... mais c'est tout le contraire.


Prendre sa vie en main; ne pas accuser autrui de ses propres renoncements ou défaillances. Prenons notre vie à bras-le-corps et faisons du mieux possible pour honorer nos rêves pour ne pas se retrouver comme notre héroïne, Sibylle, à qui on prédisait un avenir brillant de chirurgien. Belle, engagée à gauche, libre, indépendante, courageuse... elle se retrouve infirmière, épuisée moralement, dénigrée par un mari macho, et insipide... qui lui reproche ses idées, ses fragilités, ses projets farfelus comme cette marche en solitaire sur le G.R de Corse, et où elle a failli perdre la vie... Elle était partie marcher , reprendre goût à la vie, décanter une période de lassitude, par cette échappée.. que son ex. lui reproche,"en boucle".

Un couple désassorti, désuni, se bagarrant, avec un petit garçon au milieu de cette hostilité familiale. Divorce...et Sibylle élève comme elle peut, Samuel ; prénom qu'elle a choisi en pensant à un de ses écrivains de prédilection, Beckett; car OUI, en plus de ses rêves de devenir chirurgien, elle avait en elle un autre rêve qui lui tenait à coeur: écrire un roman, ce qu'elle avait entrepris énergiquement, et là encore, abandon, et travail féroce pour poursuivre, en priorité, ses études de médecine...

Mais pourquoi Sibylle à qui tout souriait, se retrouve à la quarantaine dans cette vie terne et si peu satisfaisante... L'auteur saura maintenir chez lecteur le suspens quasiment jusqu'au bout...Un évènement terrible très lointain aura brisé une grande partie de son élan et de son envie de vivre... Je n'en dirai pas plus !!!

Sibylle veut sauver sa vie qui va à la dérive, mais surtout celle de son fils qui va très mal, dépourvu de projet et d'envie pour débuter la construction de son avenir...

Elle se décide à vendre la maison de ses parents, en Bourgogne, à laquelle elle tenait par dessus-tout. Et avec cet argent, elle veut emmener Samuel, loin, plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. En dépit des réticences et du jugement péjoratif de son ex-mari, elle partira à cheval dans cette nature sauvage, immense mais où les Kirghizes ont un vrai sens de l'hospitalité, et s'intéressent vraiment aux autres, aux voyageurs !!
Ce long périple est la possibilité pour que la mère et le fils se connaissent et surtout se reconnaissent... dans cette nature magnifique, tour à tour bienveillante ou hostile, le soin et la complicité avec leurs chevaux, les nécessités à assurer au quotidien...

Ce "road-movie" est aussi prodigue en leçons, apprentissages dont la solidarité, le respect de la nature et des animaux, la tolérance et l'écoute de l'autre avec ses coutumes, sa façon de vivre...le refus du racisme, de l'intégrisme

"-Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu'on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu'on n'a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c'est pas renoncer à soi." (p. 231)

Un style nerveux, poétique... de longues phrases coulant avec naturel...du suspens, des personnages attachants, des thématiques riches et diversifiées qui résonnent fort dans notre présent et notre actualité...

Un très beau moment de lecture au pays des Kirghizes, sous leurs yourtes, à écouter les uns et les autres, le grand souffle des immensités sauvages et des montagnes, sans oublier les compagnons si précieux que se révèlent les chevaux...sans omettre notre "duo" bouleversant de la mère et du fils rebelle...se redécouvrant et s'apprivoisant !

On peut percevoir les fragilités que peuvent ressentir des jeunes à l'orée de leur existence, ne sachant pas encore ce qu'ils souhaitent faire de leur vie, dans le repli et la peur de l'autre, qui peuvent se laisser entraîner et dériver dans des opinions et comportements radicaux...

Une seule impatience désormais: lire et découvrir les autres écrits de Laurent Mauvignier !!! Pour les "fans" de cet écrivain, je serai heureuse de connaître vos préférences...
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C'est parfois dur de continuer, il y faut plus d'énergie qu'on ne croit.

Une mère et son fils en font l'expérience dans la steppe kirghize. À cheval.

Sibylle y emmène son fils, Samuel, ado à la dérive, rivé à ses écouteurs et à son téléphone, cette forme moderne de l'autisme,  pour l'aider à retrouver le sens de sa vie et à refonder le socle des valeurs qu'elle voudrait partager avec lui...sûrement aussi pour  retrouver, quant à elle, cette estime de soi que sa vie professionnelle, son mariage-  autant d'échecs-  lui ont fait perdre depuis qu'a disparu  ce qui lui donnait la force d'exister et l'audace d'entreprendre.

Pour continuer, il faut d'abord rompre avec la routine.
Pour continuer il faut arrêter de s'engluer dans le quotidien qui sape et qui ronge.
Pour continuer il faut briser le silence, ouvrir les vannes de la  colère ou celles du désir, affronter le risque, la mort, écouter les bêtes, et ce qu'elles nous apprennent du monde et de nous-mêmes, aller vers  les autres, combattre les préjugés, les peurs, les fantasmes, accueillir l'amour.

Mère, fils et chevaux iront jusqu'au bout d'eux-mêmes sur cette route initiatique. Ils continueront. Non sans casse. Non sans peril. Non sans surprise.

La phrase magnifique- rythmée, soutenue, hypnotique-  de Mauvignier sera le fil conducteur, le courant continu, l'amarre infinie  à laquelle se rattacher dans cette traversée dangereuse qui mène à la rencontre de soi.

Un beau récit, tendu comme un filet jeté au-dessus de l'abîme.

On se laisse emporter, on ne peut rien faire d'autre que continuer, nous aussi,  en dépit du vertige.
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Lequel de nous deux est à la dérive ? Mon fils Samuel qui s'accoquine avec le désespoir ambiant, témoin impassible de sa jeunesse qui s'effrite ? Ou est-ce moi, Sybille, qui depuis des années plombent mes relations à grands coups de regrets ?
Pourtant impossible de laisser Samuel sombrer sans rien tenter.
Vendre la maison de Bourgogne et partir faire un trek à cheval au Kirghizistan. Retrouver d'autre valeurs. Retrouver l'humain endormi au plus profond. Redécouvrir un sens, une relation. Aller vers les autres, pour mieux se retrouver soi-même.
Sur un rythme haletant qui contraste avec la lenteur du pays traversé, Laurent Mauvignier nous offre un dépaysement total. Et même si l'on devine rapidement l'issu de l'histoire, l'auteur nous concocte un périple avec plein de rebondissements, émaillé de révélations qui donne du sens et de la profondeur à cette histoire.
Et pendant toute la lecture, comme un leitmotiv, résonne à mes oreilles le morceau de David Bowie : Heroes.
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Sibylle, si belle, à qui sa vie lui a échappé.
Sibylle, sa vie son échec, la fuite du temps et de ses espoirs.
Sibylle, que l'avenir a presque abandonné, jusqu'au jour où elle sent son fils Samuel déraper, genre de l'autre côté de la barrière, de la rivière, de la cordillère.
Elle n'a pas le droit d'abandonner, maintenant. Elle a trop laissé filer sa vie, sa famille, sa soif. Une bière, une vodka ? L'instinct maternel ou l'amour filial, appelle ça comme tu veux. Elle décide de tout plaquer et partir dans trois mois à l'autre bout du monde, une lubie, une folie, appelle ça comme tu veux, traverser le Kirghizistan en cheval avec Samuel. L'immensité du monde perdue dans la poussière du silence, l'infini des steppes fouettées par la solitude du vent.

Il est difficile d'écrire sur des émotions, celles qui vous touchent, vous bouleversent, vous chavirent. Je suis parti au Kirghizistan, une lointaine contrée où on ne sait jamais placer le h dans son nom, pour y découvrir une nouvelle poussière, le koumis et la vodka. J'ai traversé des steppes silencieuses, des rencontres en russe, l'haleine légère en vodka, la fraîcheur du matin. J'admire le courage de Sibylle, il faut avoir une vraie force intérieure pour se mesurer à ce vent, et surtout affronter ce silence qui laisse tant de places à ses pensées, noires et tristes. Elle ne se demande même pas pourquoi elle est là-bas à des années-lumière de sa vie, pas même le temps d'une nano-seconde, d'une hésitation ou d'un dé de vodka qui coule le long de votre âme. Elle y est, c'est tout, juste pour sauver son fils, lui redonner la vie, le goût. L'envie d'une nouvelle vie.

Chaque nuit, je m'éclipse de la yourte, pour prendre le vent, le regard dans la poussière avant d'admirer le silence et cette myriade d'étoiles qui scintillent dans le ciel. Même la lune est bleue, là-bas, à l'autre bout du monde, dans un autre silence. Je les observe chacun dans leur tente, Sibylle, si belle, et Samuel, si intérieur. de temps en temps, une note de musique déchire la nuit, elle s'échappe du casque de Samuel, à cet âge-là, on ne part pas sans musique. A tout âge d'ailleurs. La musique est un rempart pour se protéger, pour se retrouver, pour survivre même, dans la poussière kirghize, dans les dunes de sables de Lacanau ou dans les vestiges d'un ranch sans nom. David Bowie dans le casque, le héros d'une kyrielle de putains de vie. Bowie au Kirghizistan.

Le monde tourne vite, les paysages défilent comme des pages se tournent, comme des vies s'achèvent. Major Tom, là-haut, Houston on a un problème, la communication est rompue, défaut de faisceaux, d'ondes brouillées parmi les satellites et autres poussières d'étoiles. le silence tourne, comme la fin d'un 33 tours qui n'en finit plus de crachoter son odyssée. Et après le silence, la poussière qui s'installe. le coeur bat toujours, mais par pur mécanisme, plus par lyrisme. Il suffit parfois d'une rencontre pour renverser ses certitudes, un regard, un sourire, une musique. Oui une musique, et une vie peut basculer, et des vies peuvent "continuer". Merci infiniment à Bowie de faire chavirer ainsi nos émotions.

I / I will be king / And you/ You will be queen / Though nothing will / Drive them away / We can beat them / Just for one day / We can be heroes / Just for one day.
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Décidément, je ne peux pas continuer à lire des livres encensés par la critique, ça ne me réussit pas. Peut-être parce que, à cause de la quasi-unanimité, j'en attends alors beaucoup trop. Ou que je suis trop exigeante, difficile, voire grincheuse ou de mauvaise foi.
Pourtant, celui-ci avait beaucoup d'atouts: un voyage à cheval de trois mois dans les montagnes du Kirghizistan, une sorte de huis-clos au milieu de la nature sauvage entre une mère et un fils tout aussi sauvage, et cela pour une tentative de reconstruction de la relation. Une promesse d'évasion et de rédemption, de belle histoire et de belle écriture.
Alors oui, il y a un peu tout ça, mais voilà, ça n'a pas suffi à me convaincre.
Mais reprenons depuis le début. Dans la famille « Stéréotypes », je demande d'abord Samuel, le fils ado taciturne et mal dans sa peau, glissant dangereusement sur la pente de la délinquance. J'appelle ensuite Sibylle, sa mère divorcée, naguère jeune femme brillante, aujourd'hui chirurgienne dépressive et paumée qui carbure à la bière (apparemment ça existe, même si ça fait très peur), qui ressasse les échecs et les souffrances du passé et qui se laisse aller à vau-l'eau. Enfin, nous avons le père, odieux crétin égocentrique et méprisant, caricature du parfait salopard.
Mais bon, Samuel enchaîne tellement les conneries qu'un beau jour Sibylle réagit « avant qu'il ne soit trop tard ». Et quitte à bousculer son fils (et elle-même, tant qu'à faire), elle le soumet à une secousse sismique, puisque, plutôt que de l'emmener chez un psy, elle vend la maison de campagne familiale « à laquelle elle tenait tant » (c'est donc si cher que ça, ce voyage?), et s'embarque avec lui pour le Kirghizistan, pour y randonner à cheval pendant trois mois. Samuel ne l'en déteste que plus : « Elle fait ça pour se donner le beau rôle. Elle fait ça pour se trouver formidable et sortir de sa propre merde, se disait-il, et si elle veut corriger des erreurs qu'elle a faites, eh bien, c'est trop tard, lui, il ne pardonnerait pas ». Na ! Et le père ? Il trouve le projet délirant mais laisse faire, trop heureux de ne pas avoir à gérer le « problème » (rien à faire, ce type n'a vraiment rien pour lui).
Et voilà nos deux cavaliers qui cheminent dans des paysages idylliques, Sibylle qui s'épanouit au fil des rencontres et Samuel qui se ferme encore plus. Entre voleurs de chevaux, hospitalité locale, rencontres improbables et nature indomptable, la mère et le fils enchaînent les (més)aventures plus ou moins vraisemblables. Et puisqu'un revolver passe de mains en mains, on pourrait bien se diriger vers un drame avec peut-être un happy end bâclé. Personnages stéréotypés, péripéties peu crédibles dans des décors mal décrits (des blocs de glace provenant de glaciers, qui « ponctuent une vaste esplanade herbeuse », c'est possible, ça ?), bons sentiments, aphorismes édifiants, ouf n'en jetez plus, mais si, on ajoute encore une critique du racisme et de l'islamophobie qui sonne très faux en plus d'être incongrue. le style est à la fois très concret et très cérébral, il est d'ailleurs paradoxal de se sentir à ce point enfermé dans la tête des personnages qui eux, évoluent dans des espaces immenses.
Après, je ne dis évidemment pas qu'aucune mère ne serait capable de faire pour son enfant ce que Sibylle a fait pour Samuel. L'amour maternel peut sans doute transcender. Mais le sujet méritait plus d'authenticité et de profondeur.
Sur ce, je vais continuer... à lire autre chose.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ma première rencontre avec Laurent Mauvignier. Un éblouissement littéraire.
"Continuer" pour Sybille, c'est tout tenter, quel qu'en soit le prix, pour reprendre contact avec son fils. Un fils à la dérive, barque malmenée, fissurée, qui prend l'eau de toutes parts et que seul l'amour peut écoper.
"Continuer", c'est avoir cette lucidité implacable de renoncer à tout, partir pour se redresser...peut-être. Au risque de tout casser. le lien est si ténu.
"Continuer", c'est prendre tous les risques, tout oser. Oser risquer sa vie pour se la réapproprier -enfin- jouer à la roulette russe la renaissance de son enfant parce que ne rien tenter, c'est déjà l'avoir perdu.
"Continuer" pour Sybille, c'est affronter son passé, ses peurs, sa propre haine, le regard sévère de Samuel sur ses manquements. Tout déconstruire pour s'affranchir. S'autoriser à rire, à jouir, à ressentir. Ne plus subir.
C'est aussi une aventure héroïque au coeur du Kirghizistan, une nature sublime ou âpre, un peuple hospitalier.

Mais c'est aussi et surtout cette découverte de la langue singulière de Mauvignier, un phrasé, un rythme, un sens aigu du détail, ce flot ininterrompu d'émotions, de sensations . Des phrases qui sont parfois d'une longueur déroutante et que l'on dévale comme une pente, sans reprendre souffle, emporté, ivre.
Une écriture véritablement addictive.
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Un roman qui me paraissait très prometteur et qui, malgré quelques bons passages, tourne bien en rond autour d'un schéma bien commun : la famille à trois, la mère éparpillée dans ses choix de vie, encore belle dans sa quarantaine, l'ex-mari abominable dans sa personnalité, ses paroles, ses actes, et l'adolescent paumé dans ce gâchis qui accumule des bouts de mal-être alors qu'il n'est qu'un gros gâté.

L'aventure mère-fils au Kirghizistan est plutôt bien mise en scène, avec quelques belles images de la vie des nomades parmi déserts et montagnes dont l'âpreté ne peut convaincre qu'un amoureux de la nature et pas un gosse de riche coincé entre son casque et son smartphone.

Et puis, l'aventure tourne au mélo avec la fuite éperdue du fils, vexé parce que sa mère s'offre un orgasme bien mérité avec un pseudo aventurier de passage, la pauvre elle aura au moins eu droit à cela, mais le paye au prix fort... Et à partir de là, toute vraisemblance avec une quelconque réalité échappe au lecteur même armé des meilleurs sentiments.

Mauvignier saupoudre un peu de gauchisme bien sectaire avec quelques débats peu convaincants sur l'extrême droite qui n'ont rien à faire dans l'histoire, non plus que la reprise du passé raté de la mère, minable du père et peut-être une lueur pour le fils après ce voyage.

Une très belle et longue phrase sur les pages 93 et 94 justifie à elle seule de continuer, ce que font les protagonistes, à tout prix, tête levée ou baissée sans jamais tenter de contrôler tant soit peu leurs destinées.

La meilleure valorisation de ce roman est finalement son titre : continuer.
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