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EAN : 9782707329837
240 pages
Editions de Minuit (01/09/2016)
4.02/5   1203 notes
Résumé :
Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.
Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davant... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (263) Voir plus Ajouter une critique
4,02

sur 1203 notes
Que faire quand la vie nous échappe, quand on réalise qu'on est en train de passer à côté et qu'il n'y aura peut-être pas de retour possible ? Comment s'en sortir lorsque le dialogue avec son propre enfant s'est perdu, laissant place à une incompréhension totale et que l'on assiste impuissant à sa dérive ? Comment réagir quand on sent poindre lentement mais sûrement le début d'une longue descente aux enfers ? Un seul mot : continuer.

Pour Sibylle, mère célibataire enfermée dans ses angoisses qui élève seule son fils Samuel, un adolescent tourmenté, en plein décrochage scolaire, il s'agit bien de cela après le drame qui vient de se jouer et qui a bien failli faire de son fils un criminel : Continuer oui, mais différemment, en empruntant de nouveaux chemins. Hors de question que son enfant aille en pension comme le voudrait son père, non, elle sait d'instinct qu'en faisant cela elle le perd à jamais.

Alors, pour l'éloigner des fréquentations toxiques qu'il est en train de nouer, pour lui ouvrir le coeur et l'esprit, Sibylle choisit de l'emmener au Kirghizistan, ce pays d'Asie centrale où l'on peut se perdre dans les grands espaces, où les gens n'ont rien mais vous donnent tout, où le danger rôde, comme partout… Un voyage de plusieurs mois qu'ils vont entreprendre à cheval, seuls afin de se libérer du superflu, de se concentrer sur l'essentiel et tenter ainsi de renouer avec leurs racines, avec des valeurs plus authentiques et peut-être avec eux-mêmes...

Encore finaliste pour le prix Femina, « Continuer » fait partie de ces romans qui vous happent, vous transpercent et vous bouleversent par la justesse de leur propos, l'intelligence de leur réflexion et la beauté de leur langue. Ici, la relation mère/fils est au coeur de l'histoire et Laurent Mauvignier prend le temps de décrire son évolution : le lien que l'on croit rompu, l'absence de dialogue, l'incompréhension, la colère mêlée de haine qui cache au final un amour absolu et inextinguible ainsi qu'un besoin de reconnaissance mutuel.

le ton est juste, réaliste et rend à merveille la dureté de ce fils mêlé malgré lui à une aventure dont il ne comprend pas le sens. Une dureté contrebalancée par la tendresse et la détermination de cette mère prête à tout pour sauver son enfant de lui-même. Des personnages extrêmement attachants de par leur vulnérabilité et leurs failles, mais qui cachent une grande force de caractère et que l'on se prend à admirer et à encourager avec une véritable empathie.

Dans cette aventure née de l'amour maternel, c'est aussi nous, lecteur, que Laurent Mauvignier interroge, en pointant du doigt les travers d'une société rendue malade par la surconsommation, aveuglée par la surmédiatisation et l'importance donnée à l'image et gouvernée par une individualisation poussée à l'extrême. Des travers propices à la violence, la méfiance, la haine, la superficialité et l'isolement que l'on retrouve nécessairement dans notre quotidien… Un roman qui donne à réfléchir sur le monde actuel et fait naître le désir de prendre sac à dos et chaussures de randonnée et de partir à l'aventure en quête de grands espaces !

Bref, vous l'aurez compris, « Continuer » fait partie de mes gros coups de coeur de cette rentrée littéraire car, en plus de me faire voyager, c'est un roman qui m'a émue aux larmes, m'a bouleversée par sa force et sa beauté, m'a donné à réfléchir sur le monde dans lequel on vit et sur les choix que l'on peut faire pour changer les choses. En deux mots donc : lisez-le !

Un grand merci à Babelio et aux éditions de Minuit pour cette très belle découverte !
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De temps en temps, on a la chance de tomber sur un roman, qui , bien que n'ayant rien à voir avec le genre thriller, nous tient en haleine sans répit.

Inspiré d'un fait divers, l'auteur met en scène un ado et sa mère. Rébellion, qui prend la forme de délinquance, solitude et désespérance de la quarantaine avec un bilan très mitigé, ces deux là sont mal dans leur peau.

Au delà des bouderies ordinaires avec casque soudé aux oreilles, Samuel se retrouve impliqué dans une affaire qui se termine au commissariat. C'est une erreur fatale : les parents se déchirent sur les sanctions à appliquer. Mais Sybille tient bon : elle partira avec son fils au Kirghizistan, pour une randonnée de trois mois à cheval.

C'est là que le titre prend tout son sens.

Continuer malgré le poids des échecs passés, des espoirs perdus, qui ont au delà du manque scellé un anathème.

Continuer malgré le danger, réel, des rencontres inopportunes, des pièges qu'un sol inconnu tend au voyageur novice, de la lourdeur des silences qui masquent le blâme.

Mais continuer pour un sourire et une main tendue, une soirée de partage dans la chaleur d'une yourte, pour la beauté d'un paysage grandiose, pour la communion au-delà des mots avec les chevaux, qui sont bien plus qu'un moyen de se déplacer.

Continuer parce que le retour en arrière est impossible, continuer pour que demain ne soit pas pire qu'hier.

La beauté des paysages, la communion avec les chevaux inscrivent ce roman dans le genre nature-writing, le nombrilisme en moins le charme de l'écriture ciselée en plus.

Fortement recommmandé

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Il y a une mère, Sibylle, esseulée entre les 80 à 100 heures de travail chaque semaine à l'hopital, son divorce qui la pousse encore plus loin où il faut oublier les cris, les rancoeurs, la haine de s'être mal aimés, mal compris, mal jugés. La fatigue est obsédante. La télévision allumée laisse les paupières ouvertes mais vides. Les bières noient le désarroi. Un énorme sentiment de gâchis, d'impuissance, de raté s'empare d'elle.

Il y a le fils, Samuel, 16 ans, énième victime de parents armés jusqu'aux os, témoin des cris, des rancoeurs et de la haine. Victime de la crise identitaire de l'adolescence. Déraciné de l'enfance, il plonge dans l'absurdité d'une jeunesse dépravée, en mal d'amour, en mal de repères.

Il y a le Kirghizistan, terre étrangère pour deux êtres devenus étrangers l'un à l'autre. Une mère et un fils en cavale vers une absolution, une randonnée de trois mois à cheval comme celle de la dernière chance pour se sauver l'un et l'autre.

Comment la nature peut-elle les rapprocher dans la forteresse qui les emprisonne l'un et l'autre ? Les silences sont empoisonnés, les mots cognent inexorablement dans le jugement. Samuel en veut tellement à sa mère. du départ de son père, de son apathie quotidienne, de ses idées folles comme cette randonnée en terre étrangère, hostile pour un ado fermé aux autres.
Si les mots ne peuvent briser ni le silence ni les maux, il faut les écrire.
Si le silence enchaîne les maux, il faut libérer une place pour que l'amour soit entendu.
Continuer n'est pas un jeu d'enfant.
Continuer n'est pas un chant d'amour.
Continuer n'est pas simple.
Continuer c'est bien plus qu'une crise identitaire, qu'une crise d'adolescence, c'est un chemin boueux qu'il faut ratisser pour laisser apparaître les fleurs, pour autant que quelque chose pousse à continuer.
Un très beau roman à échelle humaine qui renvoie à un message fort qu'aucun parent ne devrait oublier pour l'amour des siens.
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Un immense coup de coeur pour ce roman, où la nature , les chevaux ont la part belle...mais cela serait bien superficiel de ne se contenter que de ces éléments ... qui sont toutefois le tremplin d'un "road-movie" entre une
mère à la vie "défaite" et un fils, au bord de la délinquance, habité par un désarroi intense.Une très belle histoire d'apprivoisement entre une mère
et un fils, enfant ballotté entre des parents divorcés, non apaisés.

Coup de coeur démultiplié puisque je lis cet écrivain pour la toute première fois. Je "lorgne " ce roman de cette rentrée littéraire depuis sa parution, que j'imaginais à tort trop sombre... mais c'est tout le contraire.


Prendre sa vie en main; ne pas accuser autrui de ses propres renoncements ou défaillances. Prenons notre vie à bras-le-corps et faisons du mieux possible pour honorer nos rêves pour ne pas se retrouver comme notre héroïne, Sibylle, à qui on prédisait un avenir brillant de chirurgien. Belle, engagée à gauche, libre, indépendante, courageuse... elle se retrouve infirmière, épuisée moralement, dénigrée par un mari macho, et insipide... qui lui reproche ses idées, ses fragilités, ses projets farfelus comme cette marche en solitaire sur le G.R de Corse, et où elle a failli perdre la vie... Elle était partie marcher , reprendre goût à la vie, décanter une période de lassitude, par cette échappée.. que son ex. lui reproche,"en boucle".

Un couple désassorti, désuni, se bagarrant, avec un petit garçon au milieu de cette hostilité familiale. Divorce...et Sibylle élève comme elle peut, Samuel ; prénom qu'elle a choisi en pensant à un de ses écrivains de prédilection, Beckett; car OUI, en plus de ses rêves de devenir chirurgien, elle avait en elle un autre rêve qui lui tenait à coeur: écrire un roman, ce qu'elle avait entrepris énergiquement, et là encore, abandon, et travail féroce pour poursuivre, en priorité, ses études de médecine...

Mais pourquoi Sibylle à qui tout souriait, se retrouve à la quarantaine dans cette vie terne et si peu satisfaisante... L'auteur saura maintenir chez lecteur le suspens quasiment jusqu'au bout...Un évènement terrible très lointain aura brisé une grande partie de son élan et de son envie de vivre... Je n'en dirai pas plus !!!

Sibylle veut sauver sa vie qui va à la dérive, mais surtout celle de son fils qui va très mal, dépourvu de projet et d'envie pour débuter la construction de son avenir...

Elle se décide à vendre la maison de ses parents, en Bourgogne, à laquelle elle tenait par dessus-tout. Et avec cet argent, elle veut emmener Samuel, loin, plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. En dépit des réticences et du jugement péjoratif de son ex-mari, elle partira à cheval dans cette nature sauvage, immense mais où les Kirghizes ont un vrai sens de l'hospitalité, et s'intéressent vraiment aux autres, aux voyageurs !!
Ce long périple est la possibilité pour que la mère et le fils se connaissent et surtout se reconnaissent... dans cette nature magnifique, tour à tour bienveillante ou hostile, le soin et la complicité avec leurs chevaux, les nécessités à assurer au quotidien...

Ce "road-movie" est aussi prodigue en leçons, apprentissages dont la solidarité, le respect de la nature et des animaux, la tolérance et l'écoute de l'autre avec ses coutumes, sa façon de vivre...le refus du racisme, de l'intégrisme

"-Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu'on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu'on n'a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c'est pas renoncer à soi." (p. 231)

Un style nerveux, poétique... de longues phrases coulant avec naturel...du suspens, des personnages attachants, des thématiques riches et diversifiées qui résonnent fort dans notre présent et notre actualité...

Un très beau moment de lecture au pays des Kirghizes, sous leurs yourtes, à écouter les uns et les autres, le grand souffle des immensités sauvages et des montagnes, sans oublier les compagnons si précieux que se révèlent les chevaux...sans omettre notre "duo" bouleversant de la mère et du fils rebelle...se redécouvrant et s'apprivoisant !

On peut percevoir les fragilités que peuvent ressentir des jeunes à l'orée de leur existence, ne sachant pas encore ce qu'ils souhaitent faire de leur vie, dans le repli et la peur de l'autre, qui peuvent se laisser entraîner et dériver dans des opinions et comportements radicaux...

Une seule impatience désormais: lire et découvrir les autres écrits de Laurent Mauvignier !!! Pour les "fans" de cet écrivain, je serai heureuse de connaître vos préférences...
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C'est parfois dur de continuer, il y faut plus d'énergie qu'on ne croit.

Une mère et son fils en font l'expérience dans la steppe kirghize. À cheval.

Sibylle y emmène son fils, Samuel, ado à la dérive, rivé à ses écouteurs et à son téléphone, cette forme moderne de l'autisme,  pour l'aider à retrouver le sens de sa vie et à refonder le socle des valeurs qu'elle voudrait partager avec lui...sûrement aussi pour  retrouver, quant à elle, cette estime de soi que sa vie professionnelle, son mariage-  autant d'échecs-  lui ont fait perdre depuis qu'a disparu  ce qui lui donnait la force d'exister et l'audace d'entreprendre.

Pour continuer, il faut d'abord rompre avec la routine.
Pour continuer il faut arrêter de s'engluer dans le quotidien qui sape et qui ronge.
Pour continuer il faut briser le silence, ouvrir les vannes de la  colère ou celles du désir, affronter le risque, la mort, écouter les bêtes, et ce qu'elles nous apprennent du monde et de nous-mêmes, aller vers  les autres, combattre les préjugés, les peurs, les fantasmes, accueillir l'amour.

Mère, fils et chevaux iront jusqu'au bout d'eux-mêmes sur cette route initiatique. Ils continueront. Non sans casse. Non sans peril. Non sans surprise.

La phrase magnifique- rythmée, soutenue, hypnotique-  de Mauvignier sera le fil conducteur, le courant continu, l'amarre infinie  à laquelle se rattacher dans cette traversée dangereuse qui mène à la rencontre de soi.

Un beau récit, tendu comme un filet jeté au-dessus de l'abîme.

On se laisse emporter, on ne peut rien faire d'autre que continuer, nous aussi,  en dépit du vertige.
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critiques presse (8)
Actualitte
27 février 2018
Une histoire pleine de bonnes intentions avec un message fort : continuer, ne pas baisser les bras, ne pas tourner le dos à l’espoir, ne pas démissionner !
Lire la critique sur le site : Actualitte
LaPresse
03 novembre 2016
C'est surtout une incitation poignante à recommencer et à s'ouvrir à l'autre, étayée par le rythme soutenu d'un récit inspirant.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
19 septembre 2016
Tout en empathie et en intelligence, Mauvignier signe un grand livre sur l'amour maternel.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Bibliobs
16 septembre 2016
La prose, à la fois galopante et méditative, de Laurent Mauvignier mêle ces deux aventures, l'horizontale et la verticale, comme elle prolonge toutes les obsessions de ses romans précédents.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
31 août 2016
Chevauchée de la dernière chance pour une femme et son ado paumé dans la splendeur sauvage des montagnes kirghizes. Epoustouflant.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
30 août 2016
Un très beau roman de Laurent Mauvignier.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LesEchos
30 août 2016
Laurent Mauvignier a souvent été salué par la critique, soutenu par un public fervent et primé à l'envi. Avec « Continuer », il pourrait bien décrocher le Goncourt.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Culturebox
29 août 2016
Un roman qui commence en douceur, monte en puissance, et finit par vous happer jusqu'à la dernière ligne.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (234) Voir plus Ajouter une citation
"Et pourtant, elle sait qu'il ne faut pas renoncer, pas encore, pas maintenant ; elle ne peut pas s'y résoudre. Elle repense que ça n'a pas toujours été comme ça dans sa vie, qu'il y a eu des moments où les gens se retournaient dans la rue pour regarder cette jeune femme qui dégageait une énergie et un amour si grand qu'ils auraient tous parié que rien ne pourrait lui résister. Mais c'est tellement loin dans son esprit, dans sa vie, l'histoire d'une vie ancienne, d'une vie morte, d'une vie où elle avait cru qu'une femme comme elle pouvait être chirurgien ou écrire des romans. Et quand cette idée, ces idées-là, ce à quoi elle avait cru si fort, ce en quoi elle avait longtemps forgé l'espoir de son avenir, quand ils lui reviennent en mémoire, aujourd'hui, tous ces souvenirs, quand l'amertume de toutes ces prétentions lui reviennent à l'esprit, elle se sent rougir comme une gamine honteuse, prise la main dans le sac. Chez elle, dans la cuisine ou dans son bain, ne faisant rien, simplement en laissant refluer ces chimères pourtant enfouies si profondément qu'elles avaient complètement disparu de sa vie - Beckett, les copains de Tours, New Order et Bowie, elle rougit, disparaît dans la mousse de son bain, s'enfouit sous les draps quand elle est dans son lit ou bien détourne la tête si elle est avec quelqu'un. C'est une bouffée de honte, comme si soudain elle prenait conscience de la prétention qu'elle avait eue pendant toute sa jeunesse. Car bien sûr, ça ne sert à rien de rêver, de ne pas savoir reconnaître qu'on n'est pas capable, simplement pas capable. Bien sûr, il a raison Benoît, c'est plus dur d'assumer d'être celle qu'on est, de n'être que cette personne qu'on est. On n'est pas un autre. On n'est que ce corps, on n'est que ce désir bordé de limites, cet espoir ceinturé. Alors il faut apprendre à s'en rendre compte et à vivre à la hauteur de sa médiocrité, apprendre à s'amputer de nos rêves de grandeur, de vie au calme, à l'abri de nos rêves. Où est-ce qu'elle avait pu croire qu'une fille comme elle aurait pu écrire des livres, des romans ? Et même, un moment elle avait travaillé comme une folle à son roman, elle avait travaillé comme une folle pour devenir chirurgien, et tout le monde l'avait crue capable, tout le monde s'était trompé avec elle, oui, tout le monde lui disait qu'elle aurait fait son métier avec talent et abnégation. Tout le monde s'était trompé pour la chirurgie, et heureusement, personne n'avait su pour le roman."
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-T'es quand même pas devenu kirghize, non ?
-Non, c'est juste que j'ai compris un truc.
-Un truc ?
-Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu'on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu'on n'a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c'est pas renoncer à soi.
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Et alors simplement parce que le jour décline, que le soleil est moins brûlant, les faces rocheuses se piquant d'ombres déjà moins fortes et de coupures moins abruptes, dessinant des lignes, des nuances, des reflets mauves et jaunâtres de fin de jour, le crépuscule allant baigner d'un flou grisé l'horizon et les montagnes, le ciel et les plaines en contrebas, alors on se lance à corps perdu, le corps penché sur le cou du cheval, le nez et la bouche en prise avec la crinière et les mains refermées sur les touffes de crin, les jambes plaquées contre les flancs qui s'agitent et les muscles qui roulent et les chevaux comprennent et s'élancent en fendant le vent -- le frappant comme s'il était un champ de maïs trop haut qui en retour fouette le visage --, la sueur coulant dans le dos et glissant dans les cheveux, sur le front, aveuglant les yeux, ruisselant sur la poitrine, la sueur et la fatigue, l'humus de l'odeur humaine, salée, âcre, qui se mêle à celle des chevaux, la crinière et la poussière qui dégagent cette chaleur et cette chaleur de l'animal et les vibrations de son corps, sa vitesse, sa fougue et sa force qui résonnent dans les bruits des sabots et des fers -- claquement, martèlement, roulement sec frappé, rythmé, toujours avec le même son syncopé plus ou moins rapide, plus ou moins fort, jamais défaillant, d'une exactitude multipliée par chaque cheval lorsqu'il s'élance comme l'écho de l'autre, avec la même précision, les chevaux libérant toute leur énergie et cette puissance prête à jaillir alors qu'on la croit à sa limite -- mais non, après une journée où ils avaient grimpé, trotté, où ils s'étaient arrêtés des heures à ne rien faire qu'à brûler au soleil, à brouter quand l'herbe était grasse, ça repart, un coup de talon, un geste électrisant tout le corps, les chevaux partageant l'excitation aussi entre eux, le défi devient le leur, ça dure ce que ça dure, c'est court, quelques centaines de mètres avant de retomber, de s'essouffler, de se calmer, humains et chevaux, de se dire que c'est fini, ça finit, on finit par s'arrêter, oui -- et même ça est difficile : souffler, retrouver son rythme, sa respiration.
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Et là : les premières note la sidèrent.
Les premières notes l'irriguent, la bouleversent. Elle regarde Samuel, effarée, sa peau se durcit, la chair de poule, oui, comme elle ne l'a pas eue depuis longtemps. Elle connaît les premières notes par cœur, elle les reconnaît dès la première, même si elle ne les a pas entendues depuis longtemps depuis tellement longtemps, et ça revient de si loin, de tellement loin, comment son fils qui n'a même pas dix-sept ans peut écouter ça ? Comment c'est possible qu'il écoute de la musique qui n'est pas de la musique de son temps à lui mais de ses années à elle ? Comment il peut écouter ça ? Est-ce qu'il peut deviner ce que c'est pour elle, cette musique-là ? Elle regarde Samuel et il dort et sa beauté d'enfant et de jeune homme lui éclate au coeur, les larmes remontent de si loin, elle a l'impression de se noyer, le passé revient et tout à coup elle sert la taille de Gaël, le vent les frappe si fort, ils sont penchés sur la moto et la moto traverse Paris dans la nuit, à toute vitesse, ils vont trop vite, mais elle s'accroche, elle aime si fort cet homme et cette musique-là, David Bowie, et elle s'entend encore, elle entend les vibrations de la moto qui résonne en elle, le cuir du blouson de Gaël et la voix de Bowie, I / I will be king / And you/ You will be queen / Though nothing will / Drive them away / We can beat them / Just for one day / We can be heroes / Just for one day.
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Elle ne pouvait pas accepter de voir son fils sombrer dans la délinquance parce qu’il pensait que sa vie n’avait aucun sens ni aucune importance ; elle ne s’y résoudrait pas et avait compris ce qu’il fallait faire, parce qu’elle le voulait aussi pour elle, qu’elle avait besoin de reconstruire sa vie, la leur, redonner du sens à la vie, tout remodeler, dessiner une vie humaine dans un monde qui ne sait plus l’être.
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#théâtre #critique #culture ________________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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