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EAN : 9782707319647
372 pages
Editions de Minuit (07/09/2006)
3.91/5   285 notes
Résumé :
Jeff et Tonino venus de France, Geoff et ses frères de Grande-Bretagne, Tana et Francesco qui viennent de se marier en Italie, mais aussi Gabriel et Virginie à Bruxelles, tous seront au rendez-vous du « match du siècle » : la finale de la coupe d'Europe des champions qui va se jouer au stade du Heysel, ce 29 mai 1985.
La jalousie, le vol des billets, l'insouciance d'une lune de miel : plus rien n'aura d'importance après le désastre. Excepté de retrouver Tana.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (45) Voir plus Ajouter une critique
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sur 285 notes
Comment ce qui devait être un évènement festif se transforme en tragédie ?
« Dans la foule » raconte ce terrible drame à travers divers personnages, de diverses nationalités. Nous sommes au Heysel le 29 Mai 1985, pour la grande fête du football, la finale entre la Juventus de Platini et Boniek face aux Reds de Liverpool. Juste avant le match, la fête va se transformer en désastre.
Laurent Mauvignier signe un texte fort qui vous prend aux tripes, il montre avec une grande justesse, une jeunesse confrontée de plein fouet avec la mort, la désolation et la douleur. Cette génération n'a pas connu les blessures de leur ainés (qui ont fait voler en éclats bien des idéaux), mais cette tragique soirée les rattrape et les font basculer dans le chaos. Ce terrain de football devient un champ de bataille. On est touchés par les personnages dont les nationalités s'effacent devant les blessés et les morts, chacun tentant dans une solidarité de sortir de l'enfer.
On est touchés par la douleur indicible de Tania, portrait d'une jeune femme magnifique qui devra combattre et surtout vivre avec ces fantômes.
Une jeunesse insouciante qui bascule dans l'horreur et la perte.
Une écriture au cordeau, d'une grande justesse, sensible et profondément humaine. Un roman qui vous remue durablement (si vous étiez devant votre écran ce soir-là, forcément les images se rappellent à vous), Mauvignier, un écrivain pas estimé à son juste talent à mon avis.
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29 mai 1985, Bruxelles, stade du Heysel…
Voici un lieu, une date qui parlera forcément, que les plus de vingt ans ne peuvent pas ne pas connaitre. Sans être amatrice de foot, ce serait même tout le contraire et ce lieu entre tous explique probablement en grande partie pour peu d'appétence pour cette activité… j'étais très intriguée par ce récit dont j'avais vu passer un billet il y a quelques mois déjà.
Donc le 29 mai 1985, des Européens amateurs de foot ont un rendez-vous avec la coupe d'Europe opposant Liverpool à la Juventus de Turin.
Jeff et Tonino sont Français. Ils sont à Bruxelles pour la fête, se dégotter des entrées dans le stade…
Gabriel et Virginie sont Belges et s'apprêtent à célébrer le Match…
Tana et Francesco font étape à Bruxelles lors de leur voyage de noces pour assister au match.
Geoff accepte d'accompagner ses deux frères Doug et Hugghie, supporters fervents de Liverpool et brutes de première catégorie.
Voilà ! Tout est posé.
Si la première partie m'a séduite, faire la connaissance des personnages, le terrible drame évidemment vu des points de vue de Tana, de Gabriel et de Geof chacun dans un rôle bien précis : victime, observateur, brute… j'ai été gênée dans ma lecture, notamment la deuxième partie, par les choix de l'auteur. Si les ressassements des personnages sont compréhensibles, ils sont tous sous le choc, j'ai souvent été désorientée à ne plus savoir dans quelle tête j'étais. J'ai bien essayé de repérer des indices pour identifier le personnage qui parlait/pensait mais il me fallait souvent lire pour découvrir qui parlait puis revenir en arrière pour reprendre le passage avec une identité claire en tête…
Une lecture que je ne regrette cependant pas. En plus de la dénonciation des brutalités hooliganes on s'interroge sur le sort de victimes de drame mises en avant par les médias, puis remplacées par de nouveaux drames, puis à nouveau sorties de l'ombre quelques années après pour justice (ou pas) passe et leur reconstruction (ou pas)…
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Mauvignier Laurent - "Dans la foule" éd. de Minuit, 2006 (copyright 2006-2009) (ISBN 978-2707319647).

Un roman remarquable, lu, relu, re-relu : comme tout grand texte littéraire, ce récit supporte sans peine plusieurs relectures. de l'art d'allier un sujet profond à une écriture apte à en rendre compte.

Ce roman prend pour cadre les horribles évènements du stade du Heysel, le 29 mai 1985. Pour celles et ceux qui auraient oublié : juste avant le match de la finale de la coupe de football d'Europe qui se joue à Bruxelles au stade du Heysel et qui oppose la Juventus de Turin au F-C-Liverpool, des groupes de supporteurs anglais, des hooligans, attaquent violemment les supporteurs italiens : 39 morts (34 Italiens, 2 Belges, 2 Français et 1 Irlandais) et plus de 600 blessés. A ce drame en quelque sorte "initial" s'en ajoutent trois autres au moins :
- après délibération, les autorités du monde du foot décident, malgré cet horrible carnage, de faire jouer le match, comme si de rien n'était, et les joueurs s'y collent ! L'équipe italienne "gagne" par 1 but à 0, victoire oh combien dérisoire et honteuse !
- l'instruction du procès montre que les autorités belges n'avaient absolument rien prévu, rien préparé, qu'elles étaient totalement incapables d'assumer la gestion d'un match aussi risqué, alors qu'à cette époque-là les clubs anglais étaient parfaitement connus pour être accompagnés dans leurs déplacements par des bandes fascistes se livrant systématiquement à des agressions violentes sur les autres supporteurs ; bien sûr, les "défenseurs" abjects de ces criminels vont s'engouffrer dans cette brèche, et détourner le procès des hooligans pour le transformer en procès des autorités belges, un coup bien classique dans le rendu de l' in-justice dans nos pays dits civilisés
- si bien que les 26 criminels dûment identifiés par la police anglaise comparaissent trois ans plus tard, en octobre 1988, bien endimanchés, bien habillés, jouant parfaitement le rôle d'innocents injustement persécutés et ... sont acquittés !!! (Comparons un instant avec la catastrophe d'Outreau !)
Juste retour des choses : se voyant ainsi garantir l'impunité, les hooligans frappent de plus en plus fort. A peine six mois plus tard, le 15 avril 1989, ils provoquent un autre carnage au stade de Hillsborough à Sheffield, de nouveau à l'occasion d'un match auquel participe l'équipe de Liverpool, causant cette fois la mort de 96 personnes, des blessures graves sur 300 autres et des blessures plus légères sur au moins 1000 personnes. Ce n'est qu'à ce moment-là que les autorités politiques, toujours aussi lâches devant les foules et les lobbies footballistiques, vont enfin se décider à réagir.

L'auteur prend donc ces évènements pour cadre de son roman, qu'il déroule (contrairement à "des hommes") dans l'ordre chronologique : depuis la veille du match, jusqu'à environ trois après, une fois le jugement rendu. Il met en scène
- un groupe de trois frères anglais de Liverpool (les deux plus âgés appartiennent corps et âme à ces groupes fascistes de hooligans et n'en sont pas à leurs premières exactions, tandis que le plus jeune est vu comme l'intellectuel incapable de faire autre chose que de les suivre et les imiter pour tenter de s'intégrer au groupe, tenant après-coup la chronique des évènements)
- un duo de deux traîne-savates français, dont l'un (Tonino) est franco-italien, l'autre (surnommé Jeff) français pur sucre, deux jeunes hommes désoeuvrés qui se rendent à ce match sans avoir retenu la moindre chambre d'hôtel ni même avoir acheté de billets, sur le mode "on verra bien comment ça se présentera quand on y sera" : Tonino vole des billets à un jeune couple belge naïf ; Tonino et Jeff sont blessés lors de l'émeute, mais parviennent à s'en sortir sans trop de dommages physiques
- un jeune couple italien fraîchement marié, Francesco et Tana ; Francesco parviendra à entraîner Tana à l'écart pour qu'elle se sauve, mais sera lui-même tué au cours de l'émeute ; désespérée, désorientée, Tana s'enfonce ensuite dans l'alcool, la drogue, la quasi-prostitution.
Trois ans plus tard, après le rendu du jugement, Tonino décide Jeff à venir avec lui retrouver Tana en Italie : le roman se termine sur une touche très légèrement optimiste, puisqu'il semble que Tana et Tonino nouent une relation réparatrice.

Ce roman est un récit fort, charpenté, travaillé. La montée de la violence aux abords du stade est rendue avec une prodigieuse maîtrise et une grande économie de moyens, ce qui rend la description poignante : l'auteur restitue parfaitement cette irruption de la violence aussi anonyme que gratuite. le fait d'alterner la vision de chacun des trois groupes de protagonistes lui permet de rendre compte des évènements au ras du vécu individuel, donc avec une grande crédibilité. Mieux encore : le fait que le narrateur de chacun des trois groupes imagine à l'avance la réaction des gens (surtout des femmes) restés au pays donne une profondeur dramatique supplémentaire (cf par exemple pp. 244-247).
Seul bémol : je n'aime pas les trop longs passages de "voix intérieure" de Tana exposant son désespoir et son chagrin après les évènements, il y a trop de redites, même si, dans la réalité, j'imagine fort bien que les gens subissant ce genre de traumatismes restent bloqués et ruminent sans fin leur peine.

La destruction des victimes est parachevée par le procès au cours duquel de généreux spécialistes démontrent que chacun des hooligans est finalement innocent (pp. 370 et seq).

Je suis persuadé que l'auteur dit la vérité lorsque, dans une interview (cf dossier Mauvignier), il déclare avoir travaillé plus de quatre années à ce texte !

Dans le suivant, "des hommes", il ajoutera la petite touche de génie qui manque ici pour faire un roman exceptionnel, à savoir inverser la chronologie, partir d'évènements postérieurs et remonter vers le drame...
NB : C'est ainsi que le film "la vie et rien d'autre" (Bertrand Tavernier – sortie en septembre 1989) raconte les horreurs de la Grande Tuerie 1914-1918 en en montrant les conséquences et non le déroulement : au-delà d'un degré ultime d'horreur, il est inutile de chercher à décrire l'impensable, il vaut mieux se limiter à en décrire les traces ultérieures indélébiles...

Un grand roman, une grande réussite littéraire.
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29 mai 1985. Stade du Heysel à Bruxelles. Ce jour-là ce devait être la fête du football avec la finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions. Elle devait opposer les Reds de Liverpool à la Juventus de Turin, les deux meilleures équipes d'Europe, venues des deux meilleurs championnats nationaux. Ce fut non seulement un drame mais aussi une tragédie.

Une tragédie car tous les éléments sont réunis ce jour-là pour que le destin se réalise. Depuis les années 1960, le hooliganisme sévit en Grande-Bretagne. Mais dans la première moitié des années 1980 il prend une nouvelle ampleur avec l'intrusion du politique. Côté sportif c'est le foot qui catalyse les énergies et les violences. Les règles, ou plutôt l'absence de règle de sécurité dans les stades, font que ni la police ni l'UEFA ne sont capables de gérer correctement la situation. En 1984 l'animosité entre les Anglais et les Italiens prend de l'ampleur suite à plusieurs confrontations sportives. Alors, lorsqu'arrive cette finale de mai 1985 tous les éléments de la tragédie sont en place pour que cette journée cristallise les jalousies et les rancoeurs accumulées depuis des mois, des années. Des supporteurs déchainés par une haine aveugle et imbécile, des grilles qui s'effondrent, des forces de l'ordre dépassées : 39 morts et plus de 400 blessés.

Dans ce roman choral, Laurent Mauvignier, avec sa plume intimiste et dense, nous raconte cette journée et les traces qu'elle a laissées sur 4 groupes de personnes. Il y a ce jeune couple italien, Tana et Francesco, qui viennent de se marier. Elle a 23 ans et n'a jamais assisté à un match de football, lui est fan depuis toujours. Il y a Jeff et Tonino, les amis venus de France pour l'évènement. Il y a Gabriel et Virginie, les Bruxellois qui vont rester hors du stade. Et puis il y a le trio britannique : les frères dont le plus jeune ne voulait pas venir parce que ne partageant pas les idées de ses frères, mais qui a obéi à son père qui tenait à ce qu'il soit là cette finale.

C'est par une plongée dans les réflexions intimes des personnages que Laurent Mauvignier déroule la progression vers le drame. de longs monologues intérieurs qui décrivent l'attente, l'enthousiasme, l'anticipation de la fête, la tension dans les rues de Bruxelles puis aux abords du stade et enfin l'explosion de la violence dans les gradins, la peur, l'effroi, le chaos, la fuite et puis l'après. Trois ans plus tard, alors que se tient le procès des hooligans, chacun tente de dépasser à sa manière les marques laissées par cette journée.

Par le talent de l'auteur on ressent pleinement toutes les émotions vécues par ses personnages. On partage leurs espoirs et leur souffrance, toute l'absurdité de ce qui s'est joué ce jour-là dans ce stade. Au-delà du fait sportif et historique c'est une exploration de l'âme et du coeur touchés par la plus grande des souffrances, par un traumatisme intense qui brise des vies ou leur donne une nouvelle orientation.
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D'abord, dès les premières pages, il y a l'écriture, oui, qui surprend. Hachée, parlée, mais fluide et très minutieuse, très avide de détails.
Mais aussi le thème abordé. Parce que d'emblée, c'est comme dans un policier, on sait que ça va mal finir. Qu'il y a au moins un des personnages de ce roman choral , un de ceux qui se présentent eux-même dès le début du livre ,qui va finir comme sur les images que personne ne peut oublier, écrasé par la foule sous l'assaut des supporters anglais, le corps piétiné et les poumons explosés.
Alors lequel , ou lesquels? Il y a les Belges, Gabriel et Virginie, si heureux d'avoir récupéré des billets et qui se les font voler par les deux compères pas bien méchants Tonino l'Italien et Jeff, l'orphelin de père. Il y a le couple italien en voyage de noce Tana et Francesco, qui ne sont pas passés par l'église pour se marier,
Et puis il y a les frères de Liverpool, ils sont trois. Deux boeufs, et puis le jeune, qui ne voulait pas venir, mais le père y tenait, qui ne voulait pas courir, et qui l'a fait quand même, qui voudrait bien haïr ses frères, mais qui les aime quand même.

D'emblée, on panique. On attend le désastre. Et c'est dans les longs monologues intérieurs de chacun de ces personnages que l'on assiste au chaos, aux cris et à la fuite, puis à la solitude et au deuil.
C'est bouleversant.

Un petit extrait:
"Mes parents seront l'un et l'autre comme des enfants qui ne comprennent pas les rites et les conversations d'un groupe d'adolescents, ou, plutôt comme des vieux un peu pantelants et tremblants, tout gringalets, sur des chaises en rotin qui craquent autant que leurs os ou les idées qu'ils se font pour soutenir un monde qu'ils ne comprennent plus. Et moi, je les regarderai avec ce sentiment de partager avec eux la désolation d'une époque qui s'enorgueillit de sa bêtise et de son sens du spectacle. J'aurai la calme commisération qu'éprouve vis à vis de la faiblesse celui qui voit les rouages entraîner dans leurs mouvements des gens qui ne peuvent ou ne savent pas lutter, des gens nus comme des papillons qu'on épingle sur un tableau au-dessus d'un nom savant qu'ils ne servent qu'à illustrer, eux, avec leur coeur de chair et de sang, tout leur corps, de leurs yeux mouillés à leurs mains crispées, et les mines effarées derrière lesquelles ils rabâchent quelques idées pour se bricoler une vie..."
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Et dès qu'ils arrivent dans la lumière du dehors c'est comme s'ils couraient après leurs voix, leurs cris loin devant eux , devant leurs corps tuméfiés, je me dis, moi, tremblotant les jambes molles, les oreilles bourdonnent, quand j'entends ces mots dans ma tête, disant qu'ils sont devenus fous, et, quoi ? de l'autre côté ils reviennent d'où, et, merde, merde ! arrêtez ! arrêtez ! arrêtez vous ! qu'est-ce que c'est ? Ils déboulent par centaines, les uns sur les autres. Je voudrais parler et dire arrêtez-vous, expliquez-moi mais non, c'est là, devant, ça grossit encore – tout à coup je comprends que je n'ai rien vu. Le pire est à venir, impossible, impensable. Et toujours cette violence qui dévaste jusqu'à la possibilité de trouver les mots pour la dire,
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>Tous les matins, deux femmes se rejoignaient
au-dessus de la falaise. Elles venaient chacune
avec son chien, et Tana les regardait pendant
longtemps; des deux chiens, l´un était un setter
et l´autre un petit roquet blanc et noir, qui s´eton-
nait de voir l´autre, plus grand, plus nerveux - celui
que Tana regardait aussi -, descendre le long de la
falaise, renifler la terre et les cailloux en plongeant
le museau dans des fentes, là où il y avait des trous,
des boules touffues d´herbes; il courait comme un
fou, comme ça, tous les matins. Tana le regardait
faire, s´ébattre en descendant le long de cette
falaise de calcaire, si blanche, si raide qu´on
se disait qu´il allait tomber; les femmes en
haute discutaient et ne s´inquiétaient pas;
il était presque à pic, presque à la verticale
de l´eau, il il cherchait les nids de choucas
qui tournaient autour de lui et ne le laissaient
pas entrer son museau très profond dans les
sillons lézardant la falaise.
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Présentation du livre par son auteur, Laurent MAUVIGNIER :

" 'Dans la foule', c'est l'histoire de plusieurs personnages qui vont se croiser, se rencontrer pour certains, au stade du Heysel. C'est la rencontre d'une expérience de la douleur pour certains, et comment certains personnages vont être traversés par une tragédie : en l'occurrence, celle du Heysel. Le livre se passe sur plusieurs années. On ne reste pas seulement sur le drame en lui-même ; on suit les personnages. Parmi les personnages, on a trois frères anglais, et la narration est tenue par le plus jeune des frères. On a aussi un couple d'Italiens qui viennent de se marier, Tana et Francesco, qui vont assister au match ; c'est un cadeau de mariage. On a aussi un Franco-Italien, Tonino et un Français, Jeff, qui arrivent à Bruxelles un peu la fleur au fusil, d'une manière un peu plus légère que les autres. On a un couple de Belges, Gabriel et Virginie qui, eux, vont fêter le nouveau travail de Gabriel. Les Français, les Belges et les Italiens vont se rencontrer ; les Anglais, en revanche, vont vivre leur histoire dans le stade, d'une manière tout à fait autonome et détachée des autres histoires. Pour resituer, le drame du Heysel s'est passé le 19 mai 1985. On annonçait le match du siècle, car on avait deux équipes absolument exceptionnelles : les Red de Liverpool, et la Juventus de Turin avec Platini qui était une super star à l'époque. Le match est vraiment annoncé comme un événement très important sur le plan sportif, mais également sur le plan festif, car cela se passe à Bruxelles et c'est vraiment une fête européenne. On en connaît l'issue : les supporters anglais ont chargé sur les Italiens, et on a eu un bilan de 39 morts et de plus de 400 blessés. Pour moi, ce qui était intéressant, c'était de situer cette espèce de fête et de faire venir les personnages dans un rapport à la fête, au collectif, à la foule, dans ce qu'elle peut avoir de joyeux qui tient de la liesse, et de raconter comment cela bascule dans quelque chose, qui au contraire, est un rappel de l'horreur des victoires européennes au XXe siècle."
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[Incipit.]

Nous deux, Tonino et moi, on n'aurait jamais imaginé ce qui allait arriver - Paris au-dessus de nos têtes et cette fois on ne s'y arrêterait pas. On a glissé sous Paris et les wagons du métro filaient vers la gare du Nord, sans que ni Tonino ni moi ne nous disions, tiens, et si on s'arrêtait quand même voir le temps et l'argent qu'on n'a pas nous filer entre les doigts ? Non, on ne s'est pas arrêté, on a filé comme ça jusqu'en Belgique, sans regarder la France et le temps qu'on laissait derrière nous, sans attendre que Tonino agite ses mains, larges comme on imagine celles d'un boxeur ou d'un désosseur de vieilles voitures, en spatules, carrées, robustes, pour nous promettre des moments formidables.

Tonino aimait se servir de ses mains pour faire semblant de menacer - touche le cul de ta sœur ! grognait-il quand il avait bu, avant de promettre à celui qui s'attardait trop longtemps devant lui de lui envoyer un coup de surin - il me semble que je ne l'ai pas entendu une seule fois utiliser un autre mot que celui-ci, surin - menace qu'il mimait d'un geste ample et savant mais sans jamais la présence d'une lame, seulement le geste, censé édifier le premier qui passait à sa portée. Mais on rigolait trop dans les bars pour ne pas voir que tout ça finirait dans une mare de bière plutôt que de sang ; eh oui, mon Tonino, t'es encore rond comme une queue de pelle !
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C'est toujours pareil, on épuise sa colère contre qui on ne voudrait pas, sur ceux qui sont là, les proches, les amis, les frères. Toujours sur celle qui nous écoute et nous console, à qui l'on reproche d'être plutôt comme ceci plutôt que comme cela, alors qu'on l'aimée justement parce qu'elle était comme ceci et pas comme cela. Mais c'est sur elle que ça tombe, toujours, cette loi dégueulasse, (...)
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#théâtre #critique #culture ________________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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