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Critique de mariecesttout


Une écriture hâtive, pressée, qui hésite, très orale, qui empêche toute mise à distance.
Même si on retrouve l'universalité du propos sur la guerre, quelle qu'elle soit, de ceux que l'on y envoie se faire massacrer et massacrer les autres, l'impossibilité de raconter alors que les souvenirs des atrocités vécues, commises ou subies hantent toute l'existence . On retrouve cela dans toute la littérature de guerre ( la meilleure analyse du refus d'écoute de l'entourage se trouvant, pour moi, dans le fabuleux Voyage au bout de la nuit de Céline), et on sent que Mauvignier a dû être très marqué par le vécu de son père. Et son suicide..

Une petite particularité pour cette guerre d'Algérie, dont on a longtemps très peu parlé , je me suis souvent demandé pourquoi, (à part bien sûr le fait que la France met toujours des siècles à affronter son passé), ceci:
"On avait renoncé à croire que l'Algérie, c'était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce la guerre c'est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient des hommes, c'est tout..."
Et des hommes auxquels ils peuvent s'identifier, ils sont -encore- français et défendent leurs terres, que feraient-ils si l'on leur faisait la même chose?

"La même incompréhension du pourquoi , au début. Après, on venge les copains et voilà tout."

Mais ce qui m'a le plus intéressée dans ce roman , ce n'est pas tant la guerre d'Algérie que l'histoire familiale. Avec laquelle commence et se termine ce roman très bien construit. Et que l'on retrouve même dans l'épisode principal de la vie des deux cousins. Qui domine le tout finalement . C'est encore une querelle de famille qui a sauvé la vie des deux cousins en Algérie. Et a sans doute provoqué la mort des autres . Toujours la même d'ailleurs, la fameuse scène de la mort de la soeur.

C'est un livre que j'ai lu rapidement, portée par le rythme et le style et qui laisse beaucoup de questions en suspens, sur lesquelles il faut revenir pour comprendre, tout est dit, mais c'est très dense.
Ce n'est finalement que la violence de Bernard qui fait remonter les souvenirs . Et chercher à comprendre qui il est vraiment.
Mais..

"Peut-être que cela n'a aucune importance , tout ça, cette histoire, qu'on ne sait pas ce que c'est qu'une histoire tant qu'on a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s'accumulent et forment les pierres d'une drôle de maison, dans laquelle on s'enferme tout seul, chacun sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres? Et moi, à ce moment là, j'ai pensé qu'il faudrait bouger le moins possible tout le temps de sa vie pour ne pas se fabriquer du passé, comme on fait, tous les jours; et ce passé qui fabrique des pierres, et les pierres, des murs. Et nous on est là maintenant à se regarder vieillir et ne pas comprendre pourquoi Bernard il est là-bas dans cette baraque, avec ses chiens si vieux, et sa mémoire si vieille et sa haine si vieille aussi que tous les mots qu'on pourrait dire ne peuvent pas grand-chose."

C'est très noir, et très beau. Pas tout à fait désespéré, puisqu'il y a une lueur de lucidité , ou du moins de réflexion, dans cette famille.
Trop tard, bien sûr, mais c'est toujours trop tard. C'est d'ailleurs la dernière phrase du livre.
"Je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard. "

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