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EAN : 9782266250061
512 pages
Pocket (02/04/2015)
4.14/5   2111 notes
Résumé :
Sarah McCoy
Un gout de cannelle et d'espoir.

Aussi publié sous le nom : La bonne étoile d'Elsie

Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa sœur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l'armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d'insouciance. Jusqu'à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (400) Voir plus Ajouter une critique
4,14

sur 2111 notes
Pour les besoins d'un article, Reba Adams, journaliste à El Paso, se rend dans la boulangerie allemande que tiennent Elsie Meriwheter et sa fille Jane. Au milieu des brötchen, des schaumküsse et autres lebkuchen, des confidences vont être échangées. Car, même si Reba est réticente, elle comprend vite qu'il va falloir se livrer elle aussi si elle compte obtenir un peu plus que des banalités sur les traditions de Noël en Allemagne. Malgré elle, la jeune femme ne peut s'empêcher de revenir encore et encore dans cette boutique chaleureuse où elle est accueillie en amie par les odeurs de pain frais et de cannelle et la bonne humeur des propriétaires. Mais comment pourrait-elle raconter une enfance auprès d'un père vétéran du Vietnam traumatisé et d'une mère qui voulait envers et contre tout sauver les apparences ? Comment s'ouvrir aux autres, prendre le risque de les aimer alors qu'elle a vu les ravages de l'amour chez sa mère ? Comment parler de sa relation avec Riki, un homme qui l'aime, qui veut l'épouser et qu'elle fait souffrir par peur de souffrir elle-même ? Au contact d'Elsie, si simple et si douce, Reba se métamorphose tout en découvrant la vie de la vieille dame. En 1944, Elsie Schmidt avait 16 ans et travaillait aux côtés de ses parents dans la boulangerie familiale à Garmisch, petite ville des Alpes bavaroises. Sa soeur Hazel avait rejoint un lebensborn pour y mettre au monde les enfants de la patrie. le régime nazi imposait ses lois, la guerre ses restrictions et Elsie assistait à son premier bal au bras d'un officier SS...


Les Schmidt étaient allemands, ils aimaient leur pays et faisaient confiance au Führer. Bien sûr la guerre mettaient l'Allemagne à feu et à sang, bien sûr les juifs de Garmisch étaient emmenés, leurs bien réquisitionnés mais il y avait tant d'espoir, de joie et d'optimisme pour un avenir meilleur qu'on fermait volontiers les yeux. Pourtant Elsie ne peut s'empêcher de se poser des questions. Les hommes de la Gestapo lui semblent violents et sans scrupules, les lettres de sa soeur prennent une tournure de plus en plus pessimiste et Tobias, l'enfant juif qui a chanté comme un ange au Noël nazi mérite-t-il le triste sort qu'on lui réserve ? Plus que la fierté d'appartenir à la race supérieure, c'est la peur qu'elle ressent au fond de son coeur, mais aussi une envie d'autre chose, loin des souffrances et des lois iniques.
Le respect des lois, Riki en a fait son credo. Et son métier aussi. Il surveille la frontière entre les Etats-Unis, son pays, et le Mexique d'où déferlent des vagues de clandestins prêts à tout pour un morceau du rêve américain. Ses parents aussi ont émigré, mais légalement, après des années de patience pour obtenir un visa et, plus tard encore,une nouvelle nationalité. Alors les lois doivent être les mêmes pour tout le monde et ceux qui l'enfreignent sont renvoyés vers la misère et la violence. Pourtant, petit à petit, ce discours bien intégré se délite. Il y a plus en plus de femmes et d'enfants à tenter la traversée de la frontière. Méritent-ils le traitement que leur infligent les lois sur l'immigration ? Sont-ils des voyous parce qu'ils aspirent à une vie meilleure ?
Le tour de force de Sarah McCoy est de nous présenter des personnages qui ne sont jamais dans la caricature. L'officier SS n'est pas un monstre sanguinaire et antisémite qui tue sans se poser de questions, les allemands ne sont pas le peuple belliqueux qu'on nous décrit trop souvent. Et même les ''gentils'' n'agissent pas toujours par pure bonté d'âme, poussés plutôt par la force des choses et hésitant sans cesse entre le désir de protéger un inconnu ou sa dénonciation pour protéger sa propre famille. le système nazi endoctrinait le peuple dès le plus jeune âge et laissait peu d'options à celui qui y était réfractaire. Il fallait beaucoup de courage pour s'opposer à un régime qui tuait ses ennemis à tour de bras.
L'auteure fait-elle un raccourci qu'on pourrait trouver cavalier entre le modèle érigé par Hitler et le système mis en place par les Etats-Unis pour contrôler son immigration ? Sans doute puisqu'il n'y aucune comparaison possible entre les camps d'extermination nazis et le refoulement aux frontières des clandestins. Alors peut-être a-t-elle voulu exprimer son sentiment d'injustice devant les souffrances d'aujourd'hui...L'essentiel n'est pas là, Reba et Riki étant finalement des personnages secondaires qui s'effacent devant Elsie et sa famille qui ont traversé L Histoire et son lot de malheurs. Pourtant, il en ressort la flamme de la bonté humaine et l'empreinte d'une jeune fille volontaire et courageuse qui deviendra une femme sûre de ses choix et de ses priorités.
Une belle saga qui traverse les années de guerre et de violence en faisant la part belle à l'humanité et fait venir les larmes aux yeux tout en évitant la mièvrerie. le sucre est bien présent, mais il reste dans les pâtisseries allemandes que préparent Elsie, son père avant elle et sa fille avec elle. Beaucoup d'émotion, le souffle de l'Histoire, des personnages attachants, et un voyage de 1944 à 2008, de la luxuriance bavaroise à l'aridité texane, pour un roman fabuleux, à lire absolument. Un immense coup de coeur.
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Que d'émotions ressenties à la lecture de cet ouvrage découvert grâce à Babelio!, mi- roman, mi- historique, retraçant un grand voyage dans l'histoire de 1944 à 2008, dans deux boulangeries: à El Paso, prés de la frontière Mexicaine et à Garmisch, oú en 1944, Elsie Schmidt, seize ans, une jeune boulangère survit dans le déclin du 3° Reich, sous la protection d' un officier Nazi qui la courtise, jusqu'à ce qu'un petit garçon juif, musicien frappe à sa porte....je n'en dirai pas plus.
Soixante ans plus tard, Reba Adams, une jeune journaliste réalise un reportage à El Paso, sur la boulangerie d'Elsie......
Sur fond de récit historique, à l'aide de nombreux flashs- backs, nous sommes captivés par ces deux histoires entremêlées ....Elles portent une belle leçon d'espoir, de tolérance, de culpabilité et de pardon à la fois, l'acception de soi et des autres. La capacité des hommes à refuser un système qu'ils trouvent injuste, et de chercher à leur manière à changer cela, à vivre malgré la peur en accord avec leurs idées......
Les valeurs de l'affection, de la famille, de l'amitié, de l'entraide sont constamment présentes....
L'on salive du début à la fin du récit grâce aux senteurs alléchantes de la cannelle et à l'odeur entêtante du pain et des pâtisseries qui cuisent...
Une histoire remarquable, touchante, prenante, douloureuse mais lumineuse, avec une fin pleine d'espoir : une belle lettre d'amour, de reconnaissance et d'espoir!
Une leçon de courage dominée par des liens très forts d'amitié et familiaux !
Merci aux amis de Babelio qui m'ont amené à acheter cet ouvrage!
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Il faut avoir connu un enfant juif et s'être rendu compte qu'il était fait de chair et d'os, comme vous, pour l'aimer. C'est ce qui est arrivé à Elsie, jeune allemande de 17 ans.
Il faut avoir enfanté et ressenti l'amour infini envers son propre enfant pour se rendre compte qu'Hitler n'est finalement qu'un tyran exploitant les jeunes femmes purement aryennes justes aptes à être fécondées. C'est ce qui est arrivé à Hazel, jeune allemande.
Il faut avoir assisté à l'arrestation brutale de son maitre vénéré, juif, pour se rendre compte que les Juifs sont des gens comme vous. C'est ce qui est arrivé à Josef, jeune officier nazi.
Ce roman traite des derniers jours, des derniers mois de l'Allemagne nazie, empreints de brutalité, de faim, de peur.
La boulangerie des Schmidt, à Garmisch, est le théâtre de toutes les attentes, de tous les espoirs d'Elsie : quand reviendra-t-elle, sa grande soeur chérie, partie au « Lebensborn » assouvir la soif de pureté aryenne des nazis ? Faut-il vraiment qu'Elsie elle-même se marie avec Josef, le « gentil » officier nazi ? C'est sans compter sur Tobias, le petit garçon juif à la voix d'ange...


Et puis après un immense bond dans le temps, nous arrivons au Texas, plus exactement à El Paso, à l'endroit où de nombreux immigrants tentent leur chance d'une autre vie. Riki en fait l'expérience, lui qui doit les renvoyer d'où ils viennent. Et Reba, la jeune femme qui partage sa vie, ne sait plus, elle non plus, exactement où elle en est, elle qui traine un lourd passé familial.
Nous sommes en 2007.
Et nous nous en doutons : Reba rencontre Elsie, et va se lier d'amitié avec sa fille Jane. Ca y est, la boucle est bouclée.


Le passé rejoint le présent à travers l'alternance de chapitres centrés tour à tour sur les figures féminines d'Elsie et de Reba.
A vrai dire, si le côté allemand, avec les recettes succulentes de pains et pâtisseries, l'inhumanité du « Lebensborn », la description de fêtes nazies, avec la fragile petite figure de Tobias l'enfant juif et la forte personnalité d'Elsie, m'a bien plu et intéressée, j'ai été nettement refroidie lors des atermoiements de nos modernes Reba et Riki. Oui, c'est vrai, je me suis copieusement ennuyée. Rien dans le style, rien dans l'analyse des caractères n'a retenu mon attention. Trop sirupeux, trop tourmenté artificiellement.
La partie allemande sauve la partie américaine... revanche involontaire sur L Histoire.
C'est donc 3 étoiles que je donnerai à ce roman mi-figue mi-raisin, ou plutôt mi-brötchen mi-galettes de maïs.


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Je me suis laissée bercer dans la douillette chaleur de la boulangerie schmidt à Garmisch et gentiment accueillir dans le fournil D'Elsie à « El Paso » au texas pour apprécier cette saga si bien narrée.
Bercer n'est pas le terme à employer lorsque l'on entre dans l'histoire, alors je dirais plutôt j'ai compati, partagé des souffrances endurées par notre héroïne durant la seconde guerre mondiale en ce qui concerne la boulangerie de Garmisch. Bien documenté, le roman nous amène dans une famille allemande respectable qui se place sous la protection des nazis, ce qui montre combien le peuple allemand était en grande partie ignorant de ce qui se passait en Pologne, du véritable visage de certains gradés et de la folie assassine des leaders de cette période dont les lebensborns sont une macabre illustration. Ce roman montre à quel point certains individus (plus qu'on ne le pense) peuvent commettre les pires crimes sous le commandement de supérieurs mais aussi que d'autres s'illustreront en faisant des miracles avec leur pauvres moyens et en risquant leur vie. C'est le cas d'Elsie qui va mettre en jeu sa vie et celle de sa famille pour sauver un enfant juif, Elsie qui n'aura rien à regretter et s'épanouira dans sa boulangerie du Texas où elle accueille Reba, jeune journaliste dans l'ambiance chaleureuse d'une boulangerie accueillante.
J'ai beaucoup apprécié l'aspect documentaire du roman concernant la seconde guerre mondiale en Allemagne.
Je me suis souvent ennuyée avec l'histoire de Reba au texas, cette jeune fille tourmentée qui comme Elsie, doute de son amour, cherche un bonheur qui semble inaccessible, a vécu des moments difficiles dans son enfance. Je n'ai malgré tout pas saisi en quoi Elsie et sa fille, Jane ont pu l'aider à ce point si ce n'est par leur accueil. La quatrième de couverture annonce que Reba reçoit une leçon de vie, pour cela, il aurait peut-être fallu qu'Elsie lui raconte tout ce qu'elle a vécu, mais il n'en est rien, et je me permets de me demander quel est l'objectif de l'auteure dans cette partie du récit qui se déroule au Texas : a-t-elle voulu montrer comment Elsie s'en est sortie et ce qu'elle est devenue ? le but était-il de montrer que des femmes peuvent mener leur vie sans présence masculine ? le lecteur ne manquera pas de remarquer que les hommes dans ce roman n'attirent pas la sympathie du lecteur : le père d'Elsie intervient peu, se montre agressif à l'égard des Américains et les femmes le relaient sans difficulté, les autres hommes sont des nazis, Riki, compagnon de Reba, quoique délicat et gentil, se pose des questions sur son métier de garde-frontière, le mari d'Elsie n'apparaît que très peu. Et le travail et la tenue des boulangeries est pratiquement mené par les femmes. On remarquera malgré tout une évolution vers la fin du roman.

Je conseille ce roman extrêmement bien documenté.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Texas, novembre 2007, Reba est journaliste et doit écrire un article sur Noël à travers le monde. Elle a jeté son dévolu sur une boulangerie allemande située à El Paso où elle vit avec Riki, garde frontière. Reba ignore que ce reportage changera sa vie. Elsie, le personnage principal de son interview, a quitté Garmisch, en Bavière, après la guerre de 1940-1945 et a épousé un médecin américain qu'elle a connu pendant l'occupation. Un goût de cannelle et d'espoir est le récit de la vie de Elsie confié à Reba mais c'est aussi la vie de cette dernière et de leurs proches respectifs. Les dates des récits figurent en tête de chaque chapitre, les périodes se succèdent en alternance entre 1944 et 2008.
À noter que Sarah McCoy a vécu durant son enfance en Allemagne, son père y étant militaire. Elle vit à El Paso au Texas avec son mari et ils font de fréquents séjours en Allemagne pour leurs vacances. le livre s'achève avec quelques bonnes recettes de petits pains et de pâtisseries allemandes et mexicaines. Un roman à lire et à déguster comme il se doit.

Challenge Pavés 2015-2016
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Citations et extraits (221) Voir plus Ajouter une citation
Sa mère lui disait que les rêves étaient le moyen pour les esprits de communiquer avec les vivants. Il l’avait crue, enfant, jusqu’au jour où il avait rêvé que sa mère mourait dans un accident d’avion. Il décida qu’il ne pouvait y avoir que trois explications : 1. les esprits étaient tous des menteurs, 2. ils n’existaient pas, 3. les songes n’étaient que des inventions de l’inconscient. La troisième option était la plus crédible, sachant que sa mère n’avait jamais mis les pieds dans un avion. Elle était morte dix années plus tard de la tuberculose suivie de près par son père. A leur mort, il regretta de ne plus croire aux esprits. Il aurait aimé les revoir, ne serait-ce que dans son sommeil.
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« Les arbres font les morts, avait dit une fois son père, en la portant sur ses épaules à travers les bois enneigés derrière la maison. Peut-être que, si on les chatouille, on pourrait leur faire arrêter ce petit jeu.»
De ses doigts gelés, il avait gratté l’écorce, puis il avait posé l’oreille sur le tronc et poussé un soupir. « Pas un rire. Plus muet qu’une église… »
Il n’avait jamais su les heures que Reba avait passé plus tard dehors, à chatouiller les arbres, espérant entendre quelque chose.
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Éméchées, la tête pleine de rêves illusoires, elles oubliaient leurs larmes de petites filles et dépeignirent un avenir chimérique jusqu’à ce que les lucioles éteignent leurs lumières. Et pour une fois, elle comprirent pourquoi leur père avalait le bourbon comme de la limonade. Ça faisait du bien de faire comme si le monde était merveilleux ; avaler les peurs, engloutir les souvenirs, baisser la garde et profiter, ne serait-ce que l’espace de quelques heures.
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- Vous étiez une nazie ?
- J’étais allemande.
- Et donc, vous souteniez les nazis ?
- J’étais allemande, répéta Elsie. Être nazi est un positionnement politique, pas une ethnie. Le fait que je sois allemande ne fait pas de moi une nazie.
- Mais vous alliez à une de leurs fêtes ?
- J’étais invitée par un officier pour Weihnachten, une fête de Noël. Alors j’y suis allée.
Reba lui lança un regard perplexe.
- Ça n’a rien de différent avec ici, continua Elsie. Vous pouvez aimer et soutenir vos frères, maris et pères, vos soldats, sans pourtant adhérer à la politique qui sous-tend la guerre. […]
- Vous ne pouvez tout de même pas comparer le régime nazi avec les Américains en Irak, c’est totalement différent.
Elsie ne cilla pas.
- Vous savez tout ce qui s’y passe ? Non. C’était pareil pour nous à l’époque. Nous savions que certaines choses n’étaient pas bien, mais nous avions trop peur pour changer ce que nous savions, et encore plus peur de découvrir ce que nous ne savions pas. C’était notre patrie, nos hommes, notre Allemagne. Nous soutenions la nation. Bien sur, maintenant, c’est facile pour des regards extérieurs de porter des jugements, dit-elle en levant les mains au ciel. Donc oui, je me suis rendue à une fête nazie avec un officier nazi. Ce n’étaient pas tous des monstres. Tous n’étaient pas Hitler ou le docteur Mengele. Il y avait aussi des hommes normaux et même des hommes bien. On essayait de vivre. C’était assez dur comme ça.

[…]

Cela fit beaucoup de peine à Riki que, même sur son lit de mort, son père les considère encore, lui et sa famille, comme des étrangers sur une terre hostile. Déterminé à lui prouver qu’il se trompait, Riki avait postulé à un travail de garde-frontière. Il avait montré à son père à quel point il était américain en protégeant ses concitoyens. Personne ne pouvait ainsi mettre en doute son allégeance nationale, quoi que dussent ses origines et ses ancêtres. C’était un compatriote dévoué aux Etats-Unis, un habitant fidèle d’El Paso, au Texas, et il était fier de rester là. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Mais maintenant qu’il entrait dans sa troisième année comme officier des douanes, il en avait vu assez pour savoir que derrière la façade dorée se trouvaient des hommes aux mains calleuses qui tiraient les fils des marionnettes. Il y avait plus en jeu qu’une frontière, les côtés d’une clôture, les Américains contre les Mexicains. Il y avait au Mexique des hommes plus proches de lui que tous les politiciens qui dictaient des lois depuis le Capitole, à des milliers de kilomètres de là.

[…]

Ils n’avaient pas quitté la cellule de détention depuis leur arrivée. Avec une salle de bain propre, des lits et une télévision, c’était le Ritz comparé à la Dodge rouillée. Pourtant, le confort ne pouvait pas remplacer la liberté. Riki avait vu assez d’hommes et de femmes enfermés dans cette cellule pour le savoir. Cela lui faisait mal d’avoir à expulser ces gens, ses frères, comme du bétail, les ramenant à leur ghetto de Juárez sans espoir ni perspectives. Mais c’était la loi, et Riki avait foi dans la loi. Baisse la tête, fais ce que tu as à faire, ne pose pas de questions et tu seras récompensé au bout du compte : même son père croyait en cette philosophie. Au fond de lui pourtant, il se demandait quelle était la place de la compassion humaine dans l’obéissance aveugle.

[…]

Elsie, je t’écris l’esprit torturé par la colère et un désespoir irrémédiable. Je vis avec des démons, alors je dois déjà être en enfer. […] Brigette affirme qu’après avoir bu trop de vin, un Gruppenfürher lui a confié sur l’oreiller que les enfants rejetés par l’association sont empoisonnés, jetés dans le feu et que leurs os sont enterrés avec ceux des juifs exterminés dans les camps ! Oh, Elsie, si ces histoires sont vraies, alors ils sont maudits et finiront en enfer tout comme moi.
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- Vous étiez une nazie ?
- J’étais allemande.
- Et donc, vous souteniez les nazis ?
- J’étais allemande, répéta Elsie. Le fait que je sois allemande ne fait pas de moi une nazie.
- Mais vous alliez à une de leurs fêtes ?
- J’étais invitée par un officier pour Weinachten, une fête de Noël. Alors j’y suis allée.
Reba lui lança un regard perplexe.
- Ça n’a rien de différent avec ici, continua Elsie. Vous pouvez aimer et soutenir vos frères, maris et pères, vos soldats, sans pour autant adhérer à la politique qui sous-tend la guerre. Je le vois tous les jours à Fort Bliss.
Elle s’adossa à son siège.
Reba s’éclaircit la voix.
- Vous ne pouvez tout de même pas comparer le régime nazi avec les Américains en Irak, c’est totalement différent.
Elsie ne cilla pas.
- Vous savez tout ce qui s’y passe ? Non. C’était pareil pour nous, à l’époque. Nous savions que certaines choses n’étaient pas bien, mais nous avions trop peur pour changer ce que nous savions, et encore plus peur de découvrir ce que nous ne savions pas. C’était notre partie, nos hommes, notre Allemagne. Nous soutenions la nation. Bien sûr, maintenant, c’est facile pour des regards extérieurs de porter des jugements, dit-elle en levant les mains au ciel. Donc oui, je me suis rendue à une fête nazie avec un officier nazi. Ce n’étaient pas tous des monstres. Tous n’étaient pas Hitler ou le docteur Mengele. Il y avait aussi des hommes normaux et même des hommes bien. On essayait de vivre. C’était déjà assez dur comme ça.
Elle laissa échapper un soupir.
- Vous avez assisté à des actes de violence ou de barbarie sur des juifs ? demanda Reba en bafouillant légèrement, ne sachant comment formuler une telle question.
- Oui et non, répondit Elsie en plissant les yeux. Quelle différence ? Vous ne saurez jamais la vérité. Si je vous réponds non, est-ce que cela fera de moi une meilleure personne ? Innocente de tout ce que vous comprenez de l’Holocauste et de l’Allemagne nazie ?
Mais si je dis oui ? Cela fait-il de moi une méchante ? Est-ce que cela gâche ma vie entière ?
Elle haussa les épaules et poussa une miette au sol.
- Nous nous racontons tous des mensonges, sur nous-mêmes, notre passé, notre présent. Nous imaginons que certains sont minuscules, insignifiants et d’autres énormes, compromettants, alors qu’ils reviennent tous au même. Seul Dieu en sait assez pour pouvoir juger nos âmes.
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