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EAN : 9782413025252
506 pages
Delcourt (07/08/2019)
4.34/5   25 notes
Résumé :
Mero House. "Merrow", comme le miaulement d'un chat. Un chat noir qui descend l'escalier d'incendie et regardeà travers les fenêtres les habitants du petit immeuble. Il y a la femme abandonnée et son perroquet. Il y a la logeuse et son plumeau. Il y a l'écrivain et sa femme, qui ne sortent jamais, prisonniers de leur appartement pour d'obscures raisons. Il y a Ange, le musicien qui joue et chante ses poèmes dans la boîte de jazz, de l'autre côté de la rue. Il y a la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, écrite et illustrée par Dave McKean, parue à l'origine sous la forme d'une série de 10 comics publiés de 1990 à 1996.

L'histoire s'ouvre avec un prologue constitué de 4 récits différents des origines du monde, 4 variations sur la création du monde par Dieu. Il s'agit de textes, illustrés par des compositions graphiques entre peintures et collages.

Le récit en bande dessinée commence page 28, avec un chat dont la silhouette se détache contre la Lune, qui descend du toit en passant devant les fenêtres d'un bâtiment appelé "Meru House" et abritant des appartements. le chat observe les activités de chaque locataire. Puis Leo Sabarsky (un artiste) arrive dans le quartier cherchant Meru House. Il rencontre Joffrey, un simple d'esprit s'étant construit un mobile représentant les planètes du système solaire dont il s'est coiffé en guise de couvre-chef. Après une discussion à sens unique, il demande son chemin à un sans-abri. Il pénètre enfin dans Meru House, et tente de se faire comprendre de, la logeuse dont les propos trahissent une forme de logique déconcertante. Leo Sabarsky est un artiste peintre à la recherche de l'inspiration, d'une nouvelle motivation artistique. Il va rencontrer Jonathan Rush (un écrivain devant se cacher), Angel (un musicien de jazz) et Karen qui habite un appartement dans l'immeuble d'en face.

Dave McKean est un artiste à part entière qui s'est fait connaître dans le monde des comics par ses collaborations avec Neil Gaiman (Violent Cases, La comédie tragique ou la tragédie comique de Mr Punch, ou Signal / Bruit), et pour ses couvertures époustouflantes de la série Sandman.

Quand le lecteur ouvre "Cages", il commence par être un peu déçu parce que Dave McKean n'illustre pas ce récit par le biais de ses compositions complexes mêlant dessins, peintures, photographie et infographie, mais à l'encre, pour des dessins assez dépouillés, avec une esthétique de surface peu séduisante. Il n'y a qu'une vingtaine de pages réalisées à l'infographie, soit un très petit nombre par rapport à ce récit de près de 500 pages. En outre, ces dessins à l'encre ne sont rehaussés que par une seule couleur, un gris (entre gris acier et gris souris) assez froid.

Il faut donc avoir envie pour commencer cette lecture conséquente. Passés les 4 contes de la création du monde, le lecteur découvre quelques personnages (une dizaine) dont 3 principaux (les 3 artistes), des rencontres entre des individus au comportement parfois étranges, des moments de la vie quotidienne, des conversations banales, et quelques réflexions sur la créativité et les oeuvres artistiques. Il s'agit donc d'un roman sur quelques facettes de l'existence, dépourvu de péripéties, au rythme un peu indolent. Les personnages sont plutôt sympathiques, mais ils gardent tous une part de réserve, une forme de distance.

C'est vrai qu'à la première lecture, "Cages" semble hermétique avec beaucoup de séquences gratuites sans rapport avec le fil conducteur et sans grand intérêt. Il y a par exemple le soliloque de la logeuse (de la page 162 à la page 175, puis de 187 à 202), dont l'esprit divague passant du laveur de fenêtre à la vaisselle, à son expérience de vendeuse, son mariage, la disparition de son mari. La regarder faire la vaisselle à la main pendant une page n'a rien d'intéressant ni visuellement, ni par rapport au récit.

De temps à autre, McKean recourt à des symboles ou des visions oniriques, et là encore le lecteur éprouve de réelles difficultés à déterminer leur sens. Ainsi pages 65 à 71, la façade de Meru House se retrouve enserrée par les os d'ailes de créatures surnaturelles et démesurées sans explication. Angel (le musicien) explique qu'il est capable de tirer de la musique de cailloux en les frottant, comme il est possible de faire chanter un verre à pied en frottant doucement son rebord. Là encore, le lecteur veut bien prendre cette information au premier degré, mais le rapport avec le reste n'apparaît pas. le summum est atteint avec le sans abri (de la scène d'ouverture) déclarant page 325 : j'ai complètement perdu l'intrigue, exprimant à merveille l'impression du lecteur. La scène au cours de laquelle un personnage s'exprime de manière confuse en montrant des mots écrits sur des bouts de carton laisse le lecteur perplexe sur le sens de ce mode de communication, au sein de cette scène à la fois drôle et irréaliste.

Il faut donc de la patience pour s'immerger dans la narration de McKean, et découvrir au hasard d'une page, un élément éclairant, une explication. Ainsi page 255, Leo Sabarsky se définit comme un peintre topologique néo réaliste, explicitant son propos en indiquant qu'il dessine les gens comme il les ressent même si le dessin qui en résulte semble faussé. le lecteur comprend que McKean parle de lui-même, ce qui explique ces visages asymétriques, un peu de guingois, mais effectivement chargés d'affectif.

De la même manière, au milieu d'une scène onirique (page 347), un personnage du rêve dit de manière explicite qu'un tableau a besoin d'un critique pour interpréter son sens (pourquoi l'artiste a placé un personnage derrière un arbre ?). McKean indique que le lecteur doit faire jouer son sens critique et s'interroger sur ce qui lui est raconté.

Au fur et à mesure, le lecteur constate que le thème principal est celui de l'acte de création. le lecteur perspicace l'aura compris dès les 4 versions de la création du monde placé en tête d'ouvrage. Il convient donc d'envisager chaque scène comme se rapportant à l'acte de création. Ce point de vue ne permet pas de tout déchiffrer (pourquoi la petite fille porte un masque page 144 ?), mais il fournit la clef de compréhension principale.

Dave McKean a donc réalisé un roman graphique sur la création artistique. Il s'agit bien d'un roman dans le sens où le lecteur partage la vie de plusieurs personnages. Il est possible de détecter de ci de là de rares ressorts romanesques, tels que les 2 gardes du corps de Jonathan Rush, l'absence de soucis matériels des personnages, ou le manque d'asservissement à leur travail. Il ne s'agit que de rares éléments ; pour le reste le lecteur côtoie ces personnages comme des individus réels, les découvrant au travers de leurs paroles, de leurs interactions avec les autres, de leurs actes. Seules une ou deux séquences oniriques viennent donner un éclairage supplémentaire sur leur vie intérieure.

Avec presque 500 pages, Dave McKean a toute latitude pour aborder le thème de la création artistique sous tous les angles qui l'intéressent. Ce qui impressionne et déroute à la lecture, est que McKean n'est jamais dogmatique ou coercitif dans sa façon de s'exprimer. Il laisse les personnages au premier plan, charge au lecteur d'interpréter leurs paroles ou leur comportement au regard de l'acte de création. le lecteur doit garder à l'esprit que McKean a composé son ouvrage, il n'y a pas de scène arrivée par hasard ou jouant les bouche-trous pour étoffer la pagination.

Du coup, le plaisir de lecture dépend de l'investissement et de l'implication du lecteur dans son interprétation, de sa capacité à se mettre en phase avec les personnages, avec le ressenti de l'auteur. Certains éléments parlent plus que d'autres. Il est par exemple assez facile de reconnaître en Jonathan Rush, un hommage à Salman Rushdie, auteur des Les versets sataniques (1988) et désigné comme la cible d'une fatwa par l'Ayatollah Ruhollah Khomeini. McKean ne se lance pas dans un pamphlet politique ; il préfère creuser la question de l'artiste qui se voit privé de ses sources d'inspiration. À nouveau il ne s'agit pas d'une réflexion de type intellectuelle, mais d'un ressenti émotionnel et affectif. Il sonde également le rapport entre l'inspiration de cet artiste et sa relation avec sa femme, dans une prise de conscience aussi feutrée que cruelle. Dans ce moment intime, le lecteur peut apprécier à quel point l'étrange concept de dessiner juste (même si c'est laid ou anatomiquement contestable) est maîtrisé par McKean et très expressif.

En fonction des séquences, le lecteur sera amené à considérer une facette ou une autre de l'artiste en train de créer. McKean propose 3 approches différentes au travers de 3 artistes différents : Leo Sabarsky cherchant à saisir la personnalité intérieure des individus, Jonathan Rush écrivain intellectuel plus intéressés par les idées et les concepts (par l'identification des schémas), ou Angel plus mystique. le volume de ce roman graphique permet à McKean d'aborder ce sujet de nombreuses manières. Il peut établir une preuve patente que tout peut alimenter la création littéraire, même la logeuse faisant la vaisselle. McKean a recours à un dispositif narratif relevant du théâtre : il montre cette dame en train de soliloquer tout en effectuant sa tâche ménagère. le lecteur peut voir apparaître les expressions fugaces sur son visage ; McKean capture les apparitions ténues de la personnalité de cette femme attirant l'attention du lecteur sur le fait que le quotidien dans toute sa banalité recèle la saveur des individus, pour peu que l'observateur se donne la peine de réellement regarder.

À l'opposé de ce moment ordinaire sans éclat, McKean arrive aussi faire partager les sensations les plus délicates au lecteur. Par exemple, pages 241 à 253, Leo et Karen prennent un verre attablés dans un bar, sur fond de musique jazz, en faisant connaissance. Au travers de dessins de plus en plus expressionnistes se délitant en simples traits jusqu'à en devenir abstraits, McKean installe le lecteur dans l'intimité de ces 2 personnes se découvrant et appréciant leur conversation.

En déroulant un récit de longue durée avec de nombreuses approches, McKean indique au lecteur qu'il conçoit sa vocation de créer et la réalité de manière complexe, en la considérant sous plusieurs angles, pas forcément tous compatibles entre eux. Cette façon de présenter son point de vue participe à la déroute du lecteur à qui il revient de hiérarchiser ces différentes façons de voir. À nouveau il a l'impression de participer à une conversation, d'être un acteur de sa lecture au travers de l'interprétation qu'il fait des séquences. Il a la liberté de ne pas partager le point de vue de McKean (le chat comme lien entre les individus, capable de percevoir une réalité plus complète que celle perçue par l'être humain), d'y confronter sa propre expérience de la vie. Malgré un rythme indolent, McKean couvre un large territoire thématique connexe à la création artistique. Il évoque aussi bien la part du hasard dans la vie humaine (ce morceau de recette de ratatouille récupéré par les pigeons puis par Angel), que l'asservissement volontaire de l'individu à sa profession (le déménageur littéralement écrasé par le poids d'une caisse).

À l'évidence, le lecteur n'est pas en mesure de déchiffrer ou décrypter tous les symboles conçus par l'auteur. Une séquence livre la clef de l'interprétation du visage humain surimposé à la tête de chat. Par contre, le masque sur le visage de la petite fille reste lettre morte, ou encore la similitude entre le rêve de la logeuse et le portrait chinois de Karen qui semble orienter le lecteur vers la notion de cycle, et de vie stéréotypée.

Au fil des pages le lecteur se familiarise avec les personnages qui gagnent tous à être connus, apprend à apprécier l'humour délicat de McKean (les 2 personnes âgées commentant les performances d'Angel, qui finissent par évoquer Statler et Waldorf, les 2 vieux du Muppet Show). Il apprend également à détecter l'adresse élégante avec laquelle McKean utilise le vocabulaire et la grammaire graphique : du figuratif à l'abstrait en passant par l'expressionisme, qui peuvent être imbriqués dans une séquence admirable de fluidité et de naturelle quand Karen contemple les nuages pour y détecter des formes (un exemple de paréidolie). Il s'imprègne peu à peu de la philosophie de vie de l'auteur.

McKean n'assène pas des vérités absolues et prêtes à l'emploi. Ses personnages finissent par énoncer leur conviction en une courte phrase qui conceptualise et synthétise ce qu'ont montré plusieurs séquences. Il n'y a pas de révélation fracassante sur le sens de la vie, juste des convictions sur des thèmes philosophiques comme le besoin naturel de l'individu d'identifier des schémas, ou l'importance vitale de créer, le développement de la capacité d'un artiste au fur et à mesure que passe les années (en forme de spirale).

Sans pédanterie, sans pontifier, McKean propose au lecteur de découvrir son approche de la vie par l'entremise d'un roman graphique qui a la particularité de nécessiter d'être activement interprété. Il annonce dès le prologue qu'en tant que créateur, il estime que son oeuvre est un peu décevante, pas à la hauteur de son ambition de ce qu'il avait imaginé qu'elle pourrait être en la concevant avant de la réaliser (déclaration empreinte d'humilité énoncé par le Dieu d'un des 4 récits de la création du monde).

McKean a la prévenance d'expliquer son titre "Cages" dans le cours du récit. Il estime que chaque individu est en butte à ses propres limites qu'il subit ou qu'il s'impose. En tant qu'artiste, son ambition est de repousser ces limites, de sortir de cette cage (quitte à se retrouver dans une plus grande), en créant, en sortant de son cadre de référence, en quittant sa zone de confort.

Cette forme de narration est aussi sophistiquée que risquée. Il faut que le lecteur accepte de se prêter au jeu du dialogue, se familiarise avec le rythme lent du récit, accepte les méandres de la conversation. Certains passages restent hermétiques faute de culture commune entre l'auteur et le lecteur. D'autres séquences se prêtent à des interprétations multiples, voire le lecteur peut ressentir l'impression de projeter un sens sur des images ou des propos qui n'ont pas été voulus par l'auteur. Il est tentant de se dire que la pension et ses pensionnaires sont autant de symboles représentant les différentes particularités de la personnalité du personnage principal, que les éléments concrets du récit sont autant de métaphores de la vie intérieure du personnage... mais il n'y a aucune certitude qu'il s'agit bien de l'intention de l'auteur.

"Cages" est une oeuvre ambitieuse, unique, à haute valeur artistique, respectant son lecteur et attendant sa participation. Elle n'est pas exempte de défauts, mais ses qualités l'emportent largement.
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Cages, roman graphique de Dave McKean, je suis tombée dessus dans une librairie, l'ai feuilleté et ne m'en suis plus décollée jusqu'au moment où le libraire me dit d'une voix on ne peut plus polie : C'est l'heure de la fermeture, merci.
Je l'ai payé et suis sortie.
Pourquoi tellement happée ? Pour 1001 raisons que je vais partager avec vous :
Le titre, la couverture, la magie des lignes et des couleurs, le tissage des factures, savant et harmonieux, et ô combien surprenant en même temps: dessin, peinture, photo, collage, art numérique et le passage d'une cage, non d'une case à une autre qui contredit la cage tout en lui laissant l'isolement, la solitude, l'interrogation solitaire des grands comme des petits, de dieu, quel qu'il soit, et du chat, ça va de soi. Une atmosphère !
Une allégorie sur les mystères de la vie, où des vies se rencontrent, s'enlacent, se séparent, le mystère de la création, toute création, tout ce qui prend vie, sur une toile, dans le ventre, dans le jardin, dans un nid, dans les nuages, sa conception, sa gestation, son accouchement, son cheminement, sa fin. Mais il n'y a pas de fin.
Et l'histoire ? Il n'y a pas d'histoire non plus, ou alors il y en a plusieurs imbriquées, sans commencement, sans fin. Un artiste arrive dans une ville et y rencontre des gens étranges, et il y a un chat noir qui, telle une caméra en travelling latéral , rend visite à tous. Un bâtiment à plusieurs appartements, à Londres. Ça a l'air simple et c'est tout son contraire ! Fenêtres sur cour, tout voir, ne rien voir, imaginer avec et sans danger.
Le mystère et la complexité vont ensemble à plusieurs niveaux du dessin et du sens de la compréhension. Un voyage sans destination, une musique sans partition, une curiosité sans objet, un plaisir tout entier.
La composition est magistrale, les dessins ont la force, le rêve, l'expression et l'épure et les photos y trouvent leur place comme si elles avaient poussé naturellement, le tout crée un style évocateur, une vision intrinsèque, une atmosphère à sentir et pas à définir, une pièce musicale bien plus qu'une histoire, un forage en soi, un regard sur l'ensemble et un autre sur le détail, le texte et le dessin se répondent, se complètent, sont complices. Même que souvent la ligne, magistrale danse des lignes et des ombres, dit chut au texte qui s'y plie de bon gré.
Et les dessins m'entraînent, me transportent d'une cage/case à une autre, d'une énigme à une autre, des histoires en abîme, une sorte d'oignon qui ajoute à chaque fois une feuille à sa collection et toutes se font écho, un arrangement orchestral où les cuivres répondent aux cordes, les basses aux aiguës dans un ensemble sans fausses notes, et dont l'harmonie ne s'offre pas facilement, faut entrer dedans.
Une pointe surréaliste, le texte copine avec l'humour simple et naïf, festoie avec les mythes, visite Kafka et Beckett, passe un moment dans l'atelier de Schiele, s'effraie mais ne fuit pas devant certaines grandes gueules révoltées, violentes et intolérantes, le sens a une très longue portée.
Réalisme magique et métaphysique, ça pourrait sembler un peu trop, ce ne l'est pas, car le dosage est finement travaillé et ajusté pour que l'harmonie s'y retrouve sans corset et mon plaisir aussi, immense ; les ombres ne font pas peur, les cages non plus, même s'il s'agit de sortir des petites pour entrer dans de plus grandes et très noires.
Charlie Parker, John Coltrane et Miles Davis y trouveraient leur musique, le jazz "wild and free".
Livre dense, riche, toile somptueuse de 1000 petits détails, aucun superflu, de larges coups de brosse enveloppant nos craintes, nos joies, nos peines et nos malheurs, dans une spirale qui tourne à l'infini, revient sur elle-même de temps en temps pour s'élancer après au-dessus des toits, vers les nuages et leur sourire sans réponse. Un voyeurisme, comme voyage intérieur, au delà des masques qui cachent à peine, au delà d'une simple curiosité, dans un effort de compréhension, dans une envie de dialogue, à la recherche d'une relation, ou d'un lien avec l'autre, tâche ardue, avec peu d'adhérents, mais la récompense est sans prix quand l'âme trouve sa nourriture et quand le masque tombe.
Un livre sur le créateur et sa création et si sa création est l'homme eh bien ce n'est pas toujours une réussite, plutôt un gâchis, c'est ainsi, et les nuages continuent à filer et l'homme n'en est même pas conscient.
La création possède, à son insu ?, une étonnante et souple discipline face à l'incertitude et elle en fait une amie, contrairement à la discipline de fer de tous ceux qui ne croient pas que l'incertitude existe.
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Écrire une critique sur ce roman graphique, c'est un peu comme le serpent qui se mord la queue, le sujet même du livre est sa propre critique, d'ailleurs, une mise en abîme apparaît régulièrement au fil des pages.

Un immeuble habité par différentes personnes, on passe de l'un à l'autre de ses habitants, un peintre en mal d'inspiration, un écrivain vivant caché, la concierge, un musicien, une femme qui a perdu son mari… et un chat de gouttière qui semble faire le lien entre tous ces personnages, passant d'un appartement à lautre. J'ai eu en tête "La vie, mode d'emploi” de Georges Pérec. On semble déambuler autour de ce microcosme, abordant des sujets divers, le sujet de la création artistique, son accueil vis à vis du public, la vie, les relations, tout un univers à dénicher au fil des pages. je vous conseille l'analyse de Présence, :
« du coup, le plaisir de lecture dépend de l'investissement et de l'implication du lecteur dans son interprétation, de sa capacité à se mettre en phase avec les personnages, avec le ressenti de l'auteur. »

Les clés sont à trouver vous même, la plus évidente, c'est la référence Salman Rushdie avec le personnage de Jonathan Rush, mais il y en à tout un trousseau, il m'en reste surement encore beaucoup à découvrir. c'est une “oeuvre ouverte” selon la définition d'Umberto Eco. Elle prendra des aspects variés suivant les différentes lectures. Assez hermétique, mais plutôt réjouissant, nous invitant à la réflexion.

Le graphisme participe à cette réflexion : brut et anguleux, en noir, agressif et vif, agrémenté dune couleur comme en bichromie, parfois certaine vignettes sont une peinture en soi, parfois la couleur vient ponctuer, devenant même l'opposé de la sècheresse du graphisme général, évanesçant, brouillé, mêlé parfois de photos. Parfois les formes tendent vers plus d'abstraction, le graphisme évolue au fil des doutes, des questionnements.

Je crois que je n'arriverai pas à en dire plus, il n'y a pas vraiment d'histoire, il y a “DES” histoires, certaines triviales, d'autre sensible, d'autre encore fantastique. Dave McKean nous offre ses doutes, ses questionnements, à nous d'y coller les nôtres.

J'ai adoré, mais c'est totalement subjectif.
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Pour moi, Dave Mc Kean c'était juste le créateur des somptueuses couvertures de la série "Sandman", ainsi que l'artiste de renom qui avait réussi à faire ressortir la folie ambiante de l'asile d'Arkham de façon magistrale. A présent, c'est devenu le génie qui a créé "Cages", car cette intégrale est une véritable tuerie, un OVNI du neuvième art que je classe parmi les oeuvres qui m'ont abandonné bouche bée, sans voix et conscient d'avoir lu quelque chose d'exception.

Cette brique de 500 pages invite à suivre les habitants d'un immeuble pour le moins insolite. Les trois personnages principaux sont Leo Sabarsky, un peintre en mal d'inspiration, Jonathan Rush, un romancier obligé de vivre cloîtré, et Ange, un musicien de jazz qui sait jouer de tous les instruments, même des pierres. le quotidien de ces trois artistes baigne dans l'étrangeté et permet de croiser d'autres personnages pour le moins bizarres. de cette botaniste qui fait pousser une forêt entière dans son appartement à cette ménagère paumée qui se raccroche avec nostalgie à un quotidien sans perspectives, en passant par un homme nu qui tombe du ciel ou un type coiffé de planètes et d'étoiles miniatures, l'auteur s'amuse à croiser ces nombreux destins, alors qu'à travers les fenêtres un mystérieux chat noir observe toutes les scènes d'un air intéressé. Et Dieu dans tout ça ?

A travers ces personnages, leurs craintes, leurs aspirations, leurs doutes et leur détresse, Dave Mc Kean se lance dans une réflexion personnelle sur l'Art et sur la difficulté d'en faire. C'est avec beaucoup d'intelligence et sans prétention qu'il philosophe sur la création, celle d'artistes en tous genres, mais également celle de Dieu. Et au final, cette oeuvre parle de nous, de notre place dans l'univers, des cages que l'on se construit, de la vie, de la mort, de la liberté, de la religion, de la solitude, de l'espoir, de l'amour et de l'Art sous toutes ses formes.

Cette oeuvre extrêmement dense, qui dévoile toute sa richesse au fil des pages, est également portée par un graphisme qui multiplie les styles et les formes avec une virtuosité déconcertante. Passant d'un dessin en bichromie assez simple à des peintures abstraites, de photographies retouchées à des montages ingénieux, Dave Mc Kean remet constamment son art en question, repousse ses limites et imprègne chaque planche d'une émotion propre, d'un langage artistique qui se place au diapason du texte. du grand art !

"Cages" est un véritable bijou, une oeuvre forte, belle et intelligente, le genre de claque qui fait réfléchir et laisse sans voix !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
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j'avais acheté ce livre à sa sortie, j'ai mis deux ans à le lire, et j'en avais absoluement tout oublié. Relectrue, donc, de ce qui fut peut-être le premier "gros" graphic novel à avoir atteint nos conntrées. Avant cela, Maus avait réussi l'exploit d'être manqué par tous les éditeurs de bande dessinée, sans exception, et des livres comme Watchmen ou V comme Vendetta restaient injustement confoiné dans la case superslibard.
Cages fut le pionnier dans le champ des grahic novels gargantuesques, il me semble
avant From Hell, Jimmy Corrigan, Blankets (ah-ah)
Avec le recul, maintenant qu'il est débarasser de l'encombrante étiquette du livre qu'il faut admirer pour ce qu'il représente, parce qu'il est le premier, parce qu'il est monumental, parce qu'il a secoué les habitudes, qu'en penser ?
Des gens essayent de fuir des cages, d'autres s'y réfugient, des chats passent et repassent et les angoisses créatrices y sont explorées à travers les personnages d'un écrivain (alter-égo de McKean ?) ostracisé pour un livre scandaleux (un écho de Salman Rushdie ?), d'un peintre qui n'arrive pas à créer et un jazzman mystique pour qui la création semble presque aussi naturelle que respirer.
Il y a des fulgurances dans cages, des scènes puissantes et sublîmes. Et il y a des longueurs, des moments qui vous arracheraient presque le livre des mains. Cages est un livre ambitieux, qui part un peu dans tous les sens, atteint parfois cet improbable équilibre parfait, mais se révèle aussi parfois profondément bancal. Inégal, imparfait mais parfois très juste et malgré tout important.
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critiques presse (1)
Sceneario
07 août 2019
Delcourt nous propose ici, enfin, une très belle nouvelle édition, avec une toute nouvelle couverture, une belle occasion de redécouvrir cet époustouflant volume, un objet rare, une œuvre indiscutable. De ceux qui laissent songeur, une incroyable démonstration de polyvalence...
Lire la critique sur le site : Sceneario
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
And all this pious misery in the name of your psychopathic God. You're all mad ! Waging bloody and tireless wars against everyone who doesn't share your fear of life, finding secret obsenities in any honest word while you try and drown your own obsene desires with defeaning prayers. Well, you've got your own way. You can go back to your hysterical Church and put sacks over your heads, and bind and gag each other. Put a cloth-peg on your dick and a cork up your ass, and offer your purity to that idiot God you've invented. But when you're righteously fingering each other in the choir loft, remember that I know. You may be able to keep your nasty little secrets from Him, but not from me.
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"Héhé... La peur de la liberté, Léo. Nous sommes tous des oiseaux enfermés dans une jolie cage. Parfois, on s'envole dans une autre cage un peu plus grande, mais on n'a jamais le courage d'abandonner complètement la captivité."
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Chapter 3
Drawing a blank

The Permanent White, whithout a fight,
let the brushes, such as they were,
rather dog-eared,
a bit of a sight,
mix and match the colors. "Right,"
said Michelangelo.
"What are you inside?"
And the paper replied,
"Sod off, you spick!
I'm white and perfect
I'm lightly textured,
I'm cumuli, ivory, Tuscany walls.
Intrinsically natural,
I'm equadrilateral.
If you're going to mark me
you'd better be worthy
can you really improve me?
Have you got the balls?"
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- I'm not interested in a Heaven that's so damn sure of itself.
- That's ridiculous. You mean you've been playing the game of life all these years, and now you can see the answers, and you're not going to have a look ? Even if it's just to see if you got them right ?
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Nothing's really added up.
I mean... it's not even been a a two-and-two-make-five sort of day, it's more like a two-and-two-make... fish... or something...
You know ? Not even close to making sense.
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Lire un extrait
Videos de Dave McKean (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dave McKean
Dave McKean, l'un des plus importants artistes du comics britannique, rejoint le catalogue de Futuropolis ! Véritable prouesse visuelle et narrative, Raptor vous entraînera dans deux mondes, celui de Sokól et celui d'Arthur. Deux mondes entre la vérité et le mensonge, la vie et la mort, la réalité et l'imaginaire.
Musique : Prélude en La mineur, Op. 28 No. 2 par Frédéric Chopin Narrateur : Olivier Mayer
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