Je n'ai rien lu de cet auteur, et je le découvre à travers ce projet littéraire un peu particulier : dresser le portrait de chacun de ses parents "de l'intérieur", c'est-à-dire à travers le regard à la fois critique et dépassionné du fils.
Pas bien glorieux, tout ça, on comprend sans peine que cette enfance n'a pas été très drôle, entre une mère sèche comme un pruneau et un père déchiré par les erreurs qu'il n'assume pas.
Pourtant c'est plus subtil, ces portraits robots ne sont pas rédigés avec la hargne de l'ado revanchard, mais avec la volonté adulte de se montrer juste.
Impitoyable, on n'est pas obligé d'aimer des parents qui ne suscitent pas l'affection, mais pourtant le contact est entretenu lorsqu'ils vieillissent et que l'auteur se détache de ces racines. Et le portrait de sa mère ne sera publié qu'après sa mort, bien des années après son écriture.
C'est donc très humain.
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Les égards qu'on lui témoigna devinrent la maladie de la famille. C'était la raison de l'échec de ce qui, dans une relation, peut être naturel et lumineux. Les égards qu'on lui témoigna virèrent de plus en plus à l'hypocrisie. L'hypocrisie chronique - un poids psychique - renforçait l'hypocrisie de cet homme affaibli envers lui-même. Lui ôtait toute chance de se connaître. Les années vacillaient sur une accumulation souterraine de non-dits. La vie commune virait à une farce dont la sinistre paralysie ne l'atteignait pas. Tout franc-parlé déclenchait un malaise cardiaque. Il fallait éviter les malaises cardiaques.
Mon père, chapitre 5 page 76-77