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David Fauquemberg (Traducteur)
EAN : 9782864246077
436 pages
Editions Métailié (01/03/2007)
3.94/5   63 notes
Résumé :
1919. Sibérie. Le long de la voie du Transsibérien, Jazyk occupée par une légion tchèque, attend l'offensive des rouges. La ville est dominée par une secte religieuse sous la conduite de Balashov. Arrive Samarin. Il sort de la forêt et raconte s'être évadé d'un bagne et être poursuivi par un cannibale. Anna Petrovna, une jeune veuve, s'intéresse à ce nouveau venu. Un shaman de la région est assassiné et la peur et la folie s'abattent sur la ville. Le pervers capitai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Une tragédie avec une touche de thriller, écrite par un écossais, dans laquelle vont s'entremêler les destinées de personnages hors normes (un bagnard évadé poursuivi, dit-il, par un cannibale, un castrat mystique, une veuve mystérieuse, une garnison de soldats tchèques qui ne savent plus pour qui ils se battent ni pour quoi) au fin fond de la Sibérie pendant la révolution rouge, d'emblée le propos semble atypique. La lecture confirmera cette impression.

Les premiers chapitres, très lents demandent de la patience au lecteur. Ce rythme traînant du début ajoute à la belle musicalité du récit. J'ai été envoûtée par la beauté simple et forte de l'écriture de James Meek, et subjuguée par son talent et sa subtilité de conteur. Ici, pas de description de grandes batailles. Pour rendre compte de la violence de la guerre et des traces qu'elle laisse au fond du coeur des hommes, leur faisant perdre la raison, l'auteur invite à une expérience sensorielle très immersive. On croirait entendre le fracas assourdissant des canons, renifler l'odeur des chairs brûlées, sentir les morsures du froid et de la faim.

Le ton du livre est très singulier. Sans qu'aucun élément surnaturel n'intervienne, il se dégage du récit une atmosphère fantastique. de ce point de vue, l'ambiance du roman m'a fait penser, même si le contexte est très différent, au très bon film "Vorace".
Samarin est un personnage marquant, fascinant, presque séduisant mais très inquiétant. Dès qu'il apparaît un sentiment diffus de malaise s'empare du lecteur. A l'image de l'histoire drôle qu'il raconte au début :

Un assassin emmène une fillette dans les bois, la nuit. Il fait noir, les arbres gémissent dans la brise, personne d'autre dans les parages. La fillette dit à l'homme : "j'ai peur". L'assassin lui répond : "tu as peur ? Mais c'est moi qui vais devoir rentrer tout seul à la maison"

Le paysage est presque un personnage à part entière. L'immensité enneigée de la toundra semble oppressante, comme s'il s'agissait d'un huis-clos.
Meek dessine son récit en trois couleurs. Les blancs, les tsaristes, se battent contre les rouges, tandis que les hommes, perdus dans ces luttes incessantes et ces grands paysages sauvages, ressemblent à des points gris.

A travers les destinées passionnantes des personnages, Meek évoque également la destinée de la révolution. Derrière l'idéal des révolutionnaires, des hommes et des femmes mûs par une révolte bien légitime face aux inégalités de la Russie tsariste et qui rêvent d'un monde meilleur, transparaissent déjà les germes du totalitarisme futur. Finalement, les injustices perdureront (le bagne deviendra le goulag, le culte des personnalités politiques remplacera l'église, les richesses seront encore accaparés par quelques uns) car les hommes, eux, ne changent pas. Cet aspect du roman, lucide, désespérant, est déchirant.

Je suis prête à parier qu'au fil des ans ce magnifique roman va acquérir le statut de classique.
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Allez savoir pourquoi, je repense à ce roman qui n'est pas russe, mais écossais, et très bien traduit par David Fauquemberg.

1919. La guerre contre les Allemands est terminée et une révolution est en marche. Une guerre différente. le genre de guerre où on ne sait jamais qui est dans quel camp."L'ancienne guerre, contre les Allemands et les Autrichiens, c'était nous contre eux.Maintenant, ce serait plutôt nous contre nous."

La Sibérie, quelque part entre Omsk et Krasnoïarsk, le long du Transsibérien, Jasyk, dont les habitants ne savent de l'évolution de la guerre que ce que le télégraphe, qui fonctionne rarement, veut bien leur transmettre.
Dans cette petite ville, la légion tchèque, une centaine d'hommes partis de Prague en 1914 commandée par un capitaine qui rêve de royaume , Matula.
L'autre partie de la population de cette ville est composée d'une secte de castrats, et leur guide spirituel est un ancien lieutenant de hussards,Balschov parti à la guerre en laissant femme et enfant derrière lui, et déclaré disparu.
De la forêt sort un homme, que l'on a déjà croisé étudiant dans le premier chapitre du livre. Il s'appelle Kyrill Ivanovitch Samarin. Dit s'être évadé du bagne appelé le Jardin blanc et être poursuivi par un cannibale.

A ce stade là du livre, je me suis dit que cet écrivain avait vraiment beaucoup d'imagination.......Et bien pas vraiment, il l'explique en post-face.
La secte russe des castrats , malgré la répression subie de la part des autorités soviétiques a survécu pendant toute la première moitié du XXème siècle.
La Légion tchèque a bien occupé une partie de la Sibérie, et ne l'a quittée qu'en 1920
Et enfin....
"Des documents attestent de l'existence de la pratique consistant ,chez les évadés des bagnes russes puis soviétiques, à emmener avec eux un compagnon naïf en guise de nourriture. L'un des articles du Manuel du Goulag de Jacques Rossi , intitulé Vache ( "Korova") débute par ces mots:
"Personne choisie pour être mangée; ne se doutant de rien, tout criminel inexpérimenté ,invité par ses aînés à s'évader avec eux, est prêt à remplir cette fonction...Si, au cours de leur fuite, les évadés se retrouvent à court de vivres et sans aucun moyen de ravitaillement, la "vache sera égorgée......"

Ce roman raconte l'histoire de cinq personnages, Samarin , Matula et Balschov donc, mais aussi Joseph Mutz, lieutenant juif de l'armée tchécoslovaque, et Anna Petrovna, qui a débarqué un jour avec son fils pour des raisons mystérieuses.
Et tous attendent les troupes révolutionnaires.Thème classique, on attend les tartares, les barbares, ici ce sont les Rouges. Et dans l'attente, la tension monte et chacun se dévoile. Enfin, non, il y a un menteur.
Nous sommes en 1919, et les propos du chef du canton deviennent prophétiques:
"Nous avons été trop indulgents. Trop gentils. Nous avions trop peur de la populace , des sans-grade, alors que c'est eux qui auraient dû nous craindre. Quand tout ce chaos sera terminé et que nous aurons renvoyé chez eux les étrangers, nous saurons quoi faire. Peu importe qui sera au pouvoir, un prince de sang ou un marxiste, du moment qu'il est russe et que les paysans ont peur de lui comme ils auraient dû avoir peur de nous. La crainte les éblouira comme une lumière vive ,un soleil de peur s'élevant au matin ,une peur réchauffant leur dos l'après midi, une peur électrique les illuminant tout au long de la nuit, une peur claire et resplendissante, si bien que même si le nouveau dirigeant vient à mourir pour être remplacé par une autre mauviette, la terreur ne les quittera pas,eux, leurs enfants et leurs petits enfants. Même quand l'origine de la peur aura disparu, ils continueront à la chercher du regard, ils ne pourront vivre sans elle."

C'est un éblouissant roman d'action, une réflexion politique mais également un livre dans lequel est minutieusement analysé ce que l'on nomme amour. Et actes faits sous prétexte d'amour...



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Ce roman puissant met en scène un décor glacé le long de la voie du Transsibérien, dans lequel évoluent des personnages d'une intensité rare.
Nous sommes en 1919, une légion de soldats tchèques dirigés par l'odieux Matula et son lieutenant, l'aimable Mutz, occupe le village de Jazyk
Anna Petrovna, apparait comme une séduisante veuve, volontaire et courageuse.
On saura pourquoi elle évite Balashov, l'étonnant chef d'une secte de castrats qui se considèrent comme des anges.
Le prisonnier, Samarin, se révèle un conteur séduisant mais inquiétant.
D'autres personnages secondaires dégagent eux aussi une forte présence.
Au cours de la lecture, les rebondissements m'ont happée, malgré la dureté du récit, le froid de la Sibérie, la faim, le dégout … Il est question de guerre civile, de fanatisme religieux, de cannibalisme et autres horreurs. Pourtant, j'ai aimé me laisser surprendre par le récit effectivement terrible. J'ai adoré ces phrases magnifiquement construites, surprenantes elles nous incitent à les relire pour en savourer la profondeur, l'humour, la délicatesse de l'écrivain. Je suis contente d'avoir enfin lu ce livre que j'avais acheté il y a longtemps, alors que nous étions sous le charme d'une conférence de son auteur.
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Amour, goulag et transsibérien : un roman mêlant aventure, amour et une dose de suspense au temps de la révolution bolchevique.

Le temps se prêtait à ça : plonger dans un livre au souffle puissant, tourner les unes après les autres avec délectation les pages d'une histoire dense. Fin fond de la Sibérie, 1919, le long de la ligne du transsibérien. le petit village de Jazyk est occupé par une troupe de l'armée tchèque désorientée, qui attend, sous la férule du féroce et ambitieux Matula, le jeune commandant, une attaque des rouges révolutionnaires. le village est dirigé par une secte de castrats mystiques, avec à sa tête l'énigmatique Balashov. Une jeune photographe, veuve, et son fils, vivent là, à part, depuis 5 ans, venus de très loin, pour on ne sait quelle raison. Un soir surgit Samarin, révolutionnaire échappé du goulag et poursuivi par un cannibale. Plusieurs drames vont alors se déclencher, les liens des uns avec les autres se préciser, dans un tempo assez serré et théâtral, les actions se cantonnant au village de Jazyk et ses alentours immédiats (même si des flash back éclairent certaines situations) et se déroulant sur 3 jours environ. A travers des personnages forts (Samarin le révolutionnaire, Balashov le mystique, Matula l'assoiffé de pouvoir, Mutz le lieutenant moral et Anna Petrovna, la passionnée), en éclairant les choix qui nouent les destins de ces personnages, c'est l'amour et ses multiples formes qu'explore James Meek.

Dans un style assez classique, vif et élégant, non dénué d'humour ; mêlant aventure, mystère, situations romanesques, violence, contexte historique ; alliant profondeur et légèreté, Un acte d'amour est un roman ample, visuel, rythmé, mené avec un talent de conteur incontestable. Et du même, lisez sans hésiter le Coeur par effraction
Une blague racontée à un moment par le révolutionnaire Samarin peut illustrer le ton global du roman :

"Un assassin emmène une fillette dans les bois, la nuit. Il fait noir, les arbres gémissent dans la brise, personne d’autre dans les parages. La fillette dit à l’homme : « j’ai peur ». L’assassin lui répond : « tu as peur ? Mais c’est moi qui vais devoir rentrer tout seul à la maison »"
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Malgré un titre à l'eau de rose, ce roman de choc montre à merveille combien une guerre doublée d'une révolution peut être le déclencheur de prises de conscience variées, de comportements atypiques, de révélations intimes. La Sibérie en 1919 en est le théâtre remarquable où se côtoient une légion tchèque, une secte de castrats, un bagnard cannibale, des éléments avancés de l'Armée rouge, une pseudo-veuve et son jeune fils, et même un chaman, tous au coeur d'un village perdu au fin fond du grand nord russe.
James Meek y campe un microcosme bigarré, perturbé et dévasté avec le talent d'un conteur digne des grands écrivains russes. Il est pourtant britannique mais a saisi avec une acuité formidable les méandres de l'âme slave. Son style reproduit à merveille la fièvre qui dévore ses personnages, l'atmosphère quasi envoûtante qui sourd de ces rapports humains à la fois angoissants et ambigus. Quant au paysage, il est plus qu'un simple décor, il joue un rôle de premier plan et renforce la tension de cette intrigue qui lorgne du côté du fantastique.
Ce roman est de ceux dont on garde longuement le souvenir comme celui d'un moment étrange, dépaysant et précieux.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La mère d'Anna était terrifiée, bien au-delà des larmes, par la colère de sa fille.
La silhouette était celle d'un policier. Il demanda à Anna comment elle pensait qu'une jeune fille puisse se promener seule en ville avec un appareil photo et se mêler à la vermine la plus vile, la plus indécente et la plus déloyale à l'insu des autorités. Il ajouta que seuls des efforts surhumains de sa part avaient permis de substituer la simple destruction de l'appareil à une arrestation, un procès et un exil plus que probable.
Au cours de la nuit, quand tout le monde fut couché, Anna sortit dans le noir avec une lanterne. Quatre heures durant elle chercha dans la cour la plaque sur laquelle était imprimée l'image du cavalier. Elle ne la trouva pas. Elle ramassa le mécanisme qui contrôlait l'ouverture de l'appareil et l'emporta avec elle dans son lit, où elle passa une partie de la nuit à tendre vers la lune l'iris métallique. Elle en déployait les rabats, les refermait, si bien que tour à tour elle tenait entre ses doigts un intense point lumineux puis, l'instant d'après, distinguait la surface du satellite dans ses moindres détails.
Trois ans plus tard, Anna et le hussard se marièrent. Le banquet des noces se tint dans une clairière à l'orée de la ville où les officiers du régiment rivalisèrent d'adresse devant les invités, ramassant au grand galop des foulards posés sur le sol, chevauchant debout sur leur selle, tranchant d'un coup de sabre des melons posés en équilibre sur une perche.
En fin d'après-midi, le colonel du régiment confia à Anna :
- Madame, votre mari est un cavalier-né. Il monte à cheval comme ces Tartares qu'on attachait à califourchon sur des poneys avant même qu'ils ne sachent marcher. Il manie le sabre mieux qu'aucun soldat de la garde. Les recrues le suivront les yeux fermés. Pourtant, je me demande si vous ne seriez pas capable de le persuader d'épouser une autre carrière. Ce serait chose aisée pour une femme de votre beauté. Je ne voudrais pas être co
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En même temps, il avait compris comment les contradictions, les ambiguïtés et la force de ce livre pouvaient attirer ceux qui ne se satisfaisaient pas du monde tel qu'il était et surtout, de sa caractéristique la plus harassante : son perpétuel changement. Ils y trouvaient un univers immuable qu'ils pouvaient opposer au monde réel. Pour ceux-là, la Bible était inépuisable; ce qu'on ne comprenait pas exigeait d'être lu et relu à l'infini; ce qu'on comprenait, on revenait sans cesse y puiser une vérité éternelle quand tout au dehors n'était que ténèbres et chaos.
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Mutz se mit à genoux pour recueillir dans le creux de sa paume un petit tas de neige . Il se releva, enfonça la langue dans la poudre froide. Les cristaux de glace lui blessèrent le palais, leur goût le pénétra au plus profond. Mutz le petit garçon et Mutz l'homme mûr se reconnurent mutuellement, et l'espace d'un instant une joie si intense l'envahit qu'il eut de la peine à rester debout.
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La route était large mais les maisons de bois noires étaient pressées les unes contre les autres, comme si leurs habitants avaient voulu s'entasser sur un îlot, comme si les espaces infinis de la Sibérie étaient un océan qui risquait de les engloutir, ou de les rendre fous, s'ils ne restaient pas assez proches pour pouvoir s'étreindre dans la tourmente.
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Quand tout ce chaos sera terminé et que nous aurons renvoyé chez eux les étrangers, nous saurons quoi faire. Peu importe qui sera au pouvoir, un prince de sang ou un marxiste, du moment qu'il est russe et que les paysans ont peur de lui comme ils auraient dû avoir peur de nous. La crainte les éblouira comme une lumière vive, un soleil de peur s'élevant au matin, une peur réchauffant leur dois dans l'après-midi, une peur électrique les illuminant tout au long de la nuit, une peur claire et resplendissante, si bien que même si le nouveau dirigeant vient à mourir pour être remplacé par une autre mauviette, la terreur ne les quittera pas, eux, leurs enfants et leurs petits-enfants. Même quand l'origine de la peur aura disparu, ils continueront de la chercher du regard, ils ne pourront vivre sans elle.
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Videos de James Meek (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de James Meek
À l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs à Saint Malo, James Meek vous présente son ouvrage "Vers Calais, en temps ordinaire" aux éditions Métailié.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2596896/james-meek-vers-calais-en-temps-ordinaire
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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