L’amante
Tant que la neige éclairera l’hiver,
Tant que le jour alternera
Avec la nuit qui le chasse et le fuit,
Tant que la rue s’emplira de rumeurs,
Et tant qu’entre ses rives coulera
Le Saint-Laurent irréfutable où passe
Ma ville parmi les nuées, je serai tien
Plus qu’au corps n’appartient l’ombre.
Mais nous passerons comme la neige,
Comme la lumière et les ténèbres,
Avec cette ville et son fleuve.
Le verger perdu
Il n’est plus une enceinte où je pénètre.
Le jour n’y verse plus la lumière
Qui coule dans la rue.
Ni que diffuse la fenêtre. Le silence
D’une autre solitude que l’absence
Y recueille une autre rumeur que l’été.
Mais il n’est pas un lieu sans lieu, un espace
Sans espace, ni un temps sans cours,
Puisqu’il déploie autour de ton vrai corps
L’aube qui me suscite.
Septembre
Soir au soleil lent,
Je suis venu à toi
Par tout un jour de patience
Pour trouver l’orme
Où l’automne commence;
L’été persiste au cœur plus
Vert que juin et forêt mais
Autour de nous promet
Le rien ainsi qu’un ciel
Crépusculaire plus
Illuminé que midi et raison prépare
Le noir qu’approfondiront
Les étoiles froides.
Lieu
Chemin vers la lumière, cette absence :
Le seuil du jour où le noir
Se défait, où la clarté
N’est pas encore. Seul ce froid.
Ce rien n’est pas dans l’exil mais le seul lieu
Où être. Ce rien sans mémoire.
Sans l’herbe, sans la voix lactée,
Sans les nuées, sans la vibration
Du bleu dans les feuilles.
L'amante (II), Robert Mélançon
lu par l'auteur