Citations sur La ville des prodiges (24)
Sans dissimuler son orgueil, il lui montra aussi les travaux du stade. Cette construction, ajoutée après coup au plan général, avait une surface de 46 225 mètres carrés et était destinée aux manifestations sportives, expliqua le marquis. Depuis que l’idéologie fasciste s'était répandue en Europe, tous les gouvernements encourageaient la pratique du sport et l'assistance massive aux compétitions sportives. Avec cette mode, les nations essayaient d'imiter l'Empire romain, dont elles prenaient les usages pour anachronique modèle. C'était maintenant les victoires sportives qui symbolisaient la grandeur des peuples. Le sport n'était plus dorénavant une activité des classes oisives ni un privilège des riches, mais le mode naturel de détente de la population urbaine ; politiciens et penseurs y voyaient un moyen d'améliorer la race.
La nuit, chez lui, enfermé dans sa bibliothèque, entouré de centaines de livres qu’il n’avait pas l’intention de lire jamais, il fumait des havanes et se souvenait avec nostalgie de ces nuits déjà lointaines passées à faire la bringue, quand lui et Odon Mostaza, dont il regrettait désormais la mort, voyaient l’aube pointer à travers les fenêtre embuées d’une maison close, entourés de bouteilles vides, de reste de nourriture, de jeux de cartes et de dés, de femmes nues qui dormaient pelotonnées contre les murs et de vêtements épais dans toute la pièce, épuisés et heureux, avec l’innocente griserie de la jeunesse.
aussi avait surgi, […], un quartier du plus mauvais aloi, le plus mal famé de Barcelone. On y trouvait des théâtres offrant des spectacles osés et sans esprit, des tavernes crasseuses et agitées, une fumerie d’opium de bas étage, à quatre sous (les bonnes étaient dans la ville haute, près de Vallcarca), et des bordels sinistres. Là se rendaient seulement des prostituées, des proxénètes, des rufians, des contrebandiers, des délinquants. Pour trois sous, on pouvait passer contrat avec un voyou et pour un peu plus avec un assassin. La police n’entrait dans la zone qu’en plein jour et uniquement pour parlementer ou proposer un échange. C’était comme un Etat indépendant ; on en était venu à émettre des billets à ordre qui circulaient comme de l’authentique papier-monnaie ; il y avait aussi un code particulier, très strict ; on rendait une justice sommaire et très efficace : on ne s’étonnait pas de rencontrer de temps en temps un pendu se balançant au linteau de la porte d’un lieu de plaisir.
Après la corrida, ils allaient boire de la bière ou du vin rouge avec de l'eau gazeuse dans les bars autour des arènes.
Comme tous les barbiers de son temps, Mariano arrachait aussi les molaires, faisait les emplâtres, posait des sinapismes et des cataplasmes et pratiquait des avortements.
Gaudi vivait désormais seul dans la crypte de la Sagrada Familia provisoirement transformée en atelier, entouré de statues colossales, de fleurons de pierre et d'ornements qui, faute de fonds , ne pouvaient être installés à l'endroit prévu, il dormait là sans ôter ses habits de tous les jours ;il respirait cet air imprégné de ciment et de plâtre. Finalement , il fut écrasé par un tramway électrique ...Hommage à Barcelone !
Le voyageur qui arrive pour la première fois à Barcelone remarque vite où finit la vieille ville et où commence la nouvelle. Les rues sinueuses deviennent droites et plus larges ; les trottoirs, plus spacieux ; de grands platanes font une ombre agréable ; les constructions ont plus d'allure ; beaucoup s'étonnent , croyant avoir été transportés magiquement dans une autre ville.Sciemment ou non, les Barcelonais eux-mêmes cultivent cette équivoque : en passant d'un secteur à l'autre, ils paraissent changer de physique, d'attitude et de costume. Il n'en fut pas toujours ainsi ; cette transition a son explication, son histoire et sa légende.
L'Exposition universelle resta ouverte jusqu'au 9 décembre 1888. La clôture fut plus simple que l'inauguration : Te Deum à la cathédrale et brève cérémonie au palais de l'Industrie. Elle avait duré 245 jours et été visitée par plus de deux millions de personnes.Le coût de sa construction s'était élevé à 5 624 657 pesetas et 56 centimes. Certaines installations purent être récupérées pour d'autres usages. Le solde de la dette fut énorme et pesa sur la municipalité de Barcelone pendant de nombreuses années. Demeura aussi le souvenir de journées de splendeur et l'idée que Barcelone, si elle le voulait, pouvait devenir une ville cosmopolite.
- A quarante-quatre ans, on revit toujours les choses au moins pour la seconde fois, dit-il en montant dans la berline blindée qui devait le conduire à Montjuich.
Tu te souviens de quand nous nous sommes connus, Delfina? Je ne parle pas du moment où nous nous sommes connus, mais de l'époque. C'était l'année 1887, l'autre siècle, tu te rends compte: Barcelone était un village, il n'y avait ni lumière électrique, ni tramways, ni téléphone; c'était l'époque de l'exposition universelle. Tu sais qu'on parle déjà d'en faire une autre? Peut-être ce serait l'occasion de recommencer,cer nos folies, qu'en dis-tu?