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EAN : 9782330048846
183 pages
Jacqueline Chambon (01/04/2015)
3.5/5   6 notes
Résumé :
Conçu comme une réflexion sur l'attraction qu'exerce le mal aussi bien chez les victimes que chez les bourreaux, ce roman inquiétant décline, sous l'apparence d'un thriller, un abécédaire des formes modernes de la terreur.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

« Débacle » de Ricardo Menéndez Salmón, traduit par Jean-Marie Saint-Lu (2015, Jacqueline Chambon, 188 p.) commence comme une enquête policière, répartie sur trois chapitres. Sauf que dans la première partie « Mortenblau », dont on comprendra la signification du nom que bien plus tard, on en est déjà à huit cadavres, ou plutôt « Il n'y a que huit chaussures. / Seulement huit, oui. / Et il n'y a que huit corps. / Que nous sachions, oui. / D'accord ». Il y a donc du serial killer dans l'encrier. Fétichiste en plus puisque chaque victime est délestée d'une seule chaussure, double d'hommes par rapport aux femmes. Pas moyen non plus de les revendre, elles sont toutes du même pied.
Sans doute, s'agit-il d'une spécificité des Asturies d'où est originaire l'auteur. Quand on sait qu'en plus, il est licencié en philosophie de la Universidad de Oviedo et qu'il a reçu plus de 40 prix littéraires, dont le prix Juan Rulfo en 2003 et le prix de la nouvelle courte Casino Mieres en 2006 pour « La Nuit Féroce » traduit également par Jean-Marie Saint-Lu (2020, Editions Do, 122 p.). C'est aussi une histoire de meurtre, par une nuit de neige et de froid, dans le village de Promenadia, près de Gijon, dans les Asturies. Homero, instituteur est invité chez un fermier, son épouse, une jeune fille enceinte, un enfant écolier et un autre enfant, idiot.
On est à l'aube de la guerre civile, cet hiver 1936. Les temps sont durs, les paysans sont pauvres. Seul un notable, Irizábal, propriétaire d'un grand domaine, fait montre d'obscène opulence. C'est dans ce contexte qu'une chasse à l'homme s'organise dans le village pour retrouver le ou les assassins d'une fillette, Aguirre, massacrée et jetée dans un puits. le groupe des chasseurs organisent des battues. Deux visiteurs, venus d'ailleurs, ont été aperçus dans les environs. « Dans les petits villages, l'enfer est toujours grand ». Il le sera effectivement, le groupe des chasseurs en quête de justice ont décidé de punir le crime quoi qu'il en coûte.
Se superposent aux villageois, l'instituteur, qui s'affiche comme « bolchevique », ainsi que les autres hommes du village, dont le prêtre, déterminé à « s'ériger en justice, en seigneur ». La raison contre le goupillon. Les premiers mangeurs de petits enfants, je tairai l'utilisation qu'en ont fait les second.

« Débacle » décrit la façon dont l'effroi entre parmi les humains, et s'insinue même dans les couples. le roman est en fait constitué de trois histoires successives dans lesquelles on retrouve les principaux personnages, Manila, sa femme qui ronfle, l‘Inspecteur et ses hommes « Olsen, le plus maigre, Gudesteiz le gros qui louchait ». Pauvre Manila qui en a l'estomac tout retourné « Il vomit dans les toilettes, très raide, comme si on lui avait mis un balais dans l'anus ». Mais bon c'est le métier, non pas qui rentre, mais qui ressort. Un peu plus loin « Olsen était en train de vomir ». Puanteur d'un « cadavre de cinq, six jours tout au plus »
Il faut dire que la profession côtoie souvent la mort. « le cercueil, de couleur noire, était poussé par deux hommes à casquette et extraordinairement soignés ». Jusque-là, rien d'anormal, mais la phrase suivante me laisse rêveur. « Il y avait dans la façon dont ils étaient rasés quelque chose que Manila trouvait inquiétant, comme s'ils l'avaient fait non pas avec des lames mais avec des guillotines ». Voilà une application que le bon docteur n'avait pas envisagée. Mais il est vrai qu'à l'époque, on ne se rasait point, on se poudrait. C'était bien avant de découvrir la différence entre la tangente et la sécante.
le chapitre suivant « le monde sous le capuchon du fou », avec son titre prêtant à contrepèterie verse vite dans la philosophie. « de même que, lors de la grande peur de l'an 1000 prolifèrent superstitions et prophéties de toute espèce, l'euphorie de l'an 2000, euphorie qui se révéla bien vite vaine et même absurde, offrit, tout autour du globe, un éventail nourri de ces parcs qui célébraient la plasticité de la culture et la polyvalence du talent humain ». Et parmi ces parcs d'attractions, il y a Corporama, « né à Berlin pendant l'été 2003 pour célébrer le corps humain dans chacune de ses manifestations ». Puis, « deux mois plus tard, son clone se transporta à Promenadia ». Nous y voilà. Par chance le clonage s'est passé sans heurts, ni interversion dans le titre du parc, qui aurait pu donner lieu à ne plus savoir où mettre les pieds. Et c'est là que les trois étudiants, Humberto, Hugo et Menezes passent leur matinée.
Par contre, apparait un groupe qui se surnomme « Les Arracheurs » et qui « tels Bakounine et Netchaïev dans la doulce Suisse qui jadis fut un asile pour tous les illuminés de la Terre, les Arracheurs venaient de rédiger leur « catéchisme révolutionnaire ». Vilains copieurs du « Catéchisme du révolutionnaire » écrit en 1868, à quatre mains par les deux révolutionnaires russes qui s'étaient réfugiés à Genève. Même si Karl Marx lui-même a prétendu à propos de Netchaiev que « Toute l'histoire de Netchaïev n'est qu'un abominable mensonge. Netchaïev n'a jamais été détenu dans une prison russe, le gouvernement n'a jamais tenté de le faire assassiner ». Qui ment à propos de qui d'autre, on se rend compte que la révolution russe plonge ses racines, et a fait fructifier ses branches selon une botanique très mensongère. Heureusement que Netchaïev a été repris par Fiodor Dostoïevski dans « Les Démons ». Cela a permis à Ricardo Menéndez Salmón de le placer dans « La Nuit Féroce », comme livre de chevet de l'instituteur, Homero dit « le bolchevique ». « de l'autre côté du cahier, entre la bougie de spermaceti et une petite figurine en bois de santal qui représente une goélette à trois mâts, repose une édition in-octavo des Démons de Dostoïevski ».
Et que préconisent les Arracheurs ? de placer des aiguilles empoisonnées dans la nourriture et de saboter les parcs d'attraction tels que le Corporama. Par ailleurs l'auteur réussi à placer le mot « pygopage » dans son roman. Les deux groupes sont donc à égalité. Pour l'éducation des lecteurs, les siamois pygopages sont des êtres engendrés par la tératologie, ou non, et qui sont réunis en un seul individu dans la région fessière. Toujours utile à savoir pour les fans de Scrabble. « Il en va avec les monstres comme les fous ; en les voyant, les gens ont l'impression d'être meilleurs qu'ils ne sont en réalité ».
Actes de sabotage du parc d'attractions, explosions, bref un certain chaos. « Quand entre l'information A et l'information Z se tendait un réseau de concomitances, d'effets et de causes, de soupçons ».
Et on en arrive à la dernière partie « Parents sans enfants », la plus courte, une quarantaine de pages. Mais où l'on retrouve les personnages, Manilla, Olsen et Gudesteiz, Mortenblau, le Cinquième homme, alors qu‘ils sont six. Avec ce paragraphe, dans une police différente. « le mal trouve sa justification dans son inexistence. le mal n'a pas besoin de preuve ontologique, ni de réduction à l'absurde, ni de foi ni de prophètes. le mal est sa propre expectative / Ma vie m'a appris que c'est le bien qui a besoin de justification. C'est le bien qui demande un pourquoi, une cause, un motif. C'est le bien qui, en fait, constitue la plus profonde des énigmes ». On dirait un extrait du catéchisme révolutionnaire.
Bref, un petit roman, bien ficelé, pas toujours clair dans qui est qui et qui fait quoi, mais agréable à lire.

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Un tueur en série terrorise la ville. Des étudiants nihilistes jouent aux apprentis terroristes et font sauter un centre de loisirs. Mais tout ceci n'est que la façade, l'apparence d'un roman subjugué par le Mal, ceux qui le font et ceux qui le subissent, ce par quoi il s'insinue et se propage. Débâcle, de l'espagnol Ricardo Menendez Salmon, explore les angoisses du monde moderne dans un faux roman noir et policier qui se contrefiche de ses intrigues pour se concentrer sur la perversité ou les angoisses de ses personnages dans un climat glauque et délétère. Divisé en trois parties distinctes qui communiquent entre elles, Débâcle ne convainc absolument pas par son récit mais impressionne par son style qu'il est bien délicat de qualifier. La beauté y côtoie la laideur, les moments tendres ne peuvent faire oublier l'insoutenable réalisme de certaines scènes. Sous prétexte de montrer toutes les facettes du mal, Menendez Salmon se complait parfois dans des descriptions scabreuses. Brièvement, mais tout de même. A travers ce roman aux accents sadiens, l'auteur délivre un message ambigu mais féroce contre la société de consommation. Pour le reste, on ne supputer quelles sont ses intentions les plus profondes. Mais si son but est de créer un malaise persistant, il est atteint. Cela ne fait pas de doute.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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C'est un récit un peu étrange que nous propose Ricardo Menéndez-Salmón avec cette Débâcle, une manière de thriller dont la dimension polar est à la fois présente et effacée. Un récit qui n'est pas sans créer un certain malaise chez le lecteur qui suit les deux principaux narrateur de ce roman noir de noir, un tueur en série particulièrement imprévisible, Mortenblau, et l'un des policiers qui enquête sur l'affaire, Manila, et qui pourrait aussi devenir une victime “collatérale”.

Le malaise vient sans doute de ce qu'il n'y a pas de logique, pas de projet ou d'obsession clairement appréhendable dans les actes du tueur, sa folie meurtrière n'obéit à aucune logique, si ce n'est celle d'une pulsion qui l'effraye lui-même et qui prend la forme d'un lion qui l'envahit auquel il ne peut échapper. Dépourvu de stratégie, saisissant les opportunités, Mortenblau introduit dans la cité une irrationalité monstrueuse et impitoyable qui convoque la peur et la sacralise comme principe vital. Mais comme tout monstre, celui-ci est aussi humain, victime autant que bourreau et incarnation simple, brute et brutale, du mal. le mal, un mot aussi court qu'ancien, tapi au coeur de l'humain et de toutes nos sociétés.
[plus sur le blog filsdelectures.fr]
Lien : http://filsdelectures.fr/blo..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le Mal, avec une majuscule. Un des mot les plus courts, un des plus longs voyages.
(...)
C'est le bien qui demande un pourquoi, une cause, un motif. C'est le bien qui, en fait, constitue la plus profonde des énigmes.
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