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EAN : 9782268001531
227 pages
Les Editions du Rocher (30/04/1989)
4.12/5   13 notes
Résumé :
Marie Métrailler a raconté sa rude existence de paysanne de montagne. Coutumes et légendes des travaux et des jours : toute une vision du monde.

Depuis son village d'Evolène, niché au coeur du Val d'Hérens, Marie Métrailler livre un récit touchant sur le Valais d'autrefois. Avec un discernement, mêlant sagesse et malice, elle évoque ses souvenirs : la rudesse de la vie rurale, les coutumes et les légendes locales, la religion, mais aussi son enfan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans la préface, lettre de Marguerite Yourcenar:
"- Si étrange que ce soit, vous l'avais-je dit dans une première lettre ?- Je considère que cette Valaisanne rencontrée peut-être une demi-douzaine de fois a été un de mes -gurus-; Elle m'a beaucoup appris non seulement sur les traditions de son pays, mais encore sur la vie, je veux dire sur sa manière d'envisager le vie et de la vivre. Plus je vais, plus je constate qu'il y ainsi des êtres dont personne presque ne saura jamais rien, ou qui sont même parfois, comme votre lettre l'indique, en proie à l'ironie ou aux railleurs, et qui sont tout simplement grands, ou purs. Il m'a semblé tout de suite que Marie Métrailler était de ceux-là...."(p.9)

Un ouvrage présent dans ma bibliothèque depuis septembre 1986...offert
pour mon anniversaire... Lu, relu ...et re-re-lu dernièrement en mai 2019...
Une pépite... un livre très lumineux en dépit de la vie très austère et
pénible de cette jeune fille du Valais , issue d'une société patriarcale et fermée sur elle-même, qui a réussi à "faire son chemin", à se battre pour son indépendance financière mais aussi pour s'instruire, même si pour cela, il a fallu affronter le célibat ainsi que l'attitude suspicieuse des gens de son village...!

"On m'a fait chevrer pendant vingt-quatre ans parce que j'étais une femme qui avait des idées qui les réalisait, qui n'allait pas à l'église (...)
Distante ? Non, j'étais timide, personne ne l'a deviné. Une timidité qui remontait à mon adolescence repliée au propre et au figuré. Quand on prive un enfant du contact avec l'extérieur, on l'isole pour toute la vie. C'est une des choses les plus cruelles qui puisse lui arriver: le couper des autres." (p. 45)

Un témoignage d'une paysanne, tenace, courageuse, dans ce monde âpre de la terre et des montagnes où la vie des femmes était des plus dures...où la religion était coercitive, punitive...et omniprésente, dans l'existence des
villageois , mais surtout dans celle des femmes, que l'on contrôlait mieux
de la sorte et que l'on maintenait dans une soumission aveugle !...!

Mais Marie Métrailier, est un exemple hors-pair de courage, d'une volonté
personnelle illimitée d'apprendre, de s'ouvrir à d'autres horizons... Elle eût
très heureusement un modèle paternel positif, un homme curieux , avide de connaissances !
Douée pour la broderie, le tissage, le traitement des tissus... Elle devint tisserande, elle se battit ,monta seule atelier et boutique...enseigna ce qu'elle savait à d'autres jeunes filles...pour leur permettre de gagner leur autonomie financière...

Très difficile de résumer ce livre prodigue et époustouflant, tant j'ai souligné... de passages sur ses lectures, ses émotions, ses curiosités, le récit des légendes, superstitions de son pays valaisan...la mort, l'appréhension de la vieillesse, la transmission intergénérationnelle, ..son célibat, le dialogue avec les disparus, la condition des femmes dans les montagnes du Valais, et ailleurs; la spiritualité, les méfaits des religions, lorsqu'elles se focalisent sur le sectarisme et les attitudes punitives,ses regrets de ne pas avoir réalisé deux de ses passions: le dessin et l'écriture,son amour de la vie et des échanges, etc.
Sans omettre les côtés savoureux de la langue et du vocabulaire valaisan...

Elle fut l'amie du dramaturge René Morax et du naturaliste François-Alphonse Forel.Elle eut également l'occasion de s'entretenir avec Marguerite Yourcenar, qui séjourna à Evolène peu avant la publication des Mémoires d'Hadrien. ...

"On croit toujours quand on voit le déroulement d'une existence comme la mienne, paysanne de montagne, que la vie coule sans événements, sans passions, tout unie au rythme des saisons. Pourtant quels remous dans les tréfonds, quelle rébellion devant des vies sacrifiées-dont la mienne- parce qu'il était normal que l'on sacrifiât les filles; normal qu'elles aient pour tout horizon les repas, le ménage, la campagne, les bêtes, tout, tout...
Normal, ça ? ...On ne pensait pas que ces êtres en pleine formation pouvaient avoir besoin de quelque chose de plus qui s'appelle la gaieté, la joie, la tendresse, un peu de tendresse. "(p.23)

Marie Métraillier se raconte à Marie-Magdeleine, parle avec une grande finesse de ses lectures, comme de ses rencontres, dont celle avec Marguerite Yourcenar , et d'autres personnes de culture...qui lui ouvre à fond les "portes de son quotidien"...

"C'était en 1951, l'année de la publication des -Mémoires d'Hadrien- J'ai vu entrer au magasin une dame petite, assez replète, à la physionomie extrêmement intelligente.. .des yeux incroyablement vifs qu'on n'oublie pas. Elle voulait acheter des tissus. La conversation s'est engagée. elle m'a dit qu'elle écrivait un livre sur l'empereur Hadrien. "Je vous l'enverrai", me dit-elle. elle a tenu parole! Malgré toute cette intelligence qui éclairait son visage, je m'attendais à une oeuvre sympathique, un peu mièvre, comme
on en avait publié ces dernières années sous le label de littérature féminine. En le lisant, je peux te dire que je me suis assise, le souffle coupé. Loin d'être l'ouvrage que j'avais un peu sottement imaginé, ces -Mémoires- étaient le meilleur livre sorti de presse depuis cinquante ans. Je mesure mes mots. J'ai été éblouie: une érudition incroyable, un style sans faille, un sens de l'invisible. Elle m'avait aussi déclaré être littéralement possédée par Hadrien. Ce livre l'habitait depuis de nombreuses années. C'est le sentiment que j'ai éprouvé à la lecture; je n'ai jamais pu dissocier l'idée que je me faisais de cet empereur de la manière dont Yourcenar lui a redonné la vie.
Je n'ai jamais oublié notre brève rencontre. Il y a des êtres qui nous marquent de leur présence. "(p.50)

"Au début du siècle , mon père s'était monté toute une bibliothèque qu'il nous laissait lire. C'était extraordinaire à l'époque. Il s'était aussi abonné à toutes sortes de journaux; de quoi se faire une culture. Compte tenu de ses origines paysannes, il était étonnamment cultivé.
Il s'intéressait à tout, il absorbait tout comme une éponge. Mais il était très seul. Où trouver dans un village des interlocuteurs partageant les mêmes intérêts ? Il avait bien de vieux amis qui venaient le voir et qu'il aimait beaucoup...néanmoins, il avait besoin d'autres contacts qu'il n'a jamais trouvés."

Une personnalité hors des sentiers balisés...qui ouvrit son esprit autant que faire se peut et se battit contre tous les préjugés, bravant ses différences face au village, ce qui dût demander une faramineuse esprit d'indépendance et d'énergie !...

"J'ai épongé la vie

Jadis, les gens s'imaginaient que, dès qu'on ne vivait pas conformément aux habitudes du lieu, on agissait idiotement. Je n'y ai jamais pris garde. Mais ça limite, c'est vrai, ça limite ! C'est comme si on marchait dans d'épaisses toiles d'araignées qui freinent l'élan . ("La poudre de sourire", Age d'Homme/ Poche suisse, 1986, p. 212)"

Excusez l'abondance des citations, mais je n'ai pas pu résister à transcrire quelques extraits, parmi les plus significatifs...

Un titre irrésistible, juste reflet de ce livre-interview-témoignage, lumineux, tonique et riche de multiples enseignements, attitudes devant la vie , les épreuves, et les limites sociales imposées envers les femmes, surtout !!

Ce parcours féminin exceptionnel, très riche humainement et
culturellement m'a fait songer à un autre parcours combatif et
lumineux d'une jeune fille, d'origine paysanne,,, qui devint à force de
détermination et de curiosité intellectuelle, institutrice dans un village
de montagnes [ce parcours féminin se déroule à la même époque:
début-moitié 20e ]...

Je désirais nommer "Une soupe aux herbes sauvages" d'Emilie Carles.
restant dans mon souvenir une lecture des plus dynamiques ...et optimistes, comme cette "poudre de sourire"...qui nous submerge longtemps après sa lecture !...

Je viens de transmettre cette authentique "poudre de sourire" à une amie,
"contaminée" par mon enthousiasme de longue date...Une relecture qui m'a permise une réflexion différente sur l'abondance des changements de nos sociétés et de notre quotidien... des questionnements fort éclairants sur la notion de "Progrès"... technologique , humain... ?? Les limites de
notre Humanité , et des ses dites "évolutions"...? Ce ne sont pas des
nostalgies passéistes... mais les questionnements et le bons sens de
Marie, la tisserande... qui nous remet, même en 2019, à notre juste place,
avec les vraies priorités...à protéger !

Voir "Une soupe aux herbes sauvages" d'Emilie Carles
https://www.babelio.com/livres/Carles-Une-soupe-aux-herbes-sauvages/40444/critiques/559998

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Marie Métrailler raconte son histoire, évoquant la dureté mais aussi la beauté de la vie de paysan de montagne. Elle s'exprime également sur son attachement au patois et à sa richesse, ainsi que sur l'évolution de la société et les droits des femmes.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Tout ce que l'on m'avait dit sur les grandes pièces de bravoure du Louvre m'a déçue; je restais indifférente devant elles. Ce que j'aimais, c'était se découvrir des oeuvres plus secrètes, moins vantées, qui m'apportaient un mystérieux message. Il fallait que ce soit le sentiment qui me porte vers une toile, me détournant d'une autre qu'on disait plus importante. Toulouse-Lautrec m'a fortement émue.
A la sortie, j'ai été arrêtée par...quoi, tu vas rire : par ...des reproductions ! Des reproductions des grottes de Lascaux ! Je n'ai pas pu me tenir; j'en ai acheté une.
(...) Sans doute que je porte en moi un besoin de solidité, le besoin des montagnes, goût d'une certaine affirmation passionnée, peut-être violente. Peut-être est-ce une nécessité que je pose le pied ou le regard sur quelque chose qui résiste, qui ne cède pas, qui vous porte vraiment. (p. 175)
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Ce n'est pas un vain regret; raconter des légendes aux enfants, c'est leur donner une nourriture de l'âme, c'est leur indiquer le chemin de la source intarissable qui est en chacun de nous;
Tu sais, on grandit mal, on évolue imparfaitement, si on ne nous prépare pas dans notre enfance au ...forage, à la descente intérieure. La source vive reste introuvable. Elle restera occultée par une école-bourrage de crâne, par un catholicisme punissif , par tous les gadgets de la presse et de la télévision qui nous ensommeillent au lieu de nous réveiller, qui nous coupent de nous-mêmes, des autres, du Divin, de la véritable religion. (p.92)
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On croit toujours quand on voit le déroulement d'une existence comme la mienne, paysanne de montagne, que la vie coule sans évènements, sans passions, tout unie au rythme des saisons. Pourtant quels remous dans les tréfonds, quelle rébellion devant des vies sacrifiées-dont la mienne- parce qu'il était normal que l'on sacrifiât les filles; normal qu'elles aient pour tout horizon les repas, le ménage, la campagne, les bêtes, tout, tout...
Normal, ça ? ...On ne pensait pas que ces êtres en pleine formation pouvaient avoir besoin de quelque chose de plus qui s'appelle la gaieté, la joie, la tendresse, un peu de tendresse. (p.23)
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Au début du siècle, mon père s'était monté toute une bibliothèque qu'il nous laissait lire. C'était extraordinaire à l'époque. Il s'était aussi abonné à toutes sortes de journaux; de quoi se faire une culture. Compte tenu de ses origines paysannes, il était étonnamment cultivé. Il s'intéressait à tout, il absorbait tout comme une éponge. Mais il était très seul. Où trouver dans un village des interlocuteurs partageant les mêmes intérêts ? Il avait bien de vieux amis qui venaient le voir et qu'il aimait beaucoup...néanmoins, il avait besoin d'autres contacts qu'il n'a jamais trouvés.
Avec ma mère, il parlait peu; ils étaient trop dissemblables. Elle n'était pas du tout inculte, loin de là, mais pour elle tout se résumait à une religion, comment est-ce qu'il faut dire ? ...à une religion classique, une religion punissive
, culpabilisante qui était uniquement un ensemble de règles, de recettes à appliquer correctement.
Quand je fus un peu plus âgée, vers mes 16 ans, je pensais : "c'est une religion de ronds de cuir, ça !" Il n'y a pas d'autres mots. C'est vrai...Une religion à tiroirs, si tu veux, où chaque chose doit être bien rangée...surtout que rien ne dépasse...une religion où il n'y avait rien pour le cœur, ni pour l'esprit. (p.26)
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Tu sais, on grandit mal, on évolue imparfaitement, si on ne nous prépare pas dans notre enfance au ...forage, à la descente intérieure. La source vive reste introuvable. Elle restera occultée par une école-bourrage-de-crâne, par un catholicisme punissif, par tous les gadgets de la presse et de la télévision qui ensommeillent au lieu de nous réveiller, qui nous coupent de nous-mêmes, des autres, du Divin, de la véritable religion. (p. 92)
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Video de Marie Métrailler (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie Métrailler
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : _La poudre de sourire : le témoignage de Marie Métrailler,_ recueilli par Marie-Magdeleine Brumagne, précédé de _lettres de Marguerite Yourcenar de l'Académie française à Marie-Magdeleine Brumagne,_ Lausanne, L'Âge d'Homme, 2014, pp. 179-180, « Poche suisse ».
#MarieMétrailler #LaPoudreDeSourire #LittératureSuisse
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