À vrai dire, même si, comme moi, on a, d'instinct, envie d'aller lire autrement, de ne pas suivre les liens qui, dans le texte, vous renvoient à un autre fragment, aux actes ou pensées d'un autre membre du trio de personnages, on se rend compte assez rapidement qu'il est plus simple d'adopter cet ordre de lecture, qui donne un sens, enfin relativement, mais en gardant toujours le soupçon d'une autre lecture possible, l'envie de contrarier, de revenir, par exemple à l'ordre des pages... juste pour une petite excitation, un possible qu'on néglige – une page à la fin incite d'ailleurs à tenter un autre chemin. On peut aussi essayer de déterminer ce qui, correspondance, présence d'un mot a poussé les éditrices à proposer cet ordre de lecture des fragments.
Ce sera de toute façon circuler sur une crête entre prosaïsme et étrange – enfin, ne sais que dire, si ce n'est que je souhaite à d'autres d'y avancer. Savoir seulement qu'il s'agit d'amour, d'automobiles et d'un vélo, d'immigrés clandestins, d'un accident, d'un garçon dans un sous-sol, et de choses plus extraordinaires comme le cheminement dans un corps...et d'une boîte.
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Lorsqu’un bâtiment lui barre la vue, elle force un peu plus sur les pédales, sans pour autant se soucier de sa direction — le vélo la connaît de toute façon — impatiente d’aller débusquer derrière le béton une autre image aux angles des rues, une bleue avec un paquebot rouge, une bleue semée de voiles blanches, une bleue hérissée de grues et cernée par le port…
Mais c’est bien ça : des hommes hâlent une sorte de grande barque sur le sable. Leur peau noire luit sous la lune, derrière eux clapote une mer nappe huilée, le tableau est saisissant. Leur peau noire jette, lames acérées, des éclats aussi blancs que le blanc de leurs yeux, que le blanc de leurs dents, leurs dents faites pour déchirer la chair crue.
Le fait qu’il soit pas défiguré, ça m’a aidée. Il n’avait pas séjourné longtemps dans l’eau non plus, visiblement. Je l’ai soulevé en glissant mes avant-bras sous ses aisselles et j’ai reculé sur le bloc. Il n’était pas lourd, un corps d’adolescent, mais ma jambe me faisait mal, soudain, j’ai vite été forcée de m’asseoir pour le tirer vers moi, entre mes jambes. Comme ça que j’ai progressé.
Ma voix me revient des multiples recoins de la grotte en de longs échos modulés, sortes de miaulements, on dirait que mon corps héberge des chats par milliers. D’innombrables ouvertures dans la paroi laissent entrevoir des passages vers d’autres salles, sans doute, on imagine des ramifications sans fin, un dédale enchevêtré qui offre des possibilités infinies..
Il y a quelques semaines, des filets aux mailles serrées ont été tendus au-dessus du mont Saint-Clair, il est question de capturer les nuages les jours d’entrées maritimes. L’eau recueillie circulera alors par pipelines jusqu’en Mauritanie, Oualata plus exactement, ville à laquelle Sète est depuis longtemps jumelée.
Dans le cadre de la rentrée littéraire de printemps, Occitanie Livre & Lecture reçoit des auteurs et autrices pour présenter leur récente parution. Juliette Mézenc nous présente son almanach "Cahiers de Bassoléa", aux éditions l'Attente.
Modération Jean-Antoine Loiseau.
Merci à la librairie Sauramps pour son accueil.