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EAN : 9782714471260
176 pages
Belfond (01/09/2016)
3.91/5   17 notes
Résumé :
Roman de la vie contemporaine, Journée exceptionnelle du déclin de Samuel Cramer est aussi, et peut-être surtout, un roman d’amour, amour des femmes, de la poésie, de la vie dont il faut toujours être ivre.
Un roman d’amour fou.

Lui, c'est Samuel Cramer, l'Amiral, l'homme des grands voyages horizontaux et verticaux, l'écrivain qui aime quand « ça a de la gueule », l’observateur de son époque, de sa ville et de ses contemporains, l’homme diffici... >Voir plus
Que lire après Journée exceptionnelle du déclin de Samuel CramerVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Vraiment une sale journée pour Samuel Cramer (alias l'Amiral, alias Sam), un écrivain en mal d’inspiration, qui, après s'être fait larguer par la fille dont il est amoureux, écrit sans conviction sur un nouveau conflit franco–allemand, boit pour oublier et pour finir, a tort de se rendre à une invitation de son éditeur.

Je découvre une écriture énigmatique, alors je suis heureuse de pouvoir, de temps à autre, me raccrocher à des choses tangibles. Mais quand je crois enfin comprendre le sens de tout ça, patatras ! C'est reparti ; la demoiselle reprend des chemins de traverse et me sème encore. Je suis tentée d'abandonner la partie. Pourtant je continue, quelque chose m'envoûte et me pousse à poursuivre ma lecture.

Grâce Babelio et aux Editions Belfond (que je remercie), j'ai rencontré, lors de la présentation de leur rentrée littéraire, Agnès Michaux (et trois autres auteurs). En fait, à l'oral comme à l'écrit, elle est déroutante, intrigante et attachante. Son livre est à son image : il faut un effort et un temps d'adaptation pour comprendre la mise en abyme de la dure réalité d'un écrivain, se laisser porter par la petite musique des mots et pénétrer un monde poétique, mais le voyage vaut le coup.
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Une belle reconnaissance à Babelio et aux éditions Belfond...
pour la rencontre de cette auteure, et traductrice...Une vingtaine de textes publiés entre fictions et essais, sans omettre les traductions, dont deux de Tatiana de Rosnay...

Ce nouveau roman paraîtra vers le 18 août prochain....

Déjà plus d'un mois que j'ai achevé cette fiction qui met en scène 24 heures d'un écrivain, fier d'être un homme des mots... et très vite , cette "journée exceptionnelle" devient pour notre anti-héros le creuset de toutes les failles, doutes et spleen de Samuel Cramer...

Samuel amoureux des mots, de la grammaire, mais aussi des femmes... de la fierté de son métier d'écrivain... au fil du récit de cette journée, les choses s'effritent...Une écriture élégante, tour à tour poétique, caustique, mordante...

Il est question d'un personnage central: un écrivain qui narre ses doutes, ses bagarres avec les mots, l'inspiration , la terreur de la page blanche... ses auteurs de prédilection: Marguerite Duras, Michel Houellebecq, Hölderlin, Melville....

Tous les ingrédients étaient là pour me plaire, capter mes propres passions, enthousiasmes pour l'écrit, les mots, la littérature... Et sans que je puisse me l'expliquer vraiment , j'ai pris, certes , beaucoup de plaisir à cette lecture... tout en restant à l'extérieur...au bord, tout au bord, sans pouvoir
m'immerger complètement dans l'univers d'Agnès Michaux...


Je renouvelle le plaisir et le grand intérêt ressentis lors de la présentation dans les locaux de Babelio, de quatre auteurs édités par Belfond, qui présentaient chacun , leur nouveau roman en avant-première. Merci de tout coeur aux éditions Belfond et à Babelio. Cela m'a permis de lire pour la toute première fois Agnès Michaux... Ma curiosité à son encontre a été nourrie et lancée par cette première fiction que je lisais d'elle.

J'ai donc ajouté à mes autres envies de lectures de cette auteure: "Codex Boticelli", "Dictionnaire misogyne", "Le roman de Venise" et "Zelda", une biographie romancée de Zelda Fitzgerald, parmi les curiosités les plus impatientes !!!

Je clos ces lignes par un extrait qui me plait beaucoup, significatif du noyau central thématique de ce roman: les mots, l'écriture... ; roman que je pense relire très vite... car j'ai comme la sensation de ne l'avoir saisi que trop imparfaitement et partiellement...


"Tôt, les livres m'avaient pris tout le coeur et l'esprit, le corps même. En famille, une phrase souvent entendue semblait, pour les adultes, résumer et expliquer tout : " Il a parlé avant de savoir marcher".
Personne ne soupçonnerait jamais quelle terrible maladie s'était signalée dans ce fait. La concentration ultime de tout mon être vers cet unique objet qu'était la lecture me donnait, dans mes rapports avec autrui, une apparence de grande douceur, n'ayant aucune énergie à placer dans les conflits ou les discussions sans importance. (...)

Puis l'écriture me prit. Ma vie ressemblait enfin à ce que j'en
attendais depuis ce jour où, en lisant, j'avais senti la présence
du mot, le compagnonnage sans question entre moi et le verbe.
La grammaire me parlait depuis toujours comme une
mathématique. Comme une métaphysique." (p. 100)"


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Journée exceptionnelle du déclin de Samuel Cramer : le titre m'a interpelée.

Qui est Samuel Cramer ?

Agnès Michaux a emprunté son nom à l'unique roman (novella) de Baudelaire, La Fanfarlo, délicieux texte sur les jeux de dupe du couple et de l'amour. Elle lui a emprunté une partie de son identité, qu'on retrouve sous forme de clins d'oeil : la couleur rouge est un fil conducteur féminin dans les deux textes (le Samuel de Baudelaire finit d'ailleurs par écrire un livre sur la symbolique des couleurs… lorsque son déclin est consommé), l'amour et la création littéraire entretiennent des rapports conflictuels, et les auteurs du 19ème siècle sont autant de fils conducteurs du texte contemporain.

Mais aussi, dans le texte d'Agnès Michaux, la femme de sa vie, Dawn, l'appelle l'Amiral « parce qu'elle avait eu, un jour, le goût de [ses] voyages ». Dans les yeux de tous les autres, il est Samuel Cramer : l'écrivain au nom baudelairien, qui a notamment écrit l'histoire de la guerre de 2014-2018. Et dans ses yeux à lui, il est Sam : « le plus intéressant », mais aussi, « le plus secret ». Sam, c'est lui, mais c'est aussi celui auquel il ne sait plus comment accéder.

Pourquoi est-il sur le déclin ?

Encore une question compliquée : qui dit personnage triple, dit trois réponses !

L'Amiral va mal : Dawn sa compagne, celle qu'il aime encore, l'a quitté. Elle n'a pas supporté qu'il ne participe pas aux démonstrations d'émotion collective après le 7 janvier 2015. Enfin ça, c'est la goutte d'eau, etc… parce que si l'Amiral a paru anesthésié, c'est certainement parce que Samuel Cramer va mal, lui aussi ! Et on le comprend : il doit supporter de lire dans les yeux des autres que ses livres « ne marchent plus », tout comme son homonyme dans La Fanfarlo de Baudelaire, « tombé bien bas » à la fin de l'histoire. Même quand les autres, c'est son éditeur, qui est du bon côté de la barrière dans le grand jeu dont les auteurs, les « saltimbanques », sont les perdants. Dans ce contexte, comment Sam pourrait-il être encore accessible aux deux autres… « Sans doute serait-il juste de dire que, d'une certaine façon, Sam est mort. »

Alors pourquoi passe-t-il une journée exceptionnelle ?

Ah, enfin une question simple ! Exceptionnellement, il doit se rendre à une soirée de remise de prix, bien qu'il sache que ce ne sera pas lui le lauréat.

Mais alors, dans quel sens cette journée va-t-elle être exceptionnelle ? Est-ce qu'elle stoppe son déclin, ou est-ce qu'elle le précipite ? le livre n'est pas un roman à suspense, mais pourtant, on se demande jusqu'au bout qui est celui qui survivra, de l'Amiral ou de Samuel Cramer, et si Sam renaîtra.

Drôle de journée… au cours de laquelle Samuel prend le temps de discuter avec Michel (Houellebecq, qui vient d'écrire Soumission), et de réaffirmer quel auteur il veut être, ou plutôt ce pas être : « je ne veux pas être un écrivain sans issue » pour que finalement, « la mort échappe au tragique ». Nous y voilà ! Comme dans tous les livres qui font leur chemin en nous, le thème est toujours le même : comment mettre l'angoisse de la mort à distance par les mots ? J'ai lu le livre d'Agnès Michaux il y a plusieurs mois, et depuis, j'y reviens régulièrement et il fait son chemin en moi.
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« couché sur le ventre du sable du monde, je regarde
ta bouche qui trace le chemin.Ton rythme a pris mon
pas, tu sais où nous allons. Tu sais mon adoré, ma
saison préférée, Tu sais ma vie, mon amour, mon
été ». Agnès Michaux.
« Ces mots là, c'est le soleil en face » .
Les miroirs sont beaux chez Agnès Michaux.
Très beaux. Les reflets ne le sont pas moins.
Ils sont également exceptionnellement... précis.
La poésie ? Là-bas. Là où il y a la mer.
C'est peut juste en face.
En face qui nous semble si loin.
La faute à qui ? À ce qu'effacent les vagues.
La musique contre le tumulte. On la respire.
La nuit conte sa démesure.
On ne voit pas toujours ce qui s'écrit là devant nous
parce qu'il y a la brume ; Un nuage rouge de brume.
Ce qu'on projette , nous éclaire mais nous aveugle
parfois.
Comme le soleil, celui d'en face.
Il y a l'écrit. Qui est derrière l'écrit...
On écrit, ça écrit, ce qui est devant l'homme écrit,
ce qui est derrière lui le pousse à écrire..
Quelqu'un a écrit ça. L'homme est assis.
Dedans : Sa vie ou ce qu'on en rêve.
Ce qui nous en restera ce : qu'il en donnera.
Devant : ce qui nous parvient : Un écho.
Autour : ce qui s'écrit.
Le reste : ce qu'on en comprendra.
C'est un roman comme on aime en recevoir.
Les livres qu'on aime voir écrits on les reçoit.
C'est comme ça.
Parce qu'il n'y a pas d'évidence dans ces mots là.
Un je labyrinthique.
Jamais une mise en abyme.
Et c'est en cela que ce roman est une réussite.
L'exercice était difficile.
Connaissez vous l'expérience de Brunelleschi ,
elle date de 1425 …
Une expérience où le miroir, le jeu du miroir est
nécessaire pour obtenir la perspective exacte.
Agnès Michaux a reussi l'expérience.
Voyez bien ce qui est écrit derrière tout cela.
Réalité, identité, vérité...
Un je. Un autre jeu.
Il y a de grands miroirs chez Agnes Michaux, il y a de
grands poètes , et on y entend l'intelligence du
monde …
Lorsque que la perspective est en « je » , les lignes
bougent.
Ce n'est pas étrange, c'est ce qui est écrit.
Depuis toujours. Depuis le premier mot.
Le premier verbe.
C'est toujours ce qui se produit. Ce qu'on cherche à
lire.
Quand le monde pense ses perspectives , le monde
change son axe.
C'est dangereux, périlleux
Le temps devient mouvement.
Rupture... On tombe devant un miroir qui se brise ou
ou çela vous traverse.
Lecteur ou auteur celles et ceux qui connaissent la
musique aimeront décliner cette journée
exceptionnelle avec Sam, et les maux de l'amiral, et
la poésie d'Agnes Michaux.
Samuel Cramer c'est peut être Baudelaire...
ou comme disait le grand Leprest c'est peut être
Mozart…
Ce n'est pas si grave, on reconnaît toujours les
siennes. Cherchez bien... c'est ce qu'on lit.
Sans oublier les siens .. mais pas n'importe qui.
Pas pour n'importe quoi.
Il y a une bonne raison à tout cela.
Jeu de miroir, je de masques, je thème et tu me
« bless ».
Écrire c'est aimer.
Sinon c'est la mort.
Ça tient à ça les mots sinon c'est illisible.
On en fait pas tout un drame.
Non c'est la vie, la vie c'est une tragédie.
Alors on prend le meilleur.
Et on en rit sans parti pris et même si on perd la
partie.
Et avec ça ? C'est la guerre ! La plume au fusil !
« On dirait que...On dirait qu'on écrirait comme on
vit, on dirait qu'on ferait pas semblant, on dirait
qu'on est des géants, on dirait que tu tombes, on
dirait que t'es pas mort... »
Tellement occupé à écrire qu'on en oublie de mourir.
Oui cette journée particulière fait exception à la règle.
Se sentir « effroyablement vivant » , derrière un
nuage rouge, mais tenant l'aube de son vivant.
Livre à miroir, à tiroir, à facettes.
Une vraie découverte pour moi. Une rencontre.
J'aime ce roman. Lorsque que l'élégance d'un Cramer
rencontre l'intelligence d'une Michaux ,
ça ne fait pas des ronds d'eau...,
ça se lit, et ça se dit.
Alors même si j'ai l'esprit qui déborde trop souvent de
la soucoupe comme disait Virginia Woolf,...
écoutez bien ce qu'on vous écrit : Lisez ce livre !
Merci aux Éditions Belfond, ainsi qu'à l'équipe de
Babelio.com de m'avoir permis de découvrir « la
journée exceptionnelle du déclin de Samuel Cramer »
d'Agnès Michaux, et ceci à l'occasion de la
présentation du programme de la rentrée littéraire
de leur maison.

Astrid Shriqui Garain

Lien : https://dutremblementdesarch..
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C'était en septembre à Nancy. Dans ce grand salon du livre. le moment venu, je le pointerai sans doute comme le moment où mon avenir a commencé. Je ne le savais pas. Ces trois jours du « Livre sur la Place » ont contenu tous les visages qui ont peuplé les mois suivants, comme des pressentiments, des allusions obscures.
J'ai toujours su que la vie avait beaucoup plus d'imagination que moi.

Dans l'ascenseur de l'hôtel où j'étais descendu, il y avait cette femme dont je connaissais le visage. Dont j'avais même salué une fois virtuellement la beauté des mots, dans un extrait partagé sur un réseau social. Je lui en avais demandé la provenance en commentaire. Il était d'elle, et de ce livre Journée exceptionnelle du déclin de Samuel Cramer, publié chez Belfond. Je trainais la mauvaise conscience et le remords de ne pas l'avoir lue. Elle n'en a rien su dans mon « bonjour » embarrassé. Il est des livres qu'on rate en sachant qu'on ne le devrait pas. Car sans les connaître, on ne se remet jamais vraiment des occasions manquées.

Le temps a passé. Je l'ai oubliée. En décembre je rencontre Amandine Cirez, une amie passionnée, auteure merveilleuse du blog L'ivresse littéraire. Elle me parle d'Agnès Michaux. Elle me dit qu'elle est son grand choc. En hommage à l'évidence de notre complicité qui s'imposa d'emblée, je me dis que je ne pourrais jamais faire l'économie de cette épiphanie. Quelque temps plus tard, elle me fait parvenir tous les livres qui avaient parsemés notre conversation. Un cadeau souriant et attentionné. Pris dans le torrent d'ouvrages dont l'actualité et la rentrée littéraire d'hiver me bombardent, j'en ajourne la découverte. Dans la pile, il y avait ce roman. Amandine me gronde pour de faux, attendant impatiemment que je le découvre.




Un dimanche désoeuvré, la tête bourdonnante et le regard ne parvenant à se fixer nulle part, je me saisis du livre. Et la lumière change. Tout en lui me ressemble. Tout. Chaque mot fait vibrer une corde sensible, un souvenir intime. Cela me déroute d'abord. Un début qui ressemble à Duras. Une jeune femme aux bottes rouges au bord de la mer. Et puis un homme, Samuel Cramer, que sa maitresse surnommait « l'amiral », qui se réveille auprès d'elle un matin dont il sait qu'il est le dernier. Qu'elle va le quitter. Il est déserté, amputé d'elle et de ses souvenirs avec elle, de cette dimension en plus que donne l'amour au monde.

Il se souvient de la vie auprès d'elle, quand la guerre éclata quelques temps plus tôt. Il est un écrivain dont les livres n'ont pas marché, cette histoire sera celle de son déclin, celui de l'univers accompagnant son naufrage intime dans une cohérence mélancolique, chorégraphique et magnifique.

Samuel erre dans un Paris désolé, en bon baudelairien. Sa vieille âme et ses heures glorieuses ont quitté la ville. On en entretient la nostalgie dans des vestiges lissés, des clichés de carte postale.

Je serais bien en peine de vous raconter l'histoire, mais pas de vous dire l'effet qu'elle fait. Agnès Michaux plonge dans ces mots d'amour qu'on n'ose pas et qui contaminent chacun de nos gestes. Elle raconte une errance et un frisson à chaque page et à chaque carrefour. On marche avec Samuel pour semer son vague à l'âme, sa désillusion à lui qui a obscurci l'horizon. Tout apparaît sans repères. Il est l'orphelin d'idéal (« le veuf, l'inconsolé », dirait Nerval). Son désarroi a envahi l'univers. Ce désespoir étrange que connaissent tous les quittés, cette stupeur qui les traque des mois durant. le quotidien perdu auprès de l'être aimé qui peu à peu a pris des allures légendaires. La violence des réminiscences qui, parfois, peut vous couper le souffle.

Agnès Michaux m'est revenue un jour où je ne l'attendais pas. Ses phrases ont pris des allures de poèmes et de sortilèges. Ça m'a rappelé Baudelaire, bien sûr (on le devine sur la couverture) et tout ce XIXème dont j'ai tourné si ardemment les pages quand j'étais étudiant. J'ai songé aux visions de Rimbaud, à tout ce qui m'a fasciné alors. A ces odyssées rêveuses que l'on projette souvent sur les auteurs qu'on aime. A tout ce que ça dit de soi.

Samuel raconte la fin de l'amour. Celui qu'il a vécu avec Dawn. Un matin, elle le quitte en sortant des draps froissés et emporte avec elle tout son enchantement à lui. Tout après elle ne pourra plus que mourir à petit feu. La réalité ne semble subsister que pour lui suggérer le souvenir de ce qu'ils furent, de leurs voyages, de leurs étreintes. de tout ce dont il doit faire le deuil pour avancer dans sa journée. La vivre jusqu'au soir ou bien jusqu'à la lie, c'est du pareil au même.

Il n'y a pas d'autre choix que de se rendre à la mélancolie. Il ne nous reste plus qu'elle pour célébrer tout ce qui meurt en nous. Chacun de nos souffles et chacun de nos regards vient se faire l'interprète de cette singulière agonie. Ce roman, porte en lui cette élégie, le chant d'une désillusion. Il dessine les contours d'un homme contraint à emprunter un chemin qu'il n'envisageait pas, les bras chargés des souvenirs qui, pendant un moment, lui voileront tout le reste. Il faut qu'il mette du temps entre lui et l'amour pour le muer en écriture.

J'avançais doucement dans ma lecture. Je me méfie beaucoup des livres qu'on précipite. J'aime demeurer un moment auprès d'eux, détailler leur magie, garder leur émotion. A chaque phrase je m'arrête. Je les trouve belles comme des symphonies. Des poésies. Des états d'âme, des invitations. On se les murmure. On voudrait les apprendre par coeur, les garder en réserve pour les jours de grisaille. Certes, c'est triste, mais c'est beau, cet adagio littéraire. On les reconnait, les oublis que l'on tente d'accumuler, en marchant longtemps, en fuyant loin et en buvant trop pour maintenir la douleur à distance. Ne lui restent son humour noir et son ironie mordante à l'occasion pour trouver son salut.

L'époque de Samuel est contemporaine, étrange et indéterminée. Apocalyptique à l'image de ce qu'il vit. Un monde pris dans la guerre et dans la perdition. Dans le spleen. Dans tout ce qui finit. Ça résonne. Incroyablement fort.




Je m'y suis totalement abandonné à cette errance d'âme douloureuse. Je m'y abandonnerai encore. le livre n'est pas fini. Je l'ai lu comme on s'accorde une parenthèse. Une valse mélancolique, un langoureux vertige.

J'ai écrit tout à l'heure à Amandine que si on arrachait mon masque, ce seraient ces mots-là qu'on trouverait. Il y a là tout ce que j'aime. Son cadeau était incroyablement juste et son intuition sûre.

A Nancy, ce jour-là, bredouillant mon « bonjour », et fuyant son regard, j'avais le sentiment d'avoir manqué ma rencontre avec Agnès Michaux.

Je contemple le roman en songeant à quel point j'avais raison de me maudire alors,
Constatant que la fortune l'a mis sur mon chemin et m'a permis de me rattraper un peu.

Si d'aventure mes chemins croisent à nouveau ceux d'Agnès, je saurai quoi lui dire.

J'ai toujours su que la vie avait beaucoup plus d'imagination que moi.
Lien : http://www.nicolashouguet.co..
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critiques presse (1)
Actualitte
12 octobre 2016
La journée exceptionnelle du déclin de Samuel Cramer se lit d’une traite. Agnès Michaux entraîne le lecteur dans son univers. De cet univers, on sort grandi, différent.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Entend-on encore cette expression un peu désuète, " avoir un jardin secret" ?
Notre époque ne se vit plus qu'à l'extérieur. De là sans doute le goût majoritairement répandu de la baie vitrée et de la cuisine américaine. Parler de vie intérieure, c'est presque passer pour un dingue ou un illuminé. (p. 127)
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Michel [Houellebecq] aussi est devenu très triste, très flou (...) -Soumission. L'homme prosterné devant son désespoir. Sa totale démission. Là, je ne sais pas le suivre. Je ne veux pas le suivre. Je crois qu'il est arrivé, depuis quelques livres déjà, à l'endroit où l'écrivain doit se taire et l'homme doit se sauver. Aphasie de Baudelaire, Abyssinie de Rimbaud. Conversion de Huysmans. (p. 117)
Commenter  J’apprécie          160
La maladie est dans la vie, elle parle de la vie, elle parle des hommes en entier, du monde comme il va et de l'individu au point où il en est, avec lui-même et dans son empathie avec le monde. (...)
Dawn aussi n'y comprenait rien. Dawn ne voulait pas croire qu'on peut tomber malade de regarder le monde comme il est. (p. 125)
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Tôt, les livres m'avaient pris tout le cœur et l'esprit, le corps même.
En famille, une phrase souvent entendue semblait, pour les adultes,résumer et expliquer tout : " Il a parlé avant de savoir marcher". Personne ne soupçonnerait jamais quelle terrible maladie s'était signalée dans ce fait. La concentration ultime de tout mon être vers cet unique objet qu'était la lecture me donnait, dans mes
rapports avec autrui, une apparence de grande douceur, n'ayant aucune énergie à placer dans les conflits ou les discussions sans importance. (...)
Puis l'écriture me prit. Ma vie ressemblait enfin à ce que j'en attendais depuis ce jour où, en lisant, j'avais senti la présence du mot, le compagnonnage sans question entre moi et le verbe. La grammaire me parlait depuis toujours comme une mathématique. Comme une métaphysique. (p. 100)
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Je la regarde. Tristesse. Elle monte comme une marée. La môme quitte le port. Et moi qu'elle appelait l'Amiral parce qu'elle avait eu, un jour, le goût de mes voyages, moi, je reste à quai.
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Videos de Agnès Michaux (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Agnès Michaux
Retrouvez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/agnes-michaux-la-fabrication-des-chiens-52644.html
En 1999, alors qu'elle vient présenter son premier roman à la télévision, Agnès Michaux fait connaissance de Philippe Gildas et de l'équipe de Nulle part ailleurs. Voilà comment pendant plusieurs années, elle sera un visage familier de Canal Plus. On la retrouve ensuite en radio, sur France Inter, dans l'émission « le Fou du roi ». Mais elle le reconnait elle-même, pour elle, cette période est déjà lointaine. Depuis plusieurs années, c'est en librairie qu'Agnès Michaux a trouvé sa place, à la fois en tant que romancière que traductrice. Parmi quelques-uns de ses succès, « Je les chasserai jusqu'au bout du monde jusqu'à ce qu'ils en crèvent, », « Zelda », « Codex Boticelli » ou « le témoin », autant de titres portés par une certaine nostalgie et un regard sur un temps envolé. En 2020, Agnès Michaux s'est lancé dans un projet ambitieux, une trilogie racontant un monde qui change. Trois décennies entre 1889 et 1899 qui ont façonné le monde dans lequel nous évoluons aujourd'hui. Le tome 2 « La fabrication des chiens 1899 » vient de paraitre. Vous pouvez le lire sans avoir lu le précédent tome mais bien évidemment, c'est encore mieux si vous pouvez enchainer les deux volumes en attendant le troisième prévu l'année prochaine. A travers les chiens qui à la fin du XIXème siècle ont été travaillés pour correspondre aux envies de leurs propriétaires, c'est l'invention des chiens de race », Agnès Michaux nous entraine dans un Paris frénétique où le jeune Louis Daumale, venant de sa province natale, va faire ses gammes en tant que journaliste puis en tant que photographe. Si, à l'image de Louis Daumale, la romancière a inventé d'autres personnages, la romancière prend aussi un malin plaisir à mettre en scène les personnages de l'époque, ceux qui faisiant l'actualité, qu'ils fussent, artistes, politiques, hommes de lettres ou militaires. Dans ce tome 2, nous voilà à l'été 1899, quand la France se déchire avec l'affaire Dreyfus, quand le Troisième république vacille, quand la technique semble vouloir faire voler le moment d'hier en éclats. L'écriture d'Agnès Michaux est magnifique, sensible. La reconstitution historique est minutieuse et, pris à partie par le narrateur, le lecteur est embarqué dans cette folle aventure aux côtés du candide et facétieux Louis Daumale. Peinture d'une époque qui ressemble furieusement à la nôtre, le roman est aussi plein d'humour et de sensibilité. Une réussite donc ! « La fabrication des chiens 1899 » d'Agnès Michaux est publié chez Belfond.
+ Lire la suite
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