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4,05

sur 768 notes
Ce fut une lecture de longue haleine. Volumineux d'une part et pas si aisé à déchiffrer par moments. C'est qu'on ne parle plus tout à fait comme il y a 435 ans. Certes, on a adapté l'orthographe et la ponctuation, mais on a scrupuleusement gardé les tournures de phrases, expressions et mots disparus intacts, sous peine de défigurer le texte. Mais on a fait un bon effort pour simplifier le problème en mettant sur la page même les définitions, sens de mots différents d'aujourd'hui et traductions des citations qui émaillent le texte (c'est du moins le cas dans l'édition folio). Il m'a fallu cependant relire certaines phrases plusieurs fois avant d'en saisir le sens ou l'idée. Malgré ces contretemps, l'intérêt est définitivement présent.

D'abord, on découvre la merveilleuse personnalité de ce vénérable bonhomme, raisonné, amoureux de la vérité, sans-façon et qui se moque volontiers de lui-même. Dans ses actions et ses idées, il est le gros bon sens incarné, en quelque sorte.

Ensuite il parle de TOUT. Absolument tout. Si un essai vous lasse quelque peu, vous pouvez être sûr qu'un autre abordera un sujet qui vous intéresse. Vous serez peut-être surpris de voir exprimé en ce langage du XVIe siècle vos propres cogitations, tant la majorité de ces discours et sujets sont intemporels. Ce qui m'amène au point suivant.

Comme tout ces lettrés des siècles passés, Montaigne affectionne la littérature et l'histoire de l'antiquité. Il rapporte une multitude d'anecdotes et de citations de ce passé déjà vieux de mille ans et plus pour lui. Pour quelqu'un comme moi qui ne s'est jamais penché sur cette antiquité, il s'agit d'un merveilleux aperçu et introduction.

Mais il ne se borne pas là, et vous vivrez aussi sa propre époque, de guerres et de découvertes. Vraiment une mine inépuisable d'idées, d'anecdotes et de philosophie. Vous rirez aussi, car il peut se montrer hilarant et mordant.
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"C'est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dés l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ay voué à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la connoissance qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me presanterois en une marche estudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moy que je peins. Mes defauts s'y liront au vif, et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l'a permis. Que si j'eusse esté entre ces nations qu'on dict vivre encore sous la douce liberté des premieres loix de la nature, je t'asseure que je m'y fusse tres-volontiers peint tout entier, et tout nud. Ainsi, lecteur, je suis moy-mesmes la matiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole et si vain. À Dieu donq, de Montaigne, ce premier de Mars mille cinq cens quatre vins."

C'est par cet avertissement au lecteur que Montaigne entame ses fameux Essais. En écrivain maniaque, il en fera trois publications, s'efforçant de corriger ses premiers jets. Je ne sais pas s'il s'agit réellement "d'un livre de bonne foi", on peut en discuter. Ceci dit, il s'agit d'un riche témoignage de la société de son temps. En philosophe, Montaigne s'interroge sur la complexité de l'homme, notamment sur le corps et l'âme. Contrairement à la pensée de l'époque, il va s'attacher à montrer que les deux sont étroitement imbriqués. Rien n'est tabou pour lui. C'est ainsi qu'il abordera tous les thèmes : vie, mort, sexualité, désir, amitié etc...

Si je remettais en question la "bonne foi", c'est que ce texte n'est en rien objectif. Montaigne fustige souvent ses contemporains et se montre quelque peu en donneur de leçons. Ceci dit, les dites leçons sont tellement bien amenées que l'on s'y laisse prendre avec plaisir.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Ah ! Montaigne... Je me suis baladé, tranquillement, à mon rythme, pendant presque un an avec lui. C'est peu de dire que ce fut plaisant : j'aime cet homme, ce Brassens du XVIe siècle, profondément bon, sceptique et gai, humble et indulgent, simple mais profond, si particulier et pourtant si universel.

« Qu'un pareil homme ait écrit, véritablement la joie de vivre sur terre s'en trouve augmentée. » Ce jugement de Nietzsche, je le partage totalement : je suis simplement heureux qu'un homme comme lui ai existé, qu'il soit connu et reconnu, et admiré. J'en aurais presque une bouffée d'optimisme pour le genre humain.
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A l'heure d'évoquer cet ami fidèle, mort en 1592, mon propos ne sera point d'une quelconque érudition, que d'autres, dans un français plus digne de la vénérable Sorbonne, manient mieux que moi.
Quoique l'aisance de son dialogue avec les ancêtres latins donne clairement à voir sa vaste culture classique, Michel de Montaigne cultive dans ses Essais un langage des plus simples (pour l'époque), "naturel et ordinaire, sans contention ni artifice". Il me semble qu'un commentaire aussi personnel que simple lui est dû.
"Mon dessein est de peindre" cette belle rencontre que je fis, depuis la première page de ces Essais, jusques à la dernière, durant plusieurs années. Montaigne réservait ces Essais comme une commodité pour se faire connaître de ses parents et amis, quand il aurait quitté cette terre. N'étant point, à ma connaissance, de sa famille, c'est donc en ami que je parlerai de lui.
Comme beaucoup, je le rencontrai au détour d'une page d'un manuel scolaire (Lagarde et Michard je crois). Cet homme se décrivait alors, après une vie d'aventure, à courir le monde et les femmes, à voyager et survivre au milieu des guerres et intriques politiques de son temps, à faire profiter autant que possible les Princes, puis ses concitoyens bordelais, de son humanisme engagé, prenant refuge dans sa bibliothèque.
Au coeur de la tour du château de Montaigne, il entreprenait de livrer son âme non à Dieu mais à qui voudra, dans cette entreprise de prime abord pleine de vanité, et finalement au contraire tellement belle d'humanité et de simplicité, de parler de lui-même (ce que nous faisons tous, tout le temps, en définitive.... ) Grâce à cet abandon de fausse pudeur, j'eus la joie et l'honneur de me sentir dans l'intimité de cet honnête homme du XVIème Siècle incarné.
L'évocation de ce sage retiré en son château de Montaigne nourrit mon désir au fil des pages du 1er volume des Essais. A l'âge où d'autres jeunes gens s'imaginent pilote de ligne ou ingénieur informatique, je rêvais, moi, d'une telle retraite, après une même vie de voyages, d'aventure et d'expérience des relations humaines, en notre temps.
Il faut sans doute plus de temps au XXIème siècle pour réaliser cette ambitieux programme humaniste, probable utopie, et la retraite n'est pas pour tout de suite (pour peu qu'elle arrive un jour), mais la lecture des tomes 2 et 3 des Essais, achevée une première fois à l'âge de 38 ans (âge qu'avait Montaigne quand il entreprit leur rédaction) continue à me hanter avec bonheur dans cette vie. Quelle joie, en écrivant ce commentaire, de constater que cette ambition n'a pas varié depuis 25 ans, et que mes choix d'études, de métier et de vie continuent de s'inspirer de cette vision de l'existence humaine, face aux pièges de l'ambition, de l'habitude, des déceptions.
Probablement l'un des rares livres que je relirai.
Monument de littérature, témoignage historique ou autobiographique, oeuvre moraliste, philosophique.... pour moi peu importe, Michel de Montaigne fait partie de ces grands frères qui me guident sur un chemin d'humanité avant tout, et dont les doutes et les remises en question, les rires et les coups de colère, les inquiétudes et les bosses de la vie, répondent aux nôtres, suscitant l'émotion d'un partage au-delà des siècles.
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Cette édition chez Arléa en français moderne, avec la « traduction » des mots qui ne sont plus usités ou qui ont changé de sens, enfin la traduction immédiate des citations latines tout cela fait de cette édition, la version indispensable qui permet à tout lecteur d'entrer dans les Essais.

A lire sans modération mais pas tout d'une traite, Montaigne dit qu'il aime lire et écrire « à sauts et à gambades », picorer, « pilloter » dans les livres. Faites de même avec le sien et votre addiction est assurée.
La langue de Montaigne est colorée, luxuriante.
Les préoccupations, les réflexions d'un gentilhomme du XVII ème siècle sont proches des nôtres.
Il vous appartient de piocher sans ordre dans les différents chapitres, l'amitié, la mort, la vanité, le goût de la lecture, la tolérance ......

Ce qu'en disent de bien plus érudit que moi

Etiemble appelait Les Essais des « Contre-poisons »

André Comte-sponville dit « Il nous apprend à aimer cette existence éphémère au lieu d'en rêver une autre »

F Nietzsche : « Qu'un tel homme ait écrit , vraiment la joie de vivre sur terre en a été augmentée »

Mme de la Fayette «  Ce serait plaisir d'avoir un voisin comme lui  »

Michel Onfray «  Montaigne me touche, me ravit et m'émeut avec une indefectible constance »

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Parcourir Les Essais, s'y perdre pour s'y trouver, tâter de tout pour toujours revenir à soi, à cet homme qui, le premier, ne choisit que de s'étudier lui-même pour tenter de comprendre un petit rien à ce qu'il est, est une expérience de lecture unique. On y voit, à vif, la pensée d'un homme se construire, des petits essais du premier livre, qui compilent les idées des autres, de ces modèles anciens, Sénèque, Plutarque, Lucrèce, que petit à petit l'on oublie, aux longues et tortueuses réflexions tous azimuts du troisième livre, qui, en voulant se concentrer sur l'essentiel, sur Michel de Montaigne, seul objet pensable, s'échappe vers tous les grands thèmes humains, la vanité, l'utile et l'honnête, la volonté, l'expérience... C'est que, pour Montaigne, rien n'est stable, rien n'est définitif, rien n'est résolu une fois pour toutes, pas même sa propre identité, qu'il ne peut frôler qu'en la déformant, dans un mouvement sans fin. Cet échec, s'il en était un, aurait pu aboutir à un pessimisme absolu. Mais Montaigne n'est pas tout à fait un moderne. Il voit que tout est relatif, vague et insaisissable, mais continue à s'enfoncer en lui-même, et s'il n'y trouve rien de solide, s'accroche à l'ordre établi, à la Nature, à la sagesse divine. Il remet tout en cause tout en étant profondément conservateur; il casse toutes les idées à la mode et s'accroche à la coutume, sans en être dupe; il ne veut que penser à partir de lui-même et cite sans cesse les références de jadis. Bref, Montaigne est à la fois excessif et sage, spirituel et grossier, ancien et moderne, mort et vivant. Ses Essais sont ce qu'il peut s'écrire de plus vivant, et de plus humain.
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j'ai, enfin, trouvé le livre presque parfait qui traduit en français moderne, mais digne de ce nom, Montaigne. C'est triste à dire, même la remarquable collection Folio, dans ses trois volumes, n'y est pas parvenue.

C'est un pur régal, même si la traduction de Guy Pernon, malheureusement et définitivement épuisée apparemment, demeure toujours la plus brillante et qu'il subsiste chez Lanly une part de syntaxe un peu surannée



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De fait, je n'avais pas lu Montaigne depuis longtemps. Il m'a fallu me réhabituer au vieux français, à l'orthographe erratique et à la ponctuation surprenante.
Juste quelques notes prises en lisant le troisième livre.

Il m'a perdue dans le long chapitre de la vanité où il parle des voyages, des embarras de la vie, de la politique, de la mémoire, des voyages, des femmes, de l'amitié, de la mort, des voyages, de sa vénération pour les anciens Romains et quel qu'autres sujets que je n'ai pas notés, mais je n'ai pas vu la vanité... Et je tombe soudain sur "Cette farcissure est un peu hors de mon thème", ben voyons ! Lequel ? C'est suivi un peu plus loin de "J'aime l'allure poétique à sauts et à gambades", ce dont je me doutais depuis un moment :-) Un peu plus loin encore, "C'est l'indiligent lecteur qui perd son sujet, non pas moi" : au temps pour moi.
Autant j'aime la parfaite architecture rhétorique de Pascal, autant je me délecte des méandres de la pensée montanienne ; il ne faut pas chercher à comprendre. “A foolish consistency is the hobgoblin of little minds" (Emerson). Je suis un grand esprit CQFD ! ;-)
Montaigne me met en joie. Même lorsqu'il parle de sujets dramatiques comme la quasi destruction des peuples indigènes de l'Amérique latine (Des coches), il reste que sa manière d'aborder le thème, directe, sans façon, passant et repassant pour balayer la totalité du champ, me réjouit.

Il est assez machiavélien dans ses postures politiques (De l'utile et de l'honnête) : les rois sont contraints à la violence, la traitrise et au mensonge de par leur fonction. Très désabusé quant à l'espoir d'une amélioration - les guerres civiles ont parfois cet effet - ce qui l'amène à une position très conservatrice (De la vanité).

Quelques citations que j'aime particulièrement.
Ma préférée : "Le monde n'est qu'une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse, la Terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet : il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle" (Du repentir). En nos temps d'accélération extrême, de brouillage du vrai et du faux, des algorithmes et des IA régissant nos vies, l'impossibilité d'assurer son objet prend une tournure aigüe et la posture de Montaigne face au savoir et à la prise de décision est d'autant plus précieuse.
"C'est mettre ses conjectures à bien haut prix que d'en faire cuire un homme tout vif" (Des boiteux). Au milieu de nos nouvelles guerres de religion, la phrase fait frémir, même si on décapite plus qu'on ne brûle.
Je termine avec "C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être" (De l'expérience) : ça vaut tous les préceptes des psychologies positive ou du bonheur.

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Ce n'est pas l'effort qui prime en compagnie de Montaigne. Il s'agit plutôt d'une détente agréable où l'on apprend de ses expériences parfois pour s'en plaindre et surtout pour s'en moquer, dans l'optique que le « grand et glorieux chef-d'oeuvre, c'est de vivre à propos. » (III, XIII, 320)
Le lire, c'est entrer dans un monde où un titre de chapitre est moins un endroit où l'on reste enfermé qu'un point de départ d'où l'on va et vient, selon le fil de la pensée, sans se soucier de l'élégance ou d'exigences pouvant dénoter quelque « sçavoir pedantesque ».
Et les mots qu'il utilise, mots dont résonnent encore souvent les échos dans notre expression actuelle, ont une fraîcheur sublime, qui s'accorde extraordinairement bien à la tonalité de ses Essais.
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Cette édition intégrale des Essais n'est pas faite pour le lecteur qui se dirait en passant : "Tiens, et si je lisais du Montaigne ?" le texte ne se livre pas aussi facilement et demande des efforts à qui est coutumier de l'effort de lecture. Il n'est pas écrit pour les consommateurs jouisseurs que nous sommes, à moins que nous n'ayons compris que l'effort intellectuel était récompensé de jouissances plus vives que la simple lecture passive de grande consommation. Donc, bien d'autres éditions de Montaigne sont plus adaptées, parfois : celles d'extraits scolaires (comme celle de Jacques Vassevière, qui est excellente), celle qui le "translate" en français moderne et lui ôte tout son goût, mais facilite la réception (Quarto Gallimard, André Lanly), ou encore celle qui le paraphrase à l'usage des lecteurs du Monde ("Un été avec Montaigne"). En somme, il y a autant d'éditions de Montaigne qu'il y a de catégories de lecteurs et de consommateurs.

Pour en venir à celle-ci, on dira que le texte n'a été simplifié qu'au niveau de l'orthographe : on aurait tort de manifester un respect religieux pour celle du XVI°s, qui était mouvante et variable, selon les auteurs et les éditeurs du temps. Autrement, les citations latines sont traduites sur la page même, ce qui évite d'interrompre la lecture, et la ponctuation d'origine, en revanche, a été conservée, car elle est la respiration et la rythmique du texte, de la prose de Montaigne lui-même, de son souffle en somme. Dire que la lecture en est facilitée serait mentir : les contemporains reprochaient à Montaigne son obscurité et sa façon de changer abruptement de sujet, à quoi il répondait que "l'indiligent lecteur" peut bien perdre le fil de son essai, mais non lui. Sa prose n'est pas loin du poème, et il ne faut pas nous scandaliser si nous n'y trouvons ni le confort, ni les certitudes, ni les slogans simples auxquels nous sommes habitués (comme ses contemporains engagés, comme nous, dans de féroces et simplistes batailles d'idées et d'intérêts).



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