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Anne Guérin (III) (Traducteur)Michelle-Irène Brudny de Launay (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070326211
484 pages
Gallimard (12/08/1997)
4.14/5   243 notes
Résumé :

Voici un texte qui, par la controverse qu'il suscita dès sa parution chez les historiens, eut le mérite essentiel de contraindre ceux-ci à entreprendre des recherches nouvelles sur le génocide des Juifs par les nazis. En effet, le reportage d'Hannah Arendt, envoyée spéciale du New Yorker au procès de Jérusalem, philosophe américaine d'origine juive allemande, auteur d'un ouvrage célèbre sur les origines du totalitarisme, fit scandale à New York et à Londres,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Je connaissais Hannah Arendt et son remarquable travail " les origines du totalitarisme ",c'est grâce à une biopic de la philosophe que j'ai découvert " Eichmann à Jérusalem " et la controverse que ce procès a suscité à l'époque.
Hannah Arendt a donc suivi le procès de Eichmann pour le magazine "new-yorker ".
Elle qui a fuit la barbarie nazi s'est vu attaqué lors de ses comptes rendus d'audience.
" l'hostilité à mon égard est une hostilité dirigée contre quelqu'un qui dit la vérité au niveau des faits, et non pas contre quelqu'un dont les idées contredisent celles communément admises ".
Quelles sont donc ces vérités qui ont dérangé ?
"Si les juifs n'avaient pas aidé au travail de la police et de l'administration - j'ai déjà mentionné comment la rafle ultime des juifs de Berlin fut l'oeuvre exclusive de la police juive - ( page 227).
Ou encore " partout où les juifs vivaient, il y avait des dirigeants juifs, reconnus comme tels, et cette direction presque sans exception a coopéré d'une façon ou d'une autre, pour une raison ou une autre avec les nazis ( page 239).
Elle a osé face à ses détracteurs dénoncer ces faits.
Eichmann on le sait a été kidnappé par les agents du mossad en 1960.
Celui qui fut le " responsable mais pas coupable " de la déportation était un personnage falot, plus préoccupé par son avancement personnel que par les millions de morts qui allaient jalonner son chemin.
" Eichmann à Jérusalem " est donc un livre sur la " banalité du mal " , à travers des chapitres biens documentés on découvre la méthodologie nazi du meurtre de masse.
C'est un ouvrage à la portée de tous contrairement " aux origines du totalitarisme ".
" Entre toutes les passions de l'esprit humain, l'une des plus violentes, c'est le désir de savoir " .
Bossuet
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Le procès d'Adolf Eichmann : 16 semaines de procès ; 4 mois de délibérés ; 15 chefs d'accusation, dont 12 passibles de la peine de mort ; des milliers de documents et de pages tirées des bandes de l'interrogatoire. « le procès est celui de ses actes, et non des souffrances des Juifs, il n'est pas celui du peuple allemand ou de l'humanité, pas même celui de l'antisémitisme et du racisme. » (p. 47)

Capturé en Argentine par le Mossad en 1960, interrogé, jugé et condamné à mort par pendaison à Jérusalem, Adolf Eichmann est un personnage déconcertant dont l'histoire et le procès n'ont cessé de pointer les bizarreries et l'impensable banalité. Hannah Arendt propose à la fois un portrait de cet homme et une longue revue détaillée de son procès. Elle revient sur l'histoire d'Eichmann et du Troisième Reich. Entre tentative d'éclaircissement et réflexion sur les fondements du mal, Eichmann à Jérusalem est un texte fondamental pour qui veut tenter de comprendre ce que fut la Shoah. « Nul n'est tenu d'obéir à des ordres manifestement criminels. » (p. 501)

Adolf Eichmann était un homme médiocre, sans grande intelligence, ni grande culture et parfaitement malhabile quand il s'agissait de s'exprimer. Il est extraordinaire qu'il ait réussi à occuper une telle place dans l'appareil de destruction nazi. Il avait le mérite d'être très organisé et zélé et c'est à force de travail qu'il devint spécialiste des affaires juives au sein du Reich. À noter qu'il n'était aucunement antisémite, ni même pro-aryen. Mais, fonctionnaire modèle, Adolf Eichmann souscrivait sans réserve aux thèses prônées par Hitler : incapable de remettre en cause la loi érigée par le Führer, il obéissait aux ordres. « Plus on l'écoutait, plus on se rendait à l'évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser – à penser notamment du point de vue de quelqu'un d'autre. » (p. 118) Adolf Eichmann est un vantard qui passe par des phases d'euphorie et d'ennui profond. Lors de son interrogatoire et de son procès, il répondait par des phrases toutes faites et faisait montre d'une mémoire, sinon lacunaire, sinon profondément encline à réécrire l'histoire. « Malgré tous les efforts de l'accusation, tout le monde pouvait voir que cet homme n'était pas un "monstre" ; mais il était vraiment difficile de ne pas présumer que c'était un clown. » (p. 126)

Hannah Arendt remet en perspective le travail d'Adolf Eichmann. Avant d'en venir à l'extermination systématique et mécanique des Juifs d'Europe, le fonctionnaire a d'abord mis en oeuvre diverses solutions, telles que l'expulsion vers une autre terre. Aussi incroyable que cela semble, Eichmann avait pour obsession de mettre une terre sous les pieds des Juifs, ce qui fait de lui un sioniste convaincu et acharné. Quels que soient ses crimes, il a aidé des centaines de Juifs à quitter l'Allemagne dans des conditions favorables, sinon acceptables. Attention, il n'a rien d'un Schindler : l'objectif d'Eichmann était bien de rendre l'Allemagne jüdenrein, débarrassée des Juifs. Mais il faut accorder à Eichmann d'avoir vraiment cru qu'il était chargé de trouver une solution pour vider le pays des Juifs sans passer par la violence. Pendant un temps, ses vagues projets de déportation à Madagascar et ailleurs lui ont été laissés par un régime qui pensait déjà et depuis longtemps à une solution plus radicale. Et quand le Reich a finalement affiché ses véritables intentions, la grande faute d'Eichmann est de n'avoir pas protesté et d'avoir continué à oeuvrer pour le régime. « Comme Eichmann le déclara, le facteur le plus décisif pour la tranquillisation de sa conscience fut le simple fait qu'il ne vit personne, absolument personne qui ait pris effectivement position contre la Solution finale. » (p. 226) Un peu mouton, complètement embrigadé, Adolf Eichmann a suivi le mouvement. Et le tribunal de Jérusalem n'a pas porté cela à son crédit. « Il faisait son devoir, répéta-t-il mille fois à la police et au tribunal ; non seulement il obéissait aux ordres, mais il obéissait aussi à la loi. » (p. 253) Voilà le mal selon Eichmann : non un mal par principe, mais un mal selon la loi et selon les ordres. Voilà comment un homme aussi médiocre a pu présider à l'extermination de millions de Juifs. « Mis à part un zèle extraordinaire à s'occuper de son avancement personnel, il n'avait aucun mobile. Et un tel zèle n'est nullement criminel. [...] Simplement, il ne s'est jamais rendu compte de ce qu'il faisait, pour le dire de manière familière. » (p. 494) C'est sur cela qu'Hannah Arendt a fondé sa thèse sur la banalité du mal.

Dans sa cage de verre, Adolf Eichmann était représenté par l'avocat Robert Servatius, dont la défense se fondait sur deux principes : les crimes d'Eichmann étaient des crimes d'État – ce que le tribunal de Jérusalem n'a jamais concédé, car cela aurait empêché tout procès – et Eichmann était un bouc émissaire. Sous la présidence de Ben Gourion, le tribunal de Jérusalem était investi d'un grand rôle. « Et si pour Ben Gourion, "le verdict prononcé contre Eichmann lui était indifférent", la seule tâche du tribunal de Jérusalem était incontestablement d'en prononcer un. » (p. 71) le procès Eichmann, contrairement au procès de Nuremberg, a mis les Juifs en position d'acteurs et non seulement de victimes et de spectateurs. « On pensait que les Juifs n'avaient pas le droit d'apparaître comme juges dans leur propre cause, mais qu'ils devaient agir uniquement comme accusateurs. » (p. 468) Dans sa relecture de l'Histoire, Hannah Arendt soulève aussi les terribles secrets de l'extermination des Juifs, comme la coopération des autorités juives. « le juge Halévi découvrit, à partir du contre-interrogatoire d'Eichmann, que les nazis considéraient la coopération des Juifs comme la pierre angulaire même de leur politique juive. » (p. 238) Dans ce procès et dans L Histoire, il est toujours bien ardu de séparer le bien du mal, chacun frayant avec l'autre.

J'avais étudié ce texte en terminale pour un projet en binôme à présenter au baccalauréat. Je gardais de cet essai un souvenir confus, mais une expression m'est restée, celle de la banalité du mal. Cette relecture, dix ans après mon baccalauréat, a des saveurs de nostalgie, car je me suis revue bûchant sur ce texte que je trouvais alors ardu, dense et bien épais pour ma pauvre ambition lycéenne de connaissances. C'est très certainement avec cet ouvrage que j'ai « appris à penser ». La clarté du propos et de la démonstration permet d'explorer des thèses épineuses, sans toujours obtenir des réponses, et de relire un épisode historique tristement célèbre qu'il ne faut pas effacer. « Les oubliettes n'existent pas. Rien d'humain n'est à ce point parfait, et il y a simplement trop de gens dans le monde pour rendre l'oubli possible. Il restera toujours un survivant pour raconter l'histoire. » (p. 409) En relisant Eichmann à Jérusalem, j'ai souvent pensé à ma récente découverte de Leïb Rochmann, avec son texte À pas aveugles de par le monde. Voilà deux textes essentiels, certes bouleversants, mais nécessaires, indispensables. Et j'arrête là avec les synonymes pour vous conseiller de vous frotter au texte d'Hannah Arendt : il est accessible et passionnant.
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C'est en tant que reporter qu'Hannah Arendt se rend à Jérusalem pour couvrir le procès Eichmann. le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle maîtrise son sujet, tant du point de vue intellectuel – ses recherches l'attestent – qu'existentiel – elle qui, juive, a fui sa terre natale, l'Allemagne, et s'est réfugiée aux Etats-Unis.
De cette expérience – car c'en est une, étant donné l'accusé ! – naîtra ce livre qui ne donnera pas un coup de pied dans la fourmilière mais la pulvérisera. Arendt renversera en effet beaucoup de fausse idées sur la Solution finale et sa genèse, décortiquant chaque marche de cette descente en enfer avec méticulosité et surtout : sans compromis. Autrement dit, chacun aura sa part.
Le sujet central – à partir duquel Arendt étendra sa réflexion à l'ensemble des protagonistes de cette entreprise exterminatrice – est donc Adolf Eichmann, exécutant sans envergure des basses oeuvres idéologiques nazies. Et cependant rouage essentiel du « bon fonctionnement » de la machine. Eichmann est idéaliste mais surtout très obéissant. La parole d'Hitler c'est pour lui la loi, et on ne discute pas la loi. Ce personnage commun est de ce fait l'incarnation de ce qu'Arendt écrit en sous-titre : « la banalité du mal. » Parce qu'il l'est, banal, loin de ces figures « exceptionnelles » du régime.
Son importance a même été volontairement exagérée par certains accusés au procès de Nuremberg, en 1946, et par lui-même, au cours d'un entretien accordé à Sassen en Argentine, lui-même ancien SS.
Mais comme la Solution finale ne saurait se résumer à un seul homme, Arendt expose sans complaisance les éléments qui ont rendu possible un génocide organisé avec une précision d'orfèvre, où chacun s'acquittait d'une tâche précise et limitée. Ce qui permit son application avec une facilité déconcertante, et avec le concours des Juifs eux-mêmes, explique Arendt. Un massacre anarchique n'aurait jamais permis de tels « résultats ».
Idem, Arendt pointe les erreurs du procès et ses hors-sujet, ce qui nous fait songer qu'il a quelque part raté sa cible : on y a condamné un crime collectif et pas un individu, lequel a été la partie pour le tout. Et l'on se prend à « rêver » : en lieu et place d'Eichmann, un Himmler, un Goebbels ou, « mieux », Hitler en personne, et nous n'avions plus un exécutant bêtement convaincu mais un penseur de la Solution finale.
Au cours des séances, des témoignages se succéderont, sans rapport direct avec l'accusé. le procès devient un lieu de mémoire, et Eichmann, le symbole du crime.
Ce crime, différemment « apprécié » selon les pays sous influence nazie, Arendt explique qu'il a aussi été rendu possible par des volontés non-allemandes, et freiné par d'autres résolument opposées : on a, par exemple, la Roumanie, dont la cruauté envers les Juifs effraya jusqu'aux autorités allemandes – c'est dire ! –, et le Danemark qui, son roi en tête, oeuvra avec courage pour sauver les Juifs.
Il faut toutefois remettre la parution du livre dans son contexte. Nous sommes en 1963 et la « poussière » a été glissée sous le tapis. Arendt dérange alors les consciences oublieuses, sans outrance ni obsession mémorielle : elle se contente d'évoquer les faits.
Eichmann à Jérusalem obligera à repenser l'histoire de ce génocide. Aujourd'hui encore, il conserve sa force et, plus généralement, invite à une extrême rigueur lorsqu'il s'agit d'écrire l'Histoire. le pathos et l'idéologie n'y ont pas leur place. Ce texte est une réussite tant morale que factuelle.
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En dépit de l'immense controverse (parfaitement injustifiée d'ailleurs) que cet essai a suscitée lors de sa parution, ce dernier reste néanmoins l'un des livres les plus importants jamais écrits sur l'histoire du nazisme et de la Shoah. Alternant compte-rendus du procès et chapitres relatant méthodiquement les faits historiques, déportations et exterminations, en Allemagne et dans le reste de l'Europe, sans oublier de mentionner les milliers de non-juifs également assassinés (handicapés mentaux ou moteurs, homosexuels, soldats du Reich, tziganes, bizarrement oubliés du procès...), cet essai s'avère véritablement complet, frappant et si bien documenté qu'il serait non seulement stupide, mais encore scandaleux, de l'accuser de partialité, sous prétexte qu'Hannah Arendt a été, mais bien avant la guerre, la maîtresse de Heidegger, philosophe connu pour ses accointances (pour le dire gentiment) avec le parti nazi. Car ce qui a gêné bien des gens dans cet essai n'est pas tant la "banalité" d'Eichmann que l'accusation portée contre le peuple juif, et confirmée par la suite par plusieurs historiens, d'avoir participé à sa propre extermination, par le biais des conseils juifs. Hannah Arendt montre en effet que ces derniers, parfaitement intégrés dans la machinerie allemande, n'ont pas hésité à sacrifier des millions de Juifs "de basse extraction", pour en sauver quelques milliers soigneusement choisis pour leur profession, leur renommée, leur fortune personnelle. On se serait mis à dos les milieux sionistes pour moins que ça. Mais Hannah Arendt a le courage de ses opinions, et les défend constamment, avec une dignité qui est tout à son honneur. de plus, elle n'hésite pas à remettre en question le fait que ce soit le tribunal des vainqueurs qui juge le vaincu, au mépris de toute équité, qui plus est, puisque aucun témoin n'a pu se présenter pour la défense, tandis que l'accusation a produit plus de cent témoins, dont les allégations dépassaient en outre le cadre du procès, puisqu'ils s'agissait dans l'ensemble de survivants des camps venus pour raconter l'atrocité de l'extermination plus que pour véritablement accuser Eichmann, qu'ils n'avaient pour la plupart jamais vu. On a reproché à Hannah Arendt son arrogance, son ton ironique, ses attaques directes, mais qui, à l'époque, aurait eu le courage de parler comme elle l'a fait ? Et comment l'accuser de prendre elle-même la défense d'Eichmann, alors que jamais, dans les cinq cents pages de ce livre, elle ne l'excuse de quoi que ce soit, se contentant de montrer les failles, les incohérences, les injustices du procès, et l'extraordinaire banalité de cet être qu'on a voulu diaboliser à l'excès, lui qui n'est rien d'autre qu'un gratte-papier sans imagination et sans esprit, frustré de n'avoir jamais fait carrière dans l'administration et s'exprimant par stéréotypes et formules toutes faites ?

(la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
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Je n'avais jamais lu Eichmann à Jérusalem, sauf quelques extraits. Pourtant, j'ai étudié 8 ans en Philosophie et le livre était au programme dans plusieurs cours — j'étais donc convaincu de bien connaître le livre.

Erreur.

Je termine même ma lecture avec la conviction qu'aucun des professeurs avec qui nous en avions discuté en classe ne l'avait vraiment lu. Les lieux communs entourant l'ouvrage sont pour la plupart, de courtes sections d'importance mineure, mal cités, quand ils ne sont pas carrément des inventions.

Quelques exemples.

- Arendt ne dit jamais que Eichmann n'était pas antisémite. C'est lui qui l'affirmait. Elle rapporte par contre qu'elle ne croit pas que son antisémitisme soit la cause principale du rôle qu'il a joué dans l'Holocauste. Ce serait plutôt son désir personnel d'obtenir une promotion qui l'aurait poussé au zèle.

- Elle n'affirme jamais que les Juifs ont collaboré à l'Holocauste, ou en sont partiellement responsable de par leur passivité.

- Elle n'excuse jamais Eichmann. Elle rapporte tout de même qu'il était innocent de certains — de la LONGUE liste des chefs d'accusation — des crimes dont on l'accusait. Eichmann méritait la mort, nous dit-elle. Même s'il aurait mieux valu qu'Israël attende la fin des procédures judiciaires plutôt que de l'exécuter quelques heures après le verdict.

- Elle ne disserte JAMAIS sur la nature du mal. La banalité du mal, c'est ce qu'elle a cru percevoir chez Eichmann. Ce n'est pas un énoncé général. En postface, elle précise même qu'elle est en désaccord avec l'idée selon laquelle nous aurions tous un Eichmann en nous, un fonctionnaire ambitieux qui ne fait qu'obéir aux ordres. Cette interprétation de Arendt — qui a même servi de base à la malheureusement fameuse expérience de Stanford — est simplement fausse.

Il y a de nombreuses choses intéressantes que Arendt aborde dont je n'avais jamais entendu parler, par contre.

- le contexte politique. Elle soupçonne Israël d'avoir deux objectifs derrière le procès. 1- Associer Eichmann (et le nazisme) à des pays arabes pour des raisons de relations publiques. (Il y avait des rumeurs infondées qu'il y aurait séjourné.) 2- Créer le mythe d'une diaspora juive faible et persécutée, pour lui opposer celui d'un État d'Israël fort et victorieux. Tout cela dans le but de convaincre un plus grand nombre de juifs d'immigrer. (Je dis "mythe", ici, dans son sens sociologique. Pas comme synonyme de "histoire infondée".)

- le contexte juridique. Et c'est l'une des choses qui m'a le plus étonné, car la plupart de mes ami.e.s qui adorent Arendt sont des nationalistes. Elle défend dans ce livre une vision très cosmopolite du Droit. Elle croit que le procès aurait dû être l'occasion de mettre sur pied un tribunal international permanent. Ce tribunal aurait pour tâche de juger de façon rétroactive des crimes qui comme l'Holocauste ou la Bombe nucléaire, n'ont pas de précédent. Un tel tribunal ne pourrait d'ailleurs pas se baser sur Droit positif, seulement des énoncés de principe. Ses juges seraient donc, en même temps, leurs propres législateurs.

Bref, c'est une oeuvre qui aurait avantage à être plus lue et moins citée.
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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Comme le Danemark, il s'avéra que la Suède, l'Italie et la Bulgarie étaient quasiment immunisées contre l'antisémitisme, mais, des trois pays qui se trouvait dans la zone d'influence allemande, seuls les danois osèrent dire ouvertement ce qu'ils pensaient du sujet à leurs maîtres allemands. L'Italie et la Bulgarie sabotèrent les ordres des Allemands et pratiquèrent la duplicité en jouant un double jeu extrêmement subtil ; ils sauvèrent leurs Juifs par un tour de force d'une ingéniosité inouïe, mais ne contestèrent jamais la politique en tant que telle. Ce que firent les Danois fut complètement différent. Quand les Allemands abordèrent avec une certaine précaution le sujet de l'étoile jaune, on leur dit simplement que le roi serait le premier à la porter et les fonctionnaires du gouvernements danois tinrent à faire remarquer que toute espèces de mesure antijuive aurait pour conséquence leur démission immédiate. Ce qui fut décisif dans toute cette affaire fut que les Allemands ne parvinrent même pas à introduire la distinction extrêmement importante entre les Danois d'origine juive nés au Danemark, qui étaient environ six mille quatre cents, et les mille quatre cents Juifs allemands réfugiés, qui avaient trouvé asile dans ce pays avant la guerre et que le gouvernement allemand avait déclaré apatrides. Un tel refus a dû causer un étonnement sans fin chez les Allemands, car il paraissait complètement "illogique" qu'un gouvernement protège des gens à qui il avait catégoriquement refusé la naturalisation et même un permis de travail. (...) Cependant, les Danois expliquèrent aux responsables allemands que, comme les réfugiés apatrides n'étaient plus des citoyens allemands, les nazis ne pouvaient les réclamer sans l'accord danois. Ce fut un des rares cas où le fait d'être apatride s'avéra un atout, bien que ce n'ait pas été le fait d'être apatride en tant que tel qui sauva les Juifs mais le fait que le gouvernement danois avait décidé de les protéger. ainsi aucune des mesures préliminaires, si importantes pour la bureaucratie du meurtre, ne put être menée à bien et l'on remit les opérations à l'automne 1943.
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Ce livre important d'Hannah Arendt est depuis sa parution l'objet d'une polémique pas encore apaisée. Le sous-titre de l'ouvrage "la banalité du mal" en est le premier sujet. La responsabilité qu'elle attribue pour partie aux conseils juifs en est le second. Le grand intérêt de cet ouvrage n'est pas la relation du procès d'Adlf Eichmann, mais la pensée sur l'orgine du mal qu'elle construit à partir de ce moment. Elle a demandé à assister à ce projet, comme une façon de retourner à une partie de son histoire. Sa théorie sur le mal qui ne trouve pas sa racine dans la nature même de l'homme, mais plutôt dans l'absence de pensée, pour contestée qu'elle soit, ouvre un débat que l'histoire actuelle n'est pas près d'éteindre.
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En Allemagne aujourd'hui, on n'a toujours pas oublié cette notion de Juifs "éminents". On ne parle plus d'anciens combattants ni d'autres groupes privilégiés, mais on déplore encore le destin de Juifs "célèbres" au détriment de tous les autres. Des voix s'élèvent encore, tout particulièrement au sein de l'élite culturelle, pour déplorer publiquement que l'Allemagne ait obligé Einstein à faire ses bagages, sans se rendre compte que c'était un crime bien plus grand d'avoir tué le petit Hans Cohn du coin, même s'il n'était pas un génie.
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Pendant les quelques minutes qu'il fallut à Kovner pour raconter l'aide qui avait été fournie par un sergent allemand, le silence régnait dans la salle du tribunal; comme si la foule avait spontanément décidé d'observer la minute habituelle de silence à la mémoire de l'homme dont le nom était Anton Schmidt. Et pendant ces deux minutes qui furent comme un flot de lumière projeté soudain dans une obscurité impénétrable et insondable, une seule idée, claire, irréfutable, l'évidence même, s'imposait - comme tout serait différent aujourd'hui dans cette salle, en Israel, en Allemagne, dans toute l'Europe, peut-être même dans tous les pays du monde, si seulement on avait pu raconter d'autres histoires de ce genre.
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Quelle que fût la raison de ces «règles de langage», elles contribuèrent considérablement'au maintien de l’ordre et de l’équilibre mental dans les nombreux services spécialisés dans les fonctions les plus diverses dont la coopération était indispensable en la matière. Mieux encore, l’expression «règles de langage» (Sprachregelung) était elle-même un nom de code ; en langage ordinaire, on appellerait cela un mensonge. En effet, lorsqu'un "porteur de secret" était envoyé à la rencontre de quelqu'un venant du monde extérieur, on lui donner en même temps que les ordres, ses «règles de langage» - comme, par exemple, Eichmann, lorsqu’il fit visiter le ghetto de Theresienstadt aux représentants suisses de la Croix-Rouge internationale. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’un mensonge à propos d’une soi-disant épidémiede typhus qui aurait fait rage au camp de concentration de Bergen-Belsen que ces messieurs voulaient aussi visiter. (...) L’effet exact produit par ce système de langage n’était pas d’empêcher les gens de savoir ce qu‘ils faisaient, mais de les empêcher de mettre leurs actes en rapport avec leur ancienne notion « normale » du meurtre et du mensonge
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