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EAN : 9782228899482
220 pages
Payot et Rivages (18/02/2005)
3.67/5   12 notes
Résumé :
Célèbre philosophe et économiste, John Stuart Mill (1806-1873) fut également l’un des premiers hommes féministes. Dans sa vie privée comme dans sa vie publique, il s’acharna à démontrer la nécessité d’accorder aux femmes l’égalité avec les hommes, combat dont l’apogée fut la publication de ce livre en 1869.

Qu’il s’agisse de dénoncer l’état de sujétion des femmes ou de revendiquer pour elles, au nom de la justice et de la liberté, le droit à l’éducat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On en parle désormais à toutes les sauces, partout, pour tout et tout le temps, même quand le sujet s'y prête le moins — récemment j'ai vu un documentaire pour enfants qui traitait des corsaires et de la piraterie au XVIIIe siècle, domaine où je crois pouvoir hasarder sans trop me tromper que les femmes ne jouaient pas un rôle fondamental ni décisif, eh bien les auteurs, pour coller à l'air du temps, se sont sentis obligés d'aller farfouiller loin, loin, loin dans les archives, de retourner toutes les vieilles mottes afin de parvenir à dégoter les deux seules nanas connues dans les annales de la flibuste, femmes dont on ne sait d'ailleurs à peu près rien, si ce n'est qu'elles ont existé, un peu comme il existe des femmes à barbe mais qui, je crois, là encore, sans trop de risque de me tromper, ne sont pas spécifiquement le coeur de cible lorsque l'on évoque la clientèle des barbiers. Bon, bref, c'est devenu la tarte à la crème.

Eh bien malgré cela, malgré ce battage médiatique de tous les instants, malgré ce revirement subit de l'ombre épaisse à l'aveuglante lumière soutenue par de puissants projecteurs (jusqu'à l'overdose, parfois, et, souvent, sans trop de soucis d'à-propos), la question du féminisme et de son histoire, de ses figures historiques et de ses promoteurs, etc. auxquels on accorde à présent tant de place dans les débats de tout type, je trouve que l'on est (collectivement) très injuste, très ingrat, très amnésique vis-à-vis de celui que chaque féministe devrait connaître et révérer quelque part dans son coeur, vis-à-vis de celui qui a eu les couilles, — et chers messieurs, sachez que ça n'est pas ici une insulte ou une taxation de machisme, bien au contraire — en un temps et une époque où ça n'était ni la mode ni dénué de risque, d'aborder publiquement la question de la place faite aux femmes dans un monde dominé exclusivement par les hommes.

De tout temps et en tout lieu, on sait qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même : ainsi les causes des minorités sont le plus souvent et majoritairement défendues par des représentants de la minorité en question. Je ne vais pas commencer à en dresser la liste car elle serait lourde et infinie mais vous voyez ce que je veux dire, je pense.

D'où, là encore, l'injustice et l'ignominie de ne pas célébrer à sa juste valeur, nous toutes qui devrions, en rangs serrés, applaudir grandement et avec force « viva ! » celui qui, en tant qu'homme dans une société d'homme, a eu le courage de plaider notre cause avec à la fois talent et conviction, une attitude qui, ne faisant pas partie lui-même de la minorité pour laquelle il s'exposait, est d'autant plus remarquable, d'autant plus noble et d'autant plus rare. J'ai nommé, le grand, le très grand, le gigantesquissime John Stuart Mill.

On sait que le combat pour l'émancipation des femmes, dès le XVIII et surtout à partir du XIXe siècle, doit beaucoup aux intellectuels anglais, parmi lesquels on peut sûrement citer des écrivains notoires tels que Samuel Richardson, par exemple (qui évoquait la double peine de la violée qui OSAIT porter plainte devant les tribunaux et qui se trouvait le plus souvent, non seulement huée, abandonnée par sa famille et sa communauté religieuse mais — sans quoi ce n'est pas drôle — le plus souvent condamnée tandis que son violeur était relaxé quand il ne touchait pas des dommages et intérêts) ou encore l'inénarrable Charles Dickens, qui a fait la part belle à des héroïnes maltraitées dans la société farouchement machiste et patriarcale de son temps. Mais celui qu'on ne remerciera jamais assez, qu'on ne célèbrera jamais à la place qu'il mérite, pour la force, pour la vaillance, pour la pertinence de ce qu'il a fait, c'est bien lui, John Stuart Mill.

(On me permettra simplement de mentionner, côté français de la Manche, un autre grand oublié parmi les penseurs, à la fois lorsque l'on évoque les Lumières et lorsque l'on débat de féminisme, et qui n'est autre que Marivaux. On le cantonne aux petites pièces bouffonnes et sans trop de portée que l'on fait encore étudier au lycée ici ou là alors que, dès 1729 — c'est notable —, il écrivait une pièce fantastique sur la question du sort réservé aux femmes et qui devait faire réfléchir la gent masculine, à savoir sa pièce La Colonie — fin de la parenthèse, pour celles ou ceux que cela intéresse, vous pouvez vous y reporter.)

Quand on se documente moindrement sur ce qu'était la position de la femme dans la société de 1869 (sachant que l'Angleterre était, de surcroît, l'un des pays les mieux lotis au monde — et de loin — sur cette question, c'est tout dire) on mesure l'étendue du chemin parcouru depuis 150 ans, malgré ou en dépit de toutes les injustices, de tous les fardeaux qui se maintiennent et qui perdurent dans cette quête sans cesse vacillante, sans cesse contestée, dans cette lutte interminable et au résultat toujours incertain dont l'enjeu est la reconnaissance et le respect véritable de l'égalité Hommes/Femmes.

Mill a donc écrit cet essai au soir de sa vie. Il en donne d'ailleurs plus ou moins la raison. Cette conviction était ancrée en lui depuis probablement fort longtemps, mais le fait d'avancer de tels arguments pouvait considérablement lui nuire dans le monde dans lequel il évoluait. Il a donc attendu de ne plus rien avoir à prouver ni à attendre de ses semblables pour lancer cette petite bombe, un peu à la manière de Darwin dix ans plus tôt avec son Origine Des Espèces, qui lui aussi avait retardé longtemps la publication de son brûlot, de peur des conséquences…

C'est donc un essai en quatre gros chapitres, que j'aurais plus volontiers appelés " parties " si j'avais eu à les nommer. Dans le premier chapitre, l'auteur dresse le bilan de la position de la femme dans la société, notamment vis-à-vis du droit et constate qu'elle est ravalée au rang de mineure.

Dans le second chapitre, il examine la position de la femme dans le couple vis-à-vis de son mari et de l'institution du mariage et nous décrit un statut très comparable à celui d'une esclave.

Le troisième chapitre intercède dans la légitimité qu'auraient les femmes à accéder à tous types de métiers et enfin, le dernier chapitre présente les bénéfices pour la société qu'apporteraient l'égalité Hommes/Femmes.

J'ai été littéralement enthousiasmée par les deux premiers chapitres, particulièrement édifiants et bien argumentés. Un vrai exemple de pensée positive et d'intelligence où l'angle d'attaque selon le droit et par de judicieuses comparaisons produit admirablement son effet.

J'ai été en revanche moins convaincue par les deux derniers chapitres, plus spéculatifs et moins tranchants à mon goût d'où mes quatre étoiles seulement sur l'ensemble de l'ouvrage.

Toutefois, je tiens à saluer, avec toute la force, la reconnaissance et l'admiration qui conviennent, cet ouvrage et cet homme, haut perchés dans mon panthéon personnel des ouvrages et des penseurs majeurs, que je conseille à tous, hommes comme femmes — plus hommes que femmes, même —, pour secouer un peu la pulpe qui est sédimentée au fond de chacun de nos crânes paresseux. Mais ce n'est bien évidemment qu'un avis, un avis de femme qui plus est, c'est-à-dire, aujourd'hui comme hier, bien peu de chose, comme le chantait si bien James Brown (𝄞♭♫ This is a man's world...♬♪).
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Si l’autorité de l’homme au moment de son établissement a été le résultat d’une comparaison consciencieuse des divers moyens de constituer la société ; si c’est après l’essai des divers modes d’organisation sociale, le gouvernement de l’homme par la femme, l’égalité des sexes, ou bien telle ou telle forme mixte qu’on ait pu imaginer, et seulement après, qu’on a décidé sur le témoignage de l’expérience que la forme de gouvernement qui conduit le plus sûrement au bonheur des deux sexes est celle qui soumet absolument la femme à l’homme, ne lui laisse aucune part dans les affaires publiques, et l’astreint, dans la vie privée, au nom de la loi, à obéir à l’homme auquel elle a uni sa destinée ; si les choses se sont passées ainsi, il faut voir dans l’adoption générale de cette forme de société la preuve qu’au moment où elle fut mise en pratique elle était la meilleure. Mais on peut penser aussi que les considérations qui militaient alors en sa faveur, ont cessé d’exister comme tant d’autres faits sociaux primitifs de la plus grande importance. Or, c’est tout le contraire qui est arrivé. D’abord, l’opinion favorable au système actuel, qui subordonne le sexe faible au sexe fort, ne repose que sur la théorie ; on n’en a jamais essayé d’autre, et l’on ne peut prétendre que l’expérience, ce qu’on regarde généralement comme l’opposé de la théorie, ait prononcé. Ensuite, l’adoption du régime de l’inégalité n’a jamais été le résultat de la délibération, de la pensée libre, d’une théorie sociale, ou d’une connaissance quelconque des moyens d’assurer le bonheur de l’humanité ou d’établir dans la société le bon ordre. Ce régime vient de ce que, dès les premiers jours de la société humaine, la femme s’est trouvée livrée en esclave à l’homme, qui avait intérêt à la posséder et auquel elle ne pouvait résister à cause de l’infériorité de sa force musculaire.

Chapitre I.
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Ceux qui essaient de forcer les femmes à se marier en leur fermant toutes les autres portes prêtent le flanc à une riposte identique. S'ils pensent ce qu'ils disent, ils doivent forcément estimer que les hommes ne rendent pas le mariage assez désirable aux femmes pour les inciter à l'accepter sur ses propres recommandations. Ce n'est pas présenter un privilège sous un jour très séduisant que de l'offrir en disant : « C'est cela ou rien. » Et ici, je crois, se trouve l'explication du sentiment qu'éprouvent les hommes foncièrement hostiles à la liberté et à l'égalité des femmes. Je crois qu'ils craignent non pas que les femmes ne veulent pas se marier, car je ne pense pas que quiconque le craigne vraiment, mais qu'elles insistent pour que le mariage s'établisse sur un pied d'égalité. Ils ont peur que toutes les femmes d'esprit et de talent ne préfèrent au mariage toute autre situation qui ne soit pas à leurs yeux avilissante, si le mariage doit leur donner un maître qui sera en même temps le maître de tous leurs biens.

Chapitre I.
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Le pouvoir quasi illimité que les institutions sociales actuelles accordent à l'homme sur au moins un être humain, celui avec lequel il vit et qui est toujours à ses côtés, ce pouvoir fait apparaître les germes de l'égoïsme cachés au plus profond de sa nature, souffle sur la moindre étincelle, sur le feu qui couve, donne à l'homme toute licence pour laisser libre cours à ces tendances naturelles que, dans toute autre relation, il aurait jugé nécessaire de réprimer et de cacher, au point d'acquérir avec le temps une seconde nature. Je sais qu'il faut voir aussi les choses sous une autre face. J'admets que la femme, si elle ne peut effectivement résister à son mari, peut au moins exercer des représailles. Elle aussi a le pouvoir de rendre la vie de l'homme extrêmement désagréable et c'est pour elle une façon d'avoir le dessus, souvent à juste titre, souvent aussi à tort. Mais ce moyen de se protéger, appelons-le le pouvoir de la mégère ou le décret de la harpie, a un inconvénient fatal : il est efficace essentiellement contre les maîtres les moins tyranniques et ne profite qu'aux subordonnés les moins méritants. C'est l'arme des femmes irritables et opiniâtres, de celles qui feraient le plus mauvais usage du pouvoir si elles l'avaient et qui, généralement, font mauvais usage de cette arme-ci. Les femmes douces ne peuvent se servir d'un tel instrument, les femmes généreuses le méprisent. Par ailleurs, les maris contre lesquels il est le plus efficace sont les plus doux et les plus inoffensifs, ceux qu'on ne peut amener, même par provocation, à exercer leur autorité avec sévérité. Le pouvoir qu'a la femme d'être désagréable ne contribue généralement qu'à instaurer une contre-tyrannie et transforme à leur tour en victimes les maris les moins enclins à être tyrans.

Chapitre II.
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En matière de droit, on considère que la charge de la preuve incombe aux adversaires de la liberté, aux partisans de mesures restrictives ou prohibitives, qu'il s'agisse de limiter de façon générale la liberté des actions humaines ou de frapper d'une incapacité ou d'une disparité de privilège une personne ou un groupe de personnes par rapport à d'autres. La présomption a priori est en faveur de la liberté et de l'impartialité. Il ne devrait y avoir de contrainte que requise par le bien général et, de même, la loi ne devrait pas faire exception de quiconque mais devrait traiter tout le monde de la même façon, sauf là où des raisons positives — de justice ou de politique — exigent une diversité de traitement. Mais on n'accorde le bénéfice d'aucune de ces règles à ceux qui défendent l'opinion que je professe. À quoi bon dire à ceux qui soutiennent que les hommes sont en droit de commander et que les femmes sont tenues d'obéir, ou que les hommes sont aptes à gouverner et que les femmes ne le sont pas, que c'est à eux de fournir des preuves positives de leurs affirmations sous peine de les voir rejeter. Il est tout aussi vain de dire à ceux qui refusent aux femmes toute liberté ou privilège accordé à bon droit aux hommes, attirant ainsi sur eux la suspicion parce qu'ils s'opposent à la liberté et qu'ils prônent la partialité, qu'ils sont tenus de fournir la preuve irréfutable de leur opinion, faute de quoi, s'il reste le moindre doute, ils ne sauraient obtenir gain de cause.

Chapitre I.
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Le plus vil malfaiteur a une malheureuse femme sous sa dépendance, sur qui il peut commettre n'importe quelle atrocité sauf le meurtre, et, s'il prend suffisamment de précautions, tout cela sans grand danger d'être puni par la loi. Et combien de milliers d'individus y a-t-il parmi les classes les plus basses de tous les pays qui, sans être aucunement des malfaiteurs au sens légal parce que, partout ailleurs, leurs agressions rencontrent de la résistance, s'adonnent de façon coutumière aux plus grands excès de violence physique envers leur malheureuse épouse : elle est seule, du moins parmi les adultes, à ne pouvoir s'opposer ni échapper à cette brutalité. La dépendance excessive dans laquelle se trouve la femme n'inspire pas à leur nature vile et sauvage une indulgence généreuse ; ils ne mettent pas leur point d'honneur à bien se conduire envers celle dont le sort est entièrement confié à leur bienveillance. Au contraire, ils agissent comme si la loi leur avait confié celle-ci comme leur chose, à utiliser selon leur bon plaisir, sans qu'ils soient tenus de faire montre envers elle du respect qu'ils sont tenus de manifester à toute autre personne.

Chapitre II.
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Vidéo de John Stuart Mill
La liberté d'expression est le sujet d'ardentes polémiques depuis plusieurs années. D'un côté, l'abondance de commentaires, d'analyses "à chaud" et de polémiques donnent l'impression d'un brouhaha permanent. de l'autre, de nombreuses voix s'inquiètent de l'apparition de nouvelles formes de censures qui émaneraient de la société civile elle-même et redoutent la "cancel culture".
Des juristes s'inquiètent quant à eux des appels à durcir la législation dans le cadre de la lutte antiterroriste et redoutent que l'État ne finisse, au nom de la protection de la liberté d'expression, par s'en prendre à cette dernière. Dans un essai dense, "Sauver la liberté d'expression", la philosophe Monique Canto-Sperber retrace l'histoire de ce principe moral, élevé au pinacle du système de valeurs dans nos sociétés libérales. Elle rappelle que pour de nombreux auteurs fondateurs de nos modèles politiques comme le philosophe John Stuart Mill, c'est de l'échange public et contradictoire qu'émerge le progrès intellectuel et, éventuellement, la vérité.
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