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Doug Headline (Traducteur)
EAN : 9782840552901
99 pages
Delcourt (30/11/-1)
4.16/5   264 notes
Résumé :
The dark knight returns

Des années après un départ en retraite forcé, Bruce Wayne, désormais quinquagénaire, rumine, aigri par l'alcool et conservant bien peu de foi en l'espèce humaine. Mais la plongée de Gotham City dans le crime et le désespoir va pousser le milliardaire misanthrope à revêtir une nouvelle fois la cape et le masque du justicier Batman. Traqué par la police et le gouvernement, le Chevalier Noir mène alors sa dernière horde sauvage.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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Mon bouquiniste m'adore, mais mon portefeuille me maudit !
En effet, j'ai une nouvelle fois cédé devant une occasion immanquable : le mythique The Dark Knight Returns, dans sa toute dernière édition, accompagné de son DVD/Blu-Ray, l'ensemble pas trop cher, et surtout dans un état neuf !

Le mythique Frank Miller (auteur de 300 et de Batman : Année Un, entre autres) nous livre ici une de ses premières idées sur Batman : la narration de sa dernière chevauchée fantastique, ni plus ni moins ! Plus qu'un roman graphique, c'est carrément un vrai roman que nous avons là, tant au niveau de la trame qu'au niveau du style et de l'importance de l'écrit par rapport à la partie graphique. C'est d'abord très joliment écrit, d'un niveau bien au-dessus que les phrases banales et fades de la plupart des comics de super-héros ; on ressent bien l'atmosphère de cette fin des années 1980 aux États-Unis avec un président texan et des icônes accaparées par le pouvoir. Et puis, chose à la fois forte et rare, Frank Miller nous parle de la vieillesse, avant tout, et ce qu'on peut assumer de nos jeunes années, une fois que le temps a fait son oeuvre. Malgré cet aspect immanquable, Batman / Bruce Wayne a toujours la même préoccupation : combler ses manques d'enfant. C'est bien là le fond du problème avec Batman.
Cette dernière mention doit servir de panneau avertisseur, car nous avons là une aventure particulièrement référencée, vraiment ancrée dans l'univers de Batman, dans l'univers de DC Comics en général d'ailleurs. C'est, d'ailleurs, un bien pour les fans, qui doivent se sentir dans leur monde et qui doivent apprécier de retrouver des caractéristiques importantes de comics précédents (la blessure d'Oliver Queen, le destin de Jason Todd et l'origine du pouvoir de Superman sont quelques-uns de ces nombreux exemples possibles), mais également une incroyable difficulté pour les non-initiés qui doivent ingurgiter ce récit sans trop savoir où ils mettent les pieds. Bref, il vaut sûrement mieux être au milieu j'imagine pour avoir assez de recul et apprécier l'ensemble à sa juste valeur ; j'ose espérer qu'avec ma connaissance de l'univers DC, mais ma faible lecture de comics anciens, je suis à peu près dans la moyenne.
Bien sûr, en contrepartie, comme nous sommes dans une oeuvre de Frank Miller, il faut accepter de votre surgir ça et là son idéologie personnelle, teintée de peur irrationnelle (illusions fascisantes de temps en temps et, surtout, pourquoi des mutants alors qu'on aborde une Gotham plutôt réaliste jusque là ?) et de nationalisme difficile à caractériser. Cela peut franchement déstabiliser si on lit ce long comic book sans recul ou mise à distance. de plus, les dessins sont toujours difficiles à appréhender, années 1980 oblige, mais le jeu sur les ombres (que j'aurai aimé plus prononcé, comme dans Un Long Halloween, dix ans plus tard) et quelques scènes bien tournées donnent du plaisir à lire malgré tout, je trouve.

De la matière donc pour cette réédition particulièrement réussie, c'est le moins que l'on puisse dire ! Et pour couronner le tout, des bonus (majoritairement tirés de la version Absolute originale de chez DC Comics) à n'en plus finir !
Frank Miller a au moins le mérite de prendre des risques avec cette oeuvre compliquée en elle-même et qui complique d'autant plus l'esprit déjà bien torturé de ce cher Bruce Wayne. Un chef-d'oeuvre pour certains, un roman graphique « has been » pour d'autres ; un immanquable dans tous les cas.

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Au moment de lire "The Dark Knight Returns", plus de trente ans après sa première publication, je partais très confiant. Le nom de Frank Miller était la promesse d'un grand plaisir de lecture : son "300" a été, avec "Watchmen", l'une de mes découvertes les plus marquantes en matière de BD. Précédé d'une foule de critiques élogieuses, "The Dark Knight Returns" n'a pas volé son statut d'oeuvre pionnière. En créant un Bruce Wayne quinquagénaire en lieu et place de l'habituel play-boy en pleine force de l'âge, Frank Miller a, paradoxalement, réussi l'exploit de redonner un coup de jeune au personnage, à une époque où il faisait de moins en moins recette auprès des lecteurs. Son Batman plus sombre, plus violent, plus mature, a ouvert une brèche dans laquelle s'engouffreront tant d'autres auteurs plus ou moins talentueux... Rien que pour cela il mérite la gratitude éternelle de tous les amoureux de Batman. Mais c'est à peu près le seul point positif que je trouve à "The Dark Knight Returns". Car en tant que telle, sans tenir compte de son indéniable et inestimable valeur "historique", cette BD a été pour moi une cruelle déception.

Par quoi commencer ? Le graphisme ? Malgré une poignée de jolies planches, l'esthétique globale, il faut le dire, est assez repoussante. Il y a un certain nombre de dessins qui ne m'ont pas paru seulement laids, approximatifs ou datés, mais tout bonnement indignes d'une publication professionnelle, qu'on soit en 1986 ou en 2019. Je n'en doute pas, oser formuler une telle opinion fera de moi un béotien aux attentes superficielles, un rustaud qui n'a rien compris. Mais la posture consistant à soutenir que l'aspect graphique est sans importance me laisse toujours perplexe : dans ce cas, pourquoi lire des BD... pardon, des romans graphiques, et pas des romans tout court ?

La narration ? En général j'apprécie ce genre de récits nerveux, non linéaires, qui partent un peu dans tous les sens. Par contre il faut que ce soit très clair visuellement, qu'on sache d'emblée qui est qui, qui fait quoi et ce qui se passe... À cause du point précédent, ce n'est pas du tout le cas ici. En préface, Frank Miller nous apprend que, dans les premières versions du projet, "The Dark Knight Returns" était "un mélange de choses plutôt cools", "pas vraiment une histoire à proprement parler", "un vrai merdier"... Tout au long de ma lecture, j'ai eu le sentiment gênant que le "produit fini" était du même ordre : confus, brouillon, parfois à la limite de l'illisible.

Les personnages ? Ce Bruce Wayne quinquagénaire, poussé par les événements à sortir de sa retraite pour combattre le crime une dernière fois avant de tirer sa révérence, avait tout pour me plaire. Mais là encore, le traitement de cette idée ne m'a pas convaincu. Le héros sur le retour a beau se plaindre sans cesse de l'amenuisement de ses capacités physiques, il se montre plus bourrin que jamais, résolvant tous les problèmes à coups de poings. Superman n'est ni plus ni moins intéressant que d'ordinaire, autant dire pas très passionnant. Les vieux Green Arrow et Catwoman sont anecdotiques. Pire, mon habituel chouchou, le Joker, m'a laissé indifférent, signe que je n'ai accroché à rien ou presque... Allez, peut-être à ce nouvel avatar de Robin. La présence aux côtés de Batman de la jeune Carrie semble naturelle, elle n'est pas pour Frank Miller un prétexte pour nous servir un discours revendicatif (idem pour la policière qui remplace Jim Gordon à la tête du GCPD, d'ailleurs) : le nouveau Robin est une fille, comme il aurait pu être un garçon, son sexe ne change rien à l'affaire. Voilà qui est appréciable... bien qu'il soit un peu inquiétant de voir un réac' notoire être plus avancé sur le sujet en 1986 que pas mal de prétendu·e·s progressistes actuel·le·s.

Le scénario ? Entre une génération spontanée de "mutants" assez ridicule et l'énième menace nucléaire pesant sur l'Amérique, je regrette de n'y avoir pas non plus trouvé mon compte. J'aurais pu aimer le traitement des médias, très pertinent sur le fond : en entrecoupant son scénario d'innombrables interventions télévisuelles, souvent outrancières et hors de propos, Frank Miller illustre bien le parasitage permanent des médias dans nos existences (une vingtaine d'années avant BFM et les réseaux sociaux !) Mais trop c'est trop, l'insistance, la répétition, sont lassantes et ne font que rendre la lecture pénible. Le bombardement d'informations est d'ailleurs l'une des caractéristiques essentielles de "The Dark Knight Returns". C'est sans doute la raison pour laquelle je n'ai, entre autres, pas bien saisi les causes qui mènent à l'affrontement final entre Superman et Batman, par conséquent le point d'orgue du récit est tombé à plat. Pour le coup une relecture serait nécessaire. Encore faudrait-il en avoir envie.

Je suis très chagriné d'être passé à côté de cette BD, et si mon modeste avis de lecteur déçu n'enlèvera évidemment rien à son statut d'oeuvre emblématique et adulée, ça va un peu mieux en l'exprimant. Alors que je me faisais une joie de poursuivre ma découverte des grands classiques de Batman qui manquent encore à ma culture comics, maintenant j'appréhende de lire des chefs-d'oeuvre reconnus comme "The Killing Joke" ou "Arkham Asylum"...
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Ce "Dark Knight Returns", de l'auteur américain Frank Miller, est un classique des récits du Chevalier Noir. Publié en 1986, il marque une vrai rupture, dans la représentation (dans tous les sens du terme) du justicier de Gotham, alors encore très tributaire de l'image véhiculé par la série TV des 60's.

Miller choisit de montrer un Bruce Wayne quinquagénaire, porté sur la bouteille, ruminant (encore et encore) l'assassinat de ses parents et, dans une moindre mesure, celui de Jason Todd (ex Robin, voir "un Deuil dans la Famille") et que personne n'a vu depuis 10 ans. A un point tel, que les plus jeunes ("je vous parle d'un temps que les moins de...") pensent que le Batman est une légende. Face à la criminalité grandissante à Gotham, et au retour d'un vieil ennemi, Bruce Wayne décide de ressortir la cape et la cagoule...

Sacré rupture, donc. Sur le papier, il y a tous les ingrédients pour que ce récit en quatre chapitres deviennent effectivement un classique. Et, en bon historien de l'art, je dirais que, d'un point de vue iconographique (l'évolution de la représentation de Batman), c'est indéniable. Par contre, du strict point de vue formel, je suis carrément frustré, tant j'ai l'impression que Miller s'est bien foutu de la gueule de tout le monde en rendant son brouillon, sans que personne ne s'en rende compte.

Déjà, il faut le dire, Miller est loin d'être un grand dessinateur, c'est même assez moche à regarder. Et pire, cela nuit parfois à la lisibilité de l'ensemble. Cela aurait pu être compensé par la composition des planches, mais elles sont relativement semblables (avec de nombreux encarts illustrant les commentaires des journaux TV et autres talk show sur l'évolution de la situation), la monotonie étant parfois rompue par une pleine page inspirée.

L'histoire est plutôt sympa, mais certaines scènes (je pense au combat contre le Joker) auraient méritées un traitement plus "grandiose" visuellement, l'enchainement entre les différentes parties est un peu "à la va comme je te pousse" et la fin parait un peu artificielle. le contexte général (augmentation de la criminalité, tension géopolitiques etc...) est plutôt bien (trop ?) rendu, notamment grâce aux encarts représentant les médias. Au niveau des personnages, c'est dommage que Batman reste un peu bloqué sur le meurtre de ses parents. L'occasion aurait été belle de tirer le bilan de 30 ans de lutte contre le crime. Sinon, j'aime bien le commissaire Gordon, vieillissant, désabusé, alors que la retraite est là. Enfin, l'idée d'une fille pour incarner Robin était bonne, mais pas assez exploitée à mon goût, notamment en ce qui concerne la relation héros / sidekick.

Au final, une histoire qui avait un énorme potentiel, mais dont le rendu parait foutraque, un peu bâclé. Et je ne parle pas des positions politiques de l'auteur qui transparaissent et agaceront peut-être...Mais ce n'est pas encore ce qui me gêne vraiment, la liberté d'expression c'est quand même pas fait pour les chiens. Et puis il faut avouer que sa vision de la société, "à la dirty harry", se prête assez au personnage de Batman.

Dans le genre, j'ai quand même largement préféré le "Year One", ou Miller, épaulé par David Mazzucchelli aux dessins, ne réitèrent pas ces erreurs.
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Cela fait 10 ans que Bruce Wayne a raccroché la cape de Batman pour mener uniquement une vie civile. Il a même renoncé à son voeu d'abstinence pour goûter les plaisirs gustatifs de l'alcool. Mais cet été là, la convergence de plusieurs circonstances le fait revenir sur sa décision : il ne peut plus rester les bras ballants devant une société du "moi d'abord" dont les dirigeants élus guident la ville de Gotham et les États Unis sur la base de sondages de popularité. À 50 ans passés, Batman reprend du service et cette fois chaque intervention est définitive. C'est ce que vont apprendre à leurs dépends Harvey Dent, le Mutant Leader, le Joker et même Superman.

Lorsque ce comics parait en 1986, c'est une révolution. Aujourd'hui encore, il reste une des 10 meilleures histoires de Batman et un récit qui prend aux tripes de la première à la dernière page. Frank Miller ne se contente pas d'une projection dans l'avenir du personnage pour mettre un point final à son histoire avec Joker. Il fait le constat d'une ville meurtrière où chaque individu est une victime potentielle qui viendra grossir les statistiques de la criminalité (dans une ambiance paranoïaque qui rappelle les passages les plus désespérés des romans de Patricia Cornwell). Il utilise l'hégémonie de la société du spectacle pour tourner en ridicule l'utilisation des plus bas instincts de l'homme pour faire de l'audience. Dans ce contexte, la résurgence de Batman s'apparente à un retour à des valeurs traditionnelles à l'opposé des paillettes et du mercantilisme outrancier d'un capitalisme impitoyable.

Les illustrations sont également viscérales et très travaillées. de prime abord, le lecteur peut être rebuté par des dessins peu plaisants à l'oeil, voire laids dans certaines cases (l'apparence du Mutant Leader par exemple). Mais rapidement, il apparaît que Miller a mis au service de l'histoire toute l'expérience qu'il a acquise sur Daredevil et Ronin. Ce tome comprend quelques pleines pages superbes (par exemple Batman tenant le corps d'un général qui vient de se suicider avec le drapeau américain comme linceul) et beaucoup de pages comprenant de 10 à 16 cases. Là encore la forme est indissociable du fond. Les pleines pages donnent à fond dans une iconographie de superhéros déconnectée de tout réalisme : Miller s'en sert pour mettre en image la légende, le coté plus grand que nature du Batman. Les pages divisées en une multitude de cases servent à donner un rythme rapide, une sensation d'instantanéité consubstantielle de la télé en insérant des fragments de dialogues de talk-show.

L'utilisation des ces talk-shows est magistrale. le lecteur assiste en direct à la récupération des actions de Batman par l'industrie de la télévision. Non seulement ce dispositif narratif permet au lecteur de mesurer l'impact du Batman dans la société américaine, mais aussi les différentes valeurs morales qui vont se cristalliser face à cette légende urbaine. Encore une fois, Frank Miller ne vise pas le réalisme ; il se conforme aux codes des récits de superhéros qui exigent une suspension consentie de l'incrédulité (suspension of disbelief) pour croire à ces gugusses costumés. le fan de superhéros retrouvera tous les points de passage obligés du genre : échange de coups de poings, démonstration de superpouvoirs, résistance hors du commun du héros (Miller y va vraiment fort sur cet aspect là), etc. Il retrouvera également tout l'univers de Batman dans des versions plus ou moins déformées : la Batcave, Alfred Pennyworth (avec un humour toujours aussi sarcastique), Robin (Carrie Kelly), James Gordon, Selina Kyle, Green Arrow, etc.

Attention, ce Batman n'est pas pour les enfants. À son âge, chaque coup doit compter et il ne fait pas dans la demi-mesure : il est violent, cruel, sadique, déterminé, obsédé même par sa soif de justice et de vengeance. Là encore, à l'aide de visuels savamment pensés, Frank Miller donne une nouvelle interprétation de la chauve-souris comme animal totémique sans tomber dans le ridicule.

L'encrage de Klaus Janson est parfaitement à l'unisson des dessins de Miller. le lecteur ne perçoit aucun hiatus entre l'illustration et son rendu encré. La fusion entre les 2 est parfaite. Et ces illustrations bénéficient de la mise en couleur de Lynn Varley qui elle aussi fait preuve d'une inventivité et d'une sensibilité adulte. Elle opte pour une palette moins agressive que les comics habituels tout en distillant quelques touches de couleurs vives qui n'en ressortent que plus.

J'ai déjà lu une bonne dizaine de fois cette histoire et je ne m'en lasse pas. À chaque fois la force du récit me prend aux tripes et m'emmène dans cette vision noire de la vie urbaine, dans cette force de la nature qu'est Bruce Wayne, dans cette critique d'une société dédiée à la poursuite du divertissement, dans ce grand défouloir ou le bon triomphe des méchants, dans cette cruauté qui imprègne chaque relation humaine (même si je ne suis pas forcément d'accord avec les prises de position de l'auteur). Frank Miller a donné une suite à cette histoire dans The dark knight strikes again.
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Frank Miller est quelqu'un qui aura beaucoup apporté à Batman. Aussi bien par l'intensité dramatique qu'en explorant les origines de ses personnages, il est sans doute l'auteur le plus influent parmi ceux qui auront orienté ce super-héros vers un univers résolument sombre et adulte. En découlent des récits haletants doublés d'un certain nombre de questionnements sur la justice et d'élégies sur notre humanité si fragile.
Mais Frank Miller, c'est aussi beaucoup de sorties provocatrices, une fascination pour la violence, et de nombreuses accusations de fascisme. Un cas épineux que je ne pouvais pas me contenter d'éluder : si je ne fais d'ordinaire jamais de politique dans mes critiques (et j'insiste : dans mes critiques, plus sur le blog en général), ici il va bien falloir que je livre malgré tout une analyse de ce qui m'a déplu dans sa pensée, d'autant plus que je m'attaque à son oeuvre-phare : The Dark Knight Returns.

Scénario

TDKR innove en ceci qu'il fait vieillir Batman à l'occasion de ses cinquante ans : un parti pris surprenant pour l'époque mais tout à fait cohérent avec le personnage. En effet, Bruce Wayne affaibli face à une Gotham toujours aussi tentaculaire ne fait que renforcer le pessimisme de l'univers, et accentue ce que Miller appelle lui-même « des tourments wagnériens ». La plupart des super-héros possèdent une retraite confortable ; mais il en est un qui ne s'en satisfait pas. Nous découvrons donc un Batman torturé par son inaction face à l'injustice, hanté par l'idée qu'il mourra en laissant Gotham aussi dangereuse qu'il l'avait trouvée, fasciné par la mort au point de l'esthétiser à travers les différentes façons d'envisager la sienne. Mais Batman n'a plus de Robin, Gordon s'apprête à quitter son poste, et Albert aurait dû embrasser une vie plus paisible depuis bien des années. Bien entendu, l'arrivée d'un certain Gang des Mutants, sur fond d'une petite guerre de routine des USA contre un petit État d'Amérique latine, va forcer notre justicier à reprendre sa casquette…
Sur ces faits qui fleurent bon la joie de vivre, Miller va déchaîner tous les principaux antagonistes du Batverse tout en en faisant apparaître quelques nouveaux : Double-Face, le Joker, Superman, le nouveau et tout frais gang des Mutants, et Catwoman qui reste malheureusement de côté en maquerelle grisonnante. Là où des comics plus récents comme Silence se vantaient de réunir tous les personnages de Batman (tout en oubliant le Pingouin) pour accoucher au final d'un récit boursouflé et incohérent, on assiste ici à une surprenante maîtrise de la succession des adversaires au sein du récit : ni trop peu ni trop nombreux, ils s'enchaînent en rythme tout en faisant franchir à chaque affrontement un nouveau palier dans l'élévation de Batman au rang de légende.
Batman oblige, le Joker possède une place de choix : si vous n'avez pas réussi à regarder The Dark Knight jusqu'au bout, sachez seulement que ce n'est rien par rapport à ce qui vous attend ici. Plus laid et vicieux que jamais, il prépare une revanche pour toutes ces années passées à l'asile d'Arkham. Une case en particulier, dans une certaine émission télé, n'a pas fini de me traumatiser… Des trucs que je ne souhaiterais même pas à Ruquier ou à Hanouna.
Enfin, le retour d'un justicier violent et s'érigeant au-dessus des lois n'est pas sans déranger quelques figures intellectuelles ou judiciaires. le récit est donc ponctué de différents débats et journaux télévisés visant à établir si Batman doit ou non se faire arrêter par les flics. La question elle semble vite répondue… jusqu'à ce que des gens se voulant les alliés de Batman aillent bien, bien plus loin que lui.

Dessins

Disons-le : j'ai mis du temps à me décider sur l'aspect plastique. le style de Frank Miller est le total opposé de celui qu'on attendrait pour les super-héros : simple, sans grand décor, à la fois nerveux et rigide, le tout en privilégiant des cases petites voire le gaufrier. S'il adopte ce qu'en BD franco-belge nous appellerions le style « fil de fer », il est loin de posséder la précision d'un Schuitten ou l'harmonie d'une « ligne claire » à la Hergé ou Jacobs ; les personnages sont carrés et tout en muscles, avec un mélange entre simplification et détails prosaïques qui rappellent presque au premier abord des dessins d'enfant. Se faire surprendre, pourquoi pas ; mais les scènes d'action en prennent un coup.
Du moins, c'est ce que je me disais… jusqu'à ce que je me prenne une claque avec une scène grandiose et tragique montrant un Superman au bord de l'agonie. le travail des couleurs y sublime la scène, tout comme il vient rajouter à l'album avec ce qui semble de l'aquarelle cette esthétique assez unique. le style pictural est également adapté au récit qu'il raconte : la vie de différentes boules de nerfs ambulantes, qui passent plus de temps à appréhender le prochain coup de l'autre qu'à se caillasser. Et ça caillasse beaucoup.
On trouve aussi des découpages très intéressants (bien que pas si novateurs si comme moi vous avez eu des cours de fac sur l'underground de la BD) : case scindée en deux rompant un gaufrier pour signifier l'écoulement d'un silence, grandes images longeant d'autres petites pour montrer d'un côté les catastrophes et de l'autre l'intensité de l'urgence du compte à rebours avant la prochaine, changement de couleur des cartouches pour indiquer qu'on change de voix off… Autant d'expérimentations qui servent toujours le récit plutôt que de le complexifier.

Fond politique

Mais vous m'avez vu venir, là où je serai plus réticent, c'est bien entendu le message qu'il y a derrière. Si dans les productions comics récentes, l'ambiguïté sur l'héroïsme que suscite nécessairement un milliardaire tabassant impunément les pauvres a été exploitée avec intelligence selon la critique par Batman White Knight (que j'ai choisi de ne pas lire pour tout un tas de raisons, ce qui s'avère une décision que je commence à sérieusement regretter), ici nous sommes dans la pure tradition conservatrice et libertarienne dans laquelle Batman a infusé. Gotham City est rongée par l'insécurité due au laxisme des autorités, et il nous faut un homme fort (j'ai envie de dire : providentiel) pour nous sauver. Et qui de mieux pour ça qu'un riche pour remettre tout le monde dans le droit chemin ? Quant aux criminels, les seuls motifs sociologiques qu'on avance sont des excuses incompréhensibles ou bidons servies par des hommes de paille sur les plateaux télés. Ils semblent être méchants juste parce qu'ils sont méchants (la palme revient à la néonazie avec des croix gammées tatouées sur les seins). La seule critique intelligente qui en ressort est que Batman est motivé avant tout par le sexe qu'il refoule : quand on voit Wayne qui accepte un duel avec le chef des Mutants juste parce que « son corps l'appelle », on se demande si Miller n'a pas fait, peut-être malgré lui, une brillante analyse de ses pulsions profondes.
Là où ça devient véritablement problématique, c'est que Batman va bien plus loin dans la violence que ce à quoi on était habitués, décidé même à la fin à faire ce qu'il s'était toujours interdit : tuer, même un être aussi dangereux et irrécupérable que le Joker. le message autour des méchants peut se résumer ainsi : « les ennemis ne changent jamais : détruis-les avant qu'ils ne te détruisent ! » Les vies des Soviets ne comptent visiblement pas, soit dit en passant : Superman en dézingue à la pelle alors qu'il continue d'être le Gary Sue de DC Comics.
The Dark Knight Returns, c'est l'anti-Watchmen, sorti à la même époque : un comic super-héroïque introduisant des thématiques philosophiques et expérimentant de nouvelles formes d'histoire et de narration, mais délivrant un message politique d'un bord totalement opposé. Je ne suis ni le premier ni le dernier à le dire. Quand Alan Moore critiquait fermement les méthodes expéditives d'un Rorsach ou un Comédien, ici elles semblent les seules envisageables pour faire régner l'ordre. Ça passe quand ça casse.

« J'ai des droits… »
KRAAAASHHH
« Tu as des droits. Des tas de droits. Parfois, je me surprends à les compter jusqu'à en devenir fou. Mais dans l'immédiat, tu as un éclat de verre planté dans l'artère de ton bras. Tu te vides de ton sang. Et je suis la seule personne au monde qui puisse t'amener à l'hôpital à temps. »

Ceci étant posé, Frank Miller ne va pas non plus faire une promotion de la violence totalement décomplexée : on est tout de même dans une BD se voulant avoir une dimension philosophique, il faut donc s'interroger un minimum sur le moment où elle cesse d'être légitime. Et les admirateurs de Batman adoptent un tel puritanisme qu'ils finissent finalement par desservir leur cause. Jusqu'à ce que Batman les prenne en main… et montre qu'un héros ne sert pas qu'à la baston.
La misère sociale n'est pas totalement occultée : Bruce Wayne refuse de s'en prendre au menu fretin qui n'a choisi l'illégalité que pour survivre à la pauvreté (on trouve d'ailleurs quelques belles pages bien que complètement désespérées sur la misère sociale, dont notamment une qui m'a fortement ému). Les femmes ne sont pas non plus en retrait, avec quelques figures très déterminées… dont le nouveau Robin, et d'autres illustrant des réalités plus tristes (comme Catwoman). Miller condamne également les racistes et les homophobes par différents personnages secondaires, trop stupides pour donner envie d'être comme eux ; au final, le discours reste suffisamment nuancé pour qu'on accouche de l'oeuvre d'un conservateur autoritaire plutôt que d'un facho pur jus.

Bon, bon, bon…

Par contre, la production récente de l'auteur ne s'encombre pas de toutes ces subtilités. Miller était militariste et patriote dans TDKR, soit ; mais cela l'a peu à peu amené à devenir xénophobe, notamment envers le Moyen-Orient. Parmi ses récents faits d'armes, il a notamment incorporé Greta Thunberg au sein des méchants de l'univers DC sur la dernière planche de sa courte BD The Golden Child. le comble étant qu'il l'a réalisée pour lutter contre les dérives populistes…
Niveau dessin, on a définitivement basculé dans l'auto-caricature. L'autre jour, durant mon pèlerinage hebdomadaire à l'excellentissime librairie de bandes dessinées L'étrange rendez-vous, je tombe sur Terreur sainte, son brûlot post-11 septembre. Et les persos sont… comment dire ? des bites sur pattes qui se marravent de la façon la plus bourrine possible.
Enfin, quitte à râler, touchons un mot de DC, dont la politique est incompréhensible pour le néophyte. Double-Face retrouve un visage normal dans TDKR, mais aussi dans Silence. Bon, la maison a fait des reboots, toussa toussa, mais Miller continue de sortir des suites à son Dark Knight ! Donc, qu'est-ce qui est canon et qu'est-ce qui ne l'est pas ?

Conclusion

Bref, The Dark Knight Returns est un classique de la BD étasunienne, à lire ne serait-ce que pour son intérêt historique. de mon côté, j'y ai trouvé ce que j'attendais d'une aventure de Batman, bien qu'au départ j'aie eu toutes les peines du monde à m'y accrocher. Si on met de côté le fond idéologique douteux de l'auteur, on découvre un récit intelligent et rythmé qui n'a eu de cesse de nourrir les imaginaires. Il paraît qu'on en a sorti un dessin animé très cool, qu'il faudra bien que je regarde un jour, car après tout, c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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critiques presse (3)
SciFiUniverse
29 décembre 2022
Un récit de super-héros aussi divertissant que riche dans les thématiques qui l'aborde. Un jeu avec l'univers de Batman, voire de DC Comics, qui nous offre un récit sombre, pessimiste et d'une grande puissance. Le tout étant sublimé par un dessin stylisé captivant aux couleurs éclatantes et une utilisation du noir fantastique. Frank Miller nous assène son œuvre que l'on se prend comme une bonne droite de la part de Batman. Et on en redemande...
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Sceneario
08 octobre 2012
Cette œuvre révolutionne l'univers du comics et du Batman, en lui donnant un ton plus sombre, plus adulte, ce qui va relancer l’intérêt pour ce héros. Le scénario de Frank Miller est vraiment surprenant et passionnant.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Auracan
24 août 2012
Ce troisième volet, qui se veut une conclusion de la trilogie est presque une redite des deux premiers films.
Lire la critique sur le site : Auracan
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
La star du porno Hot Gates vient de signer un contrat de douze millions de dollars avec Landmark Films pour interpréter Blanche-Neige à l’écran. « Je fais ça pour les gosses », a déclaré Gates…

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Ça n'a pas été facile à synthétiser... ça a demander des années... et une fortune... par chance, j'avais les deux... Tu commence à comprendre, Clark... c'est la fin... pour tous les deux... Nous aurions pu changer le monde...et là, REGARDE-NOUS... Je suis devenu... un ENJEU POLITIQUE... et toi... tu es... une CARICATURE... je veux que tu te SOUVIENNE, Clark... pour toutes les années à VENIR... dans tes moments les plus INTIMES... Je veux que tu te SOUVIENNES... de ma MAIN... sur ta GORGE... je veux que tu te SOUVIENNE... du seul homme qui t'ait BATTU...
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Alfred : Monsieur Bruce ? Vous avez déclenché l’alarme. Votre somnambulisme commence à poser problème, du moins pour ceux qui, comme moi, préfèrent dormir dans leurs lits.

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Selon le père Don, Led Zeppelin adresse une prière subliminale à Satan dans « Stairway to Heaven ». Ils l’ont bien cachée en l’enregistrant à l’envers.

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- Ironie du sort, aujourd'hui marque également le dixième anniversaire de la dernière apparition publique de Batman, décédé ou en retraite, on ignore ce qu'il est devenu. Nos téléspectateurs les moins âgés ne se souviennent probablement pas de Batman. Un sondage récent indique que la plupart des lycéens le prennent pour une légende. Mais il a bel et bien existé. Aujourd'hui encore, la controverse concernant la légitimité de sa guerre contre le crime se poursuit. Pour ma part, j'espère qu'il se porte bien et qu'il célèbre cet anniversaire avec des amis, autour d'un verre.
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Frank Miller & Geof Darrow s'associent une nouvelle fois pour une bande dessinée à grand spectacle ! Big Guy puise ses sources au coeur des pop cultures japonaises et américaines pour un pur moment de jubilation dessinée !
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