Voilà un témoignage bouleversant et authentique sur la Chine Maoiste , notamment sur les cent fleurs, le grand bond en avant, la révolution culturelle et le goulag chinois à travers la vie de chen ming. Il a subi ces tragédies de manière digne, courageuse, fidèle à lui même, avec le soutien de sa femme, comme beaucoup de chinois. Son livre nous apprend beaucoup sur les absurdités des systèmes totalitaires et des exclusions sociales envers n'importe quel individu. Pour ma part, il m'a convaincu de l'importance de la démocratie, les libertés, la culture, la vie , le bonheur, l'authenticité. C'est fondamental aujourd'hui.
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La maison dans laquelle je suis né était composée de quatre bâtiments entourant une cour intérieure. Au sud et au nord se trouvaient trois pièces, à l'ouest et à l'est s'en trouvaient deux autres, chacune abritant une famille différente. La cour intérieure était très petite et résonnait régulièrement des disputes de chaque logement. Mes parents qui ne gagnaient que soixante-dix mao par mois, logeaient dans le bâtiment de l'ouest. Dans cette habitation, une seule ouverture d'à peu près trente centimètres sur dix tenait lieu de fenêtre. Le jour, on ouvrait le rideau pour permettre à la lumière de pénétrer notre petit intérieur et la nuit, quand il pleuvait et ventait, on tirait le rideau afin de se protéger contre le froid. Pour le repas du soir, nous allumions une lampe à huile dont la flamme n'était pas plus grosse qu'un germe de soja, si bien qu'il était impossible de savoir si les bols étaient propres ou sales. Mais de toute manière, nous avions trop faim pour nous en soucier.
Lors de ma première année d'école, je vis souvent ma mère les sourcils froncés par l'inquiétude, les yeux perdus dans le vague. Elle allait bientôt avoir cinquante ans, ses cheveux étaient déjà tout gris. Son teint était jaune, sa peau toute fripée. Elle poussait régulièrement de petits soupirs en hochant la tête sans pouvoir exprimer le fond de ses pensées. Notre repas quotidien se résumait souvent à un unique pain à base de sorgho. Parfois nous ne mangions pas à notre faim. Je pensais alors aux enfants qui tous les jours se régalent de petits pains bien cuits à la vapeur et mangent de la viande quand ils en ont envie. Dans le cerveau de l'enfant que j'étais, l'idée de la misère s'éclairait chaque jour un peu plus. L'enfance heureuse fut pour moi un rêve inaccessible qui ne pourrait pas revenir.