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3,64

sur 348 notes
Puisque ce recueil contient quatre nouvelles, je vais en choisir deux, tellement elles contiennent de monde à la fois antique, traditionnel, inextricablement lié aux rites japonais et d'ouverture sur ce qui peut advenir dans le futur.

1- Dans « Les sept ponts, » où des amies se donnent pour but de franchir sept ponts durant la nuit, dans le silence le plus absolu, pour que se réalisent leurs voeux (amour et argent) Mishima réfléchit sur le désir de ces femmes, sur leurs prières, qui ne peuvent, par leur sincérité, qu'émouvoir la lune.
L'une d'elle doute, cependant : la souffrance qu'elle éprouve à marcher aussi longtemps s'arrêterait –elle si elle abandonnait ses absurdes illusions ?
Bonne question.
Les désirs ne seront pas exaucés, ce sont des rêves enfantins auxquels l'auteur ne croit pas, sauf pour la pauvre servante dont nous ne connaissons même pas le désir.

2- Dans « Patriotisme », Mishima détaille longuement la volonté d'un lieutenant de se faire « seppuku », de le faire par honneur, par amitié surtout, avec joie, d'autant que la femme qu'il aime le suivra, dit-elle et il en sûr. “Eros et Thanatos sont non seulement liés, ils sont concomitants, et presque les deux faces d'une même monnaie.
Rappelons-nous les visages possédés par l'orgasme d'une Sainte Thérèse d'Avila, sa « transverbération » peinte par Josefa de Obidos, et sculptée par le Bénin : elle est transpercée, mystiquement traversée par l'amour… de Dieu. Il n'y a Dieu que Dieu, qui puisse ainsi prendre possession d'un corps qui vibre.
Le même orgasme peut se voir dans le martyr de Saint Sébastien ( Tiepolo, José de Ribera, et surtout Rubens, là ou ce sont des amours qui viennent enlever la flèche) transformant ce saint en une icône sadomasochiste, dont Mishima avoue avoir été son premier émoi amoureux.
Raconter un suicide rituel serait simplement une horreur, si Mishima, avec son sens aigu de l'analyse, ne nous préparait pas, en décrivant justement les préparatifs de ce suicide, et l'amour fou qui lie les deux amants, à accepter que l'amour aille jusque là : ouvrir le col du mari pour que le couteau entaille. Cette nouvelle écrite en 1961 anticipe-t-elle, dans l'esprit de Mishima, sur son vrai seppuku en direct. ? Il avait déjà participé au film de 1966 sur sa nouvelle Patriotisme.

Curieusement, je pense que la question n'est pas sur ce que dit (et fait !) Mishima, mais la façon tellement littérairement réjouissante, sans espoir pourtant, absolument sans espoir, et à la fois détaillée, descriptive et elliptique, un bijou de nouvelles que nous offre l'auteur. Ce n'est pas l'amour plus fort que la mort, ça, nous y sommes hollywoodement habitués , c'est l'amour donc la mort.
Il faut lire ces pages d'ivresse devant la mort, nous ne sommes pas obligés de nous faire suppuku en refermant le livre.
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Je me souviens de la nouvelle intitulée « Patriotisme ». Avec cette courte nouvelle, Mishima atteint le sublime. La concision du récit, la finesse des descriptions en font une oeuvre magistrale. Se référant à un fait divers de 1936, il met en scène un officier de la garde impériale qui n'a pas su empêcher une tentative de putsch, si mes souvenirs son exacts. Cet officier, se considérant responsable de l'échec, il décide, par loyauté envers son pays, à l'empereur, de se faire seppuku. Alors là, tenez vous bien ! On assiste dans les moindres détails à la préparation et à l'exécution du rituel, aidé par son épouse, qui le rejoindra dans la mort aussitôt après. le sabre perforant l'abdomen en croix, la douleur se lisant sur le visage inondé de sueur du personnage, le sang maculant peu à peu le kimono, dont les projections perleront le tatami. Les intestins se vidant peu à peu sur le sol avant la chute finale du corps. Dans le court-métrage qu'il en fera lui-même peu de temps après, il s'agit, si je me souviens bien, d'un long plan-séquence. Fascination pour un homme se donnant la mort. Fascination pour la mort ? Peut-être, car lui-même, après son putsch manqué en 1970, se donnera la mort de la même façon.
Après cette nouvelle, vous comprendrez que je ne me souvienne plus beaucoup des autres, qui composent le recueil. Qui a lu ou vu « Patriotisme » ne peut pas l'oublier ! de plus, il me semble qu'il s'agit là d'une partie de l'âme du Japon que Mishima nous restitue avec un raffinement inouï.
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Assemblage hétéroclite
Je n'ai pas été très emballée par ce recueil traduit de l'anglais par Dominique Aury. Mishima est mort depuis 50 ans. Il faudrait songer à traduire ces nouvelles directement du japonais.

1) Dojoji
C'est une toute petite pièce de théâtre. du nô revisité. Mais je suis assez déçue moi qui avais été enchantée par "Cinq nô modernes". Cela commence très bien pourtant comme un vaudeville : une vente aux enchères d'une énorme armoire, vraiment, vraiment énorme.. Les prix grimpent, grimpent et les bons mots fusent, quand survient une danseuse qui casse les prix et l'ambiance. Cela vire au drame obscur. Je n'ai pas tout compris. Est-ce la traduction ? Je ne peux m'empêcher de penser qu'Edogawa Rampo aurait fait mieux !

2) Les sept ponts
Un petit conte à la sauce moderne plutôt sympa. Deux geishas, une fille à papa et une petite servante disgracieuse se livrent à un singulier pélerinage. Elles doivent traverser sept ponts en plein Tokyô, prier et s'abstenir de bavarder pour que leurs voeux soient exaucés. L'histoire est bien menée, amusante du début à la fin avec une chute inattendue.

3)Patriotisme
L'histoire s'appuie sur un fait réel. En 1936, une tentative de coup d'Etat militaire échoue. le lieutenant Shinji bouleversé d'apprendre que ses proches camarades font partie des mutins et indigné de voir des troupes impériales attaquer des troupes impériales, prend son sabre et s'éventre rituellement. Sa femme Reïko suit son exemple et se poignarde.
C'est sur cette sombre histoire édifiante que Mishima brode avec force détails esthétisants. La mort envisagée comme une oeuvre d'art n'est pas ma tasse de thé du tout. La soumission idéalisée de la femme non plus. La glorification du fanatisme encore moins.

4) La Perle
On termine par du léger.
Madame Sasaki invite quatre amies du même âge pour son anniversaire. Avant de les recevoir, elle enfile une bague ornée d'une perle à son doigt. La perle tombe contre le rebord du plat contenant le gâteau. Madame Sasaki décide de s'en occuper plus tard. Ces dames arrivent, Madame Sasaki "nage dans le bonheur" jusqu'au moment où elle se rappelle la perle qu'elle a laissée. Mais où exactement ? On la cherche, on feint de la chercher, on dit qu'on l'a avalée...Ah ! Ces femmes tellement superficielles, égoïstes et méchantes entre elles !
La nouvelle est certes un tantinet misogyne et cruelle mais bien amusante.






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Pour une fois, le quatrième de couverture ne trompe pas le lecteur sur la marchandise. Il s'agit bien de faire connaissance en quatre courtes nouvelles avec l'univers de Mishima (pour 2 malheureux euros ! aucune excuse pour ne pas profiter de cette occasion....!). C'est donc par ce court recueil que j'ai commencé. Il m'a plus tant les nouvelles sont différentes tant par la forme (une pièce de théâtre dans "Dodoji"), que le ton (léger dans "La Perle"), et le thème (les geïshas dans "Les Sept Ponts").

Mention spéciale pour "Patriotisme", où il vaut mieux avoir l'estomac (et le ventre) bien accrochés, tant la violence des mots et des images est forte. le lecteur en devient presque fasciné par la fascination du lieutenant pour la beauté de sa propre mort. Deux thèmes chers à Mishima : beauté et mort; la boucle est bouclée...

Ce recueil m'a donné envie de poursuivre ma découverte de cet auteur.

http://centribook.blogspot.com/

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« ...elle fut incapable d'en comprendre les raisons, et dut se contenter de se dire qu'en ce monde rien n'est impossible. »

Cet extrait de la nouvelle « La Perle », je me permets de le reprendre pour commencer ce petit billet. Voilà un recueil de nouvelles de Yukio Mishima, dont toutes n'ont pas la même force, abordent des thèmes différents et ont des formes variées (une petite pièce de théâtre s'est glissée dans les quatre textes).

Je n'en retiendrai qu'une pour sa puissance d'évocation. J'ai été subjuguée par la beauté et la force du texte de la nouvelle intitulée « Patriotisme ». Ce sont les derniers instants d'un lieutenant et de son épouse qui décident de se donner la mort.

Je me suis arrêtée un long moment pour essayer de comprendre et plus je creusais, plus des liens se faisaient dans mon esprit, sans pour autant arriver à tout comprendre. Tout d'abord savoir que l'auteur s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970 donne une autre lecture de ce texte écrit dix ans auparavant. Jonquet y faisait référence dans le manoir des immortelles. J'étais intriguée. La culture japonaise devait être très forte dans l'esprit de Mishima pour qu'il puisse exprimer avec un tel réalisme empreint d'idéalisation de l'acte, des scènes d'une violence rare. Par ailleurs, ces nouvelles reprises dans ce recueil Dojoji, sont elles-mêmes extraites du recueil La mort en été. Or, la traduction avait été assurée par Dominique Aury. C'est peut-être également pour cela -et inconsciemment car je ne l'ai découvert qu'après ma lecture-, que j'ai d'autant apprécié cette nouvelle, car D. Aury a une plume qui me charme et m'envoûte lorsqu'elle évoque l'abandon amoureux. Je me trompe peut-être ou je n'arrive pas à exprimer de manière précise ce ressenti mais je fais un lien entre ces deux auteurs. Eros et Thanatos. Un grand texte qui soulève beaucoup de questions. Peu importe si je ne trouve pas toutes les réponses …il suffit de savoir que dans « ce monde rien n'est impossible ».
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Cette édition propose quatre nouvelles de l'auteur.
Elles ont été écrites sur une période de presque 10 ans, au cours des années 50. Ceci peut, peut-être, expliquer leur grande diversité:
. de forme ("Dojoji" qui donne son nom au recueil prend la forme d'une scénette de théâtre) ;
. de puissance ("Patriotisme" est pour le moins saisissante et on y tourne certaines pages avec effroi ; "La perle" traitée tendrement est bâtie sur une situation qui met en avant l'ironie) ;
. de rémanence ("Les sept ponts", qui ne m'avait pas particulièrement interpellée à la lecture, s'est souvent invitée dans mes pensées par la suite).

Ce qui néanmoins place ces nouvelles dans une même dimension, c'est l'exploration que fait Mishima des traditions, de la culture et des légendes d'un Japon quasi mythique.

Dans "Patriotisme", en 40 pages, l'auteur décrit par le menu un "seppuku", la forme rituelle japonaise de suicide masculin par éventration. Il sagit même de la version la plus douloureuse, le jumonji-giri, qui consiste à rajouter une coupe verticale (de haut en bas) à la coupe horizontale faite sous le nombril, pour marquer sa volonté d'expiation.
Au cours de la lecture de cette nouvelle, on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur, Yukio Mishima, choisira 10 ans plus tard, le 23 novembre 1970, de se donner la mort à Tokyo en suivant un rituel similaire.
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Dojoji et autres nouvelles est un recueil composé d'une pièce de théâtre et de 3 nouvelles.
J'ai un peu de mal après coup à trouver une thématique principale de ce recueil. La pièce de théâtre, Dojoji, commence comme une pièce comique autour de la vente aux enchères d'une vieille armoire, mais s'intéresse en fait à l'amour sous sa forme la plus passionnée, et aux dérives qui en découlent. Si l'Eros n'est pas loin du Thanatos, c'est dans "Patriotisme" que cette tension est le plus approfondie, dans l'histoire de cette femme qui suit dans la mort son militaire de mari résolu au seppuku en réponse à un dilemme moral. "Les sept ponts" nous transportent directement en plein coeur des traditions japonaises, selon lesquelles il faut prier 7 fois après avoir parcouru 7 ponts pour que son voeu se réalise. Enfin, "La perle" évoque avec beaucoup de talent les relations souvent complexes qui relient les femmes.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce petit recueil. Mishima évoque avec facilité et subtilité le pays du Japon traditionnel, et en quelques phrases nous fait voyager dans un endroit où l'on a l'impression que le temps s'écoule différemment. Il nous fait part de la fascination qu'il a pour ces traditions. J'ai par exemple trouvé que "Patriotisme", la plus longue nouvelle du recueil, se complaisait un peu trop dans une de fascination morbide pour le calvaire subi par le militaire. J'émets ceci dit une mention spéciale pour la scène d'amour tout en suggestion mais d'une beauté incroyable qui s'y trouve.
Là où Mishima m'a vraiment étonnée, c'est qu'en tant qu'homme, il a su décrire et comprendre quelque chose de profondément juste et universel au travers de ses personnages féminins, et pour cela, Dojoji, la pièce de théâtre, est mon vrai coup de coeur du recueil.
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Recueil de quatre nouvelles très différentes par le thème et la force. La troisième, "Le Patriotisme", est celle qui m'aura le plus marquée et intéressée. Il s'agit de ce type d'histoires, si tragiques et si violentes, qu'il est impossible de les oublier.
Un bon ouvrage. Une plume puissante et intéressante.
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Quatre nouvelles de Yukio Mishima écrites en 1966.
1. Dojoji: la vente aux enchères d'une armoire.
2. Les sept ponts: Pour que leur voeu se réalise, quatre jeunes femmes doivent franchir sept ponts au clair de lune.
3.Patriotisme: Un lieutenant , jeune marié, ne peut se résoudre à tuer ses camarades qui seront déclarés rebelles, et décide de s'ouvrir le ventre.
4. La perle: Pour fêter son anniversaire, madame Sasaki invite quatre amies à partager son gâteau garni de perles argentées. Sa bague vient de laisser tomber sa perle de culture...
Ces nouvelles très différentes sont étonnantes et originales.
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Me voilà réconciliée avec la collection Folio 2 euros (maintenant 3) qui cette fois a pour moi pleinement joué son rôle, à savoir me permettre de pénétrer avec bonheur dans l'univers de Mishima, après une première tentative infructueuse.
Ces quelques nouvelles, subtiles et violentes, donnent en effet très envie d'en découvrir d'autres.
Si les deux premières interpellent par leur climat et leur étrangeté, c'est surtout la troisième, "Patriotisme", qui m'a subjuguée, avec ce lieutenant de l'armée impériale qui pour sauver son honneur décide de se donner la mort avec sa jeune épouse. La manière et l'élévation d'âme avec lesquelles ces amants cheminent vers le seppuku est magnétique, et d'une grande beauté malgré la crudité de l'acte.
D'un ton totalement différent, la dernière nouvelle met en scène une sorte de Desperate housewives à la japonaise qui dénonce avec facétie et cynisme le mensonge et l'hypocrisie qui prévalent dans une socité traditionnelle ayant adopté les codes bourgeois.
Prête désormais pour une lecture aboutie de "Confession d'un masque".

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