Plus un commentaire qu'un essai, le Japon moderne et l'éthique du samouraï est une réflexion autour du Hagakuré, texte traditionnel du XVIIe siècle. Mis à l'honneur dans le Japon lors de la seconde guerre mondiale, afin de fortifier l'esprit combatif et la détermination des jeunes nippons kamikazes, ce texte a ensuite été dénigré et brûlé pour incitation à la haine. Cette oeuvre du samouraï Yamamoto Jocho, au service du clan Nabeshima, est une compilation de principes et de réflexions destinés à guider les jeunes samouraïs. Ce texte circula de génération en génération, tenu en haute considération malgré son décalage avec son temps, et fut progressivement popularisé et diffusé à travers tout le Japon jusqu'à la période contemporaine. Mishima a longuement médité les principes délivrés par l'ouvrage, et en a retiré une philosophie de vie, ce qui le conduira au suicide par seppuku.
Le texte de Mishima se décompose en trois parties. Dans la première partie, l'auteur explique l'intérêt du Hagakuré : il décrit sa découverte de ce texte, avant de dresser un parallèle sur les contextes du Japon du XVIIe siècle et celui des années 1950. Mishima estime qu'il y a une évolution des moeurs similaire. Au XVIIème siecle, le Japon est unifié par Tokugawa, qui va instaurer le gouvernement du shôgun, ce qui va être décisif pour la caste des samouraï. Jusqu'ici, leurs compétences guerrières étaient recherchées pour leurs daimyô (seigneurs), et leur valeur de guerrier était prisée avant toute autre. Tokugawa, afin de consolider son emprise sur le Japon favorisa le développement des arts intellectuels chez les samouraïs, qui devinrent peu à peu autant une caste de fonctionnaires que de guerriers. La figure de
Miyamoto Musashi, est assez représentative de cette évolution : le jeune Shinmen Takezo ne deviendra un samouraï accompli qu'en passant par l'étude, l'amour de l'art et du Zen. Mais certains esprits conservateurs comme Jocho s'insurge contre ces changements, qui sont contre les valeurs dans lesquels ils ont été édifiés.
Mishima Yukio se pose dans la même position pour le Japon des années 50. Il est en effet occupé par les Etats-Unis et s'est engagé, par sa nouvelle constitution, à renoncer à la guerre. L'occidentalisation de la société d'alors provoque un certain malaise et perte de repères, qui s'expriment dans la littérature de l'époque.
Dans une seconde partie, Mishima commente de larges extraits du Hagakuré, les citations de Jocho occupant autant de place que la prose de l'auteur. Ce développement est une collection hétéroclite, qui mélange des réflexions pertinentes à des préceptes moralisateurs abrupts, ou à des conseils plus futiles sur le bâillement ou les beuveries.
La dernière partie de l'ouvrage (les Appendices) est la reproduction du Hagakuré lui-même avec des passages déjà cités.
Cet essai peut être déconcertant par le mélange entre réflexion profonde et juste (sur la mort selon Jocho, sur l'accompagnement que doit donner un maitre à son éleve) et des anecdotes sur un savoir vivre un peu désuet. Pour un esprit occidental, la construction de l'oeuvre est par fois difficile à suivre et la pensée nippone un peu trop repliée sur son passé et sur la nostalgie de son histoire guerrière. Pourtant, cette oeuvre possède une certaine force, lorsque l'on sait que son auteur a su aller jusqu'à la mort pour respecter l'éthique samourai.
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