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Ce livre magnifique et poignant, comment en parler sans utiliser des superlatifs idiots qui n'effleureront que la surface de cette écriture. Ces mots enrobés d'une poésie toute métaphorique vous arrache le coeur. Ce pays, la Roumanie, qu'Herta Müller décrit, son pays, est cauchemardesque. Il pourrait devenir grotesque si le miroir réaliste était déformant. Mais il ne l'est pas, on le sent bien, il est peut-être en dessous de la réalité. Chaque être vivant, humain ou animal, se débat pour survivre, dans une misère quotidienne, une atmosphère déliquescente et absurde. Tout est étouffé, englué, plombé ; c'est une nasse dont on semble ne pas devoir s'échapper. Sauf par la mort ? Pourtant ce livre parle de rires, de chansons, d'amour, d'amitié, d'un fil tenu d'espérance et de résistance, malgré la peur, l'angoisse et la désespérance. Alors comment faire ? Lorsque que l'on veut juste, même pour un instant, sentir le souffle de la liberté circuler sous ses pas ?
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J'avais découvert, au moment de l'attribution du Prix Nobel de Littérature en 2007, cette autrice, roumaine mais de la minorité germanophone, qui a fui la Roumanie du dictateur Ceaucescu pour vivre en Allemagne.

C'est le troisième roman que je lis d'elle, après L'homme est un grand faisan sur la terre et surtout La bascule du souffle, un roman extraordinaire qui transforme en un merveilleux récit poétique la vie cruelle et inhumaine d'un jeune roumain germanophone dans un camp de travail forcé en Union Soviétique, après la deuxième guerre mondiale.

Dans cet animal du coeur, dont je laisse au lecteur le soin de deviner ce qu'il est, j'ai retrouvé cette façon de raconter, cette composition et ce style incomparables, bref cette beauté extraordinaire qui transforme une réalité dure et cruelle en un récit poétique.

C'est un pan de la vie terrible des gens sous la dictature de Ceaucescu qui est la toile de fond du roman. La narratrice, de la communauté germanophone, dont on ne saura pas le prénom ni le nom, étudiante au début du récit, est confrontée au suicide de Lola, une camarade de chambrée, à son « procès » posthume en exclusion du Parti, et à sa propre lâcheté, ainsi que celle de ses camarades, qui en Assemblée Générale, n'auront pas le courage de contester cette décision.
Mais elle gardera le journal de Lola, et avec ses amis, Edgar, Georg et Kurt, le cachera, ainsi que des livres et des poèmes.
La suite que je ne développe pas en détails, est faite de la vie de ces jeunes, d'abord étudiants puis entrés dans la vie professionnelle, des interrogatoires policiers suite à la découverte du carnet, des vexations, du tabassage de l'un d'eux par des « mercenaires » du pouvoir, du licenciement de la narratrice, puis celui d'Edgar, de l'émigration de Georg en Allemagne où il se défenestrera (ou sera défenestré?), du suicide de Kurt (selon le même mode opératoire qu'avait employé Lola) et du départ de la narratrice et d'Edgar en Allemagne. Mais il y a aussi le bonheur de l'amitié, dont on sent qu'elle est au bord de l'amour, de la narratrice avec Teresa, la fille d'un sculpteur proche du pouvoir, de la relation affectueuse avec sa mère, et de tant d'autres choses qui font la vie des petites gens dans ce climat oppressant de dictature.

Mais mon commentaire ne serait pas du tout complet s'il n'évoquait pas façon unique dont le roman est fait.
D'abord la trame narrative.Elle fragmente souvent l'ordre des événements, des souvenirs d'enfance surgissent parfois. J'ai lu que cela déconcerte et irrite des lecteurs. Ce n'est pas mon cas. Je trouve que ce ce mode de narration « impressionniste », par « touches » , fait partie de sa beauté. Mais c'est là la limite de l'inévitable subjectivité que tout un chacun peut avoir dans la critique d'une oeuvre, que ce soit roman, poésie, musique, peinture.
Et puis, le style. Un style merveilleux, où le trivial est porté par des phrases si poétiques. Il faut le lire pour s'en rendre compte.

Vous l'avez compris, j'aime énormément Herta Müller, et au passage, je trouve que ces femmes Nobel de Littérature, ces Toni Morrison, Herta Müller, Svetlana Alexeivitch, Elfrid Jelinek, etc…partagent, en plus de leur engagement politique ou sociétal, une façon de raconter hors du commun.

Pour finir, une digression, peut-être hors sujet, tant pis. Alors que je lisais ce livre, j'ai vu aux informations TV défiler dans les rues de nos villes françaises des énergumènes, femmes et hommes de tous âges, et même des soignants, ce qui est un comble, portant des pancartes contre la «dictature sanitaire », et d'autres avec ce mot que je chéris tant, «Liberté». Franchement, je trouve que c'est une insulte à toutes celles et ceux qui ont vécu ou vivent de nos jours dans de vraies dictatures. En effet, qu'y a-t-il de comparable entre ces contraintes auxquelles nous devons nous soumettre: vaccination, respects des gestes barrières, etc…., en vue de préserver collectivement notre santé, surtout celle des plus fragiles, et d'avoir une vie sociale la moins mauvaise possible, et tous ces régimes politiques, tel celui de Ceaucescu, où l'être humain est soumis à des contraintes insensées, est contrôlé dans ses moindres faits et gestes et voit sa vie menacée en permanence?
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Challenge Nobel 2013-2014
4/15

Drôle d'expérience que la lecture de Herta Müller. J'ai d'ailleurs dû m'y prendre à deux fois avant de vraiment commencer, et de me dire que j'ai bien fait de ne pas tenter la lecture en VO.
Une narration pas toujours simple à suivre, des images insolites, une chronologie heurtée, des conversation incluses dans le texte : la lecture n'en est pas simplifiée et ne se prête pas au manque de concentration ; le lecteur DOIT être attentif (mais nous ne manquons pas de courage et d'esprit : nous ne faillerons pas !) Mais du coup, j'ai eu l'impression que le message qu'elle veut faire passer, la dictature, tue les êtres, les avilit, et les déshumanise (en substance), s'en est trouvé affaibli. Je n'ai pas senti la force du verbe, à force de devoir renouer les fils. Rien n'est donné, tout est à trouver (elle a une haute estime de ses lecteurs, un bon point pour elle !)
Une lecture mitigée, donc.
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La narratrice,toute jeune fille, rapporte les faits et les comportements des adultes tels quels et le lecteur comprendra plus tard de quoi il s'agit, ce qui rend l'entrée dans ce roman assez difficile . Elle est avec sa famille originaire du Banat roumain au sein de la minorité germanophone. Son père a été SS.
On s'intéresse d'abord avec elle à Lola, une camarade de chambre retrouvée pendue dans son placard : suicide ou assassinat ?
On suit ensuite ses amis Edgar, Kurt et Georg, étudiants puis jeunes adultes entrés dans la vie professionnelle, et toujours poursuivis par la police de Ceaucescu : surveillance de chaque déplacement, fouilles de leurs affaires, interrogatoires sous le regard cynique de Piel et de son chien, prêt à en découdre. Quand ils sont licenciés, ils fuient le pays, pas pour longtemps. Pour communiquer entre eux, ils utilisent des stratagèmes et des messages codés.
La jeune fille et sa mère n'échappent pas à ces représailles. Sa peur la renvoie souvent à ses souvenirs d'enfance et passé/présent se confondent dans le récit.
Et puis il y a Téréza son amie qui a une "noix" sous les aisselles et dont elle aurait dû se méfier !
Quant aux autres personnages, ils vivent aussi dans la misère et s'adaptent ou pas à la dictature.
L'auteure a un style très particulier, procède souvent par images, par métaphores et utilise des expressions en leitmotiv : animal du coeur, prunes vertes, collants d'une finesse aérienne, cimetière...
J'ai beaucoup aimé l'écriture et la composition de ce roman et apprécié la façon dont est décrit le fonctionnement d'une dictature. Utilisons ce terme à bon escient...
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Je retrouve Herta Müller, une fois encore, impatient, le coeur battant. Les premiers mots sont de cette veine que j'aime, à la poésie chirurgicale faite de métaphores limpides et étranges. C'est sa façon de décrire cet univers particulier que j'aime. Comme si elle parlait une langue inconnue dont la musique vous essouffle malgré tout. Les premières lignes ont suffi à faire renaître en moi cette impression familière et inédite pourtant, l'idée d'un moment retrouvé, mais rare pourtant. Je place pour ces raisons Herta Müller parmi les plus grands écrivains que la langue allemande a donné - et elle n'en manque pas. Lire Herta Müller, c'est accepter - avec réticence parfois, tant sa langue est âpre - de franchir le seuil de son univers, et donc de quitter le vôtre ; c'est accepter de passer du côté de ce monde peut-être disparu - la Roumanie de Ceaucesu - et y perdre tous ses repères ; c'est donc accepter de se laisser guider par elle, parmi les villes, les femmes, les hommes, les vivants et les morts, les objets et la nature. Franchissez ce seuil, il s'ouvre sur des mots d'une force incroyable !
Animal de coeur revient sur les grands thèmes d'Herta Müller : vivre en dictature, y poursuivre son identité, en vain souvent, y mourir face à l'impossibilité de vivre. Ici, c'est la quête de soi de jeunes gens de la communauté allemande, enfants de SS, ouvriers d'usine, et perdus dans ce pays. Les hommes de main du régime y mangent des prunes vertes, une façon d'avaler d'indigestes verités. Et la métaphore de l'animal du coeur que chacun porte en soi installe une autre vérité, celle que chacun enferme, retient, nourrit au plus profond de soi, en attendant la fuite, la liberté, ou la mort. Comme souvent chez Herta Müller, la nature est omniprésente, comme le pendant de la ville en dictature. Il y a cette sensation que les nuages, les arbres (mûriers, pruniers), terre ferme, sont à la fois l'aspiration à la liberté, et le cadre physique qui contraint l'individu. Sur le sol, les mouvements semblent toujours ramenés à la pesanteur - comme attachés à ce sol de malheur. Herta Müller creuse inlassablement son sillon, parfois déroutant, toujours envoûtant.
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"Se taire, c'est déplaire, dit Edgar; et parler, c'est se ridiculiser."
Le roman commence et finit par cette phrase. Herta Müller, née dans la région souabe de la Roumanie (minorité germanophone), a vécu cette oppression de la dictature de Ceausescu. Ce roman est paru en 1994 en Allemagne et vient juste d'être édité en France. On y trouve une part de la vie de l'auteur puisque la narratrice est issue de la même région, elle est aussi fille d'un ancien soldat SS et elle est traductrice dans une usine roumaine.
C'est le roman d'une amitié entre la narratrice et trois jeunes garçons, Edgar, Kurt et Georg, réunis par le suicide de la camarade de chambrée de la narratrice. Ces jeunes vivent sous la peur constante d'être interpellés, poussés au suicide ou envoyés au cimetière. Ils voudraient témoigner de toutes ces morts suspectes, du mauvais traitement des prisonniers. Pour eux, c'est une perpétuelle méfiance, un harcèlement constant.
" On sentait le dictateur et ses gardes qui planaient au- dessus de tous les secrets des projets de fuite, on les sentait à l'affût, en train d'inspirer la peur."
Chaque lettre doit être codée et renfermer un cheveu témoin.
" Nous restions dépendants les uns des autres. les lettres contenant un cheveu n'avaient servi qu'à lire la peur de l'un dans l'écriture de l'autre."
Les fouilles de domicile, les interrogatoires sont permanents. Il n'y a que deux issues possibles, le suicide ou la fuite qui conduit très souvent à la mort.
Le roman est difficile car l'auteur utilise elle- même des codes de langage. Elle réinvente une langue où la mort est un sac, la noix, une tumeur. Des phrases et des mots viennent rythmer constamment le récit, on retrouve de manière récurrente les coiffeurs et les couturières, les moutons en fer-blanc (sidérurgie), les melons de bois (transformation du bois), les buveurs de sang(abattoirs).
Dans ce récit viennent aussi se mêler les souvenirs de l'enfant face à son père, les folies des grand-parents.
Sens cachés, métaphores, incursions compliquent la lecture du roman mais l'atmosphère est ainsi créée et le dénouement est particulièrement intense et émouvant.
Et l'animal de notre coeur, lui-aussi se met à remuer en nous.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Même la serrure de la valise s'était transformée en mensonge

On a retrouvé Lola pendue dans son placard. « Les phrases de Lola, la bouche pouvait les dire, mais on n'arrivait pas à les écrire. Je n'y arrivais pas. Comme ces rêves qui sont à leur place dans la bouche, mais pas sur le papier. Une fois écrites, les phrases de Lola s'éteignaient dans ma main. »
Une narratrice, trois garçons, trois amis Edgar, Kurt et Georg, et Tereza.
Mensonges, interrogatoires, rêves de fuite, passé nazi, dictature de Ceausescu. « On sentait le dictateur et ses gardes qui planaient au-dessus de tous les secrets des projets de fuite, on les sentait à l'affût, en train d'inspirer la peur. »
Non pas une énième dénonciation de l'absence de liberté, mais le poids des mots, de la poésie pour instiller peu à peu l'absurde et la résistance, le broyage et l'espoir
Un grand roman de la modernité inaccomplie.
« Se taire, c'est déplaire, dit Edgar ; et parler, c'est se ridiculiser. »
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Cinq jeunes Roumains sous le régime de Ceausescu sont au centre de cette représentation émouvante de la lutte pour devenir des adultes qui gardent « les yeux grands ouverts et bien fermés en même temps ». À travers le suicide d'un ami commun, la narratrice anonyme... une jeune femme qui étudie pour devenir traductrice- rencontre un trio de jeunes hommes avec lesquels elle partage une rébellion politique et philosophique. Les emplois que l'État leur assigne après l'obtention de leur diplôme les envoient aux quatre coins du pays. Le groupe parvient malgré tout à maintenir sa proximité, grâce à des lettres codées portant une mèche de cheveux de l'expéditeur en guise de marque de surveillance (si la mèche n'est plus dans la lettre).  Alors que les amis commencent à perdre leur emploi et à se lasser d'être suivis, menacés et arrêtés pour des interrogatoires semi-réguliers, chacun pense de plus en plus à la fuite. Ce désir est résumé en une phrase sublime: «On voulait traverser le Danube à la nage, jusqu'à ce que l'eau devienne un pays étranger.»
Herta Müller s'élève vers des hauteurs auxquelles nous ne sommes plus guère habitués . Tout aussi important, peu de livres ont rendu compte avec autant de clarté de la convergence de la terreur et de l'ennui sous le totalitarisme.
Si vous chercher un chef-d'oeuvre stimulant, voici Animal du coeur, lecture incontournable...
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Animal du coeur est un roman écrit par Herta Müller (Nobel 2009) sur les conditions de vie en Roumanie sous le régime Ceaușescu. le roman met en scène l'amitié de 4 jeunes gens et les suit dans leurs espoirs et leurs épreuves.

L'écriture est très étrange, opaque, surréaliste, et ne facilite pas la compréhension du récit. Mais on comprend vite de quoi souffrent les jeunes gens sous ce régime totalitaire: arrestations, fouilles, menaces, intimidations de la famille, licenciements politiques. Toutes ces épreuves les conduiront à l'exil, mais certains auront une fin tragique.
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Pendant longtemps le récit est sans précision géographique, sans précision de temps. Ce n'est qu'au deux tiers du roman que l'on apprend où se déroule celui-ci.

Herta Müller fait la description d'une société sans repères. le dictateur n'est pas si présent que ça, l'autoritarisme est présent par le biais de la police qui arrête, interroge puis relâche, tout cela sans raison. La police est omniprésente dans le pays mais sûrement aussi à l'étranger quand on voit les "dissidents" (juste des gens ouverts sur l'étranger) mourant brutalement, souvent suicidés.

C'est une société où le sentiment historique semble peu présent: certains personnages ont dans leur famille un homme qui a fait partie des SS pendant la Seconde Guerre Mondiale et cela semble normal.

Malheureusement il faut connaître la vie d'Herta Müller pour comprendre que ce roman comporte une part autobiographique.

C'est une lecture exigeante mais le récit réaliste, décrivant la société roumaine sous le joug de Ceaucescu est prenant.
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