AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ay_guadalquivir


Je retrouve Herta Müller, une fois encore, impatient, le coeur battant. Les premiers mots sont de cette veine que j'aime, à la poésie chirurgicale faite de métaphores limpides et étranges. C'est sa façon de décrire cet univers particulier que j'aime. Comme si elle parlait une langue inconnue dont la musique vous essouffle malgré tout. Les premières lignes ont suffi à faire renaître en moi cette impression familière et inédite pourtant, l'idée d'un moment retrouvé, mais rare pourtant. Je place pour ces raisons Herta Müller parmi les plus grands écrivains que la langue allemande a donné - et elle n'en manque pas. Lire Herta Müller, c'est accepter - avec réticence parfois, tant sa langue est âpre - de franchir le seuil de son univers, et donc de quitter le vôtre ; c'est accepter de passer du côté de ce monde peut-être disparu - la Roumanie de Ceaucesu - et y perdre tous ses repères ; c'est donc accepter de se laisser guider par elle, parmi les villes, les femmes, les hommes, les vivants et les morts, les objets et la nature. Franchissez ce seuil, il s'ouvre sur des mots d'une force incroyable !
Animal de coeur revient sur les grands thèmes d'Herta Müller : vivre en dictature, y poursuivre son identité, en vain souvent, y mourir face à l'impossibilité de vivre. Ici, c'est la quête de soi de jeunes gens de la communauté allemande, enfants de SS, ouvriers d'usine, et perdus dans ce pays. Les hommes de main du régime y mangent des prunes vertes, une façon d'avaler d'indigestes verités. Et la métaphore de l'animal du coeur que chacun porte en soi installe une autre vérité, celle que chacun enferme, retient, nourrit au plus profond de soi, en attendant la fuite, la liberté, ou la mort. Comme souvent chez Herta Müller, la nature est omniprésente, comme le pendant de la ville en dictature. Il y a cette sensation que les nuages, les arbres (mûriers, pruniers), terre ferme, sont à la fois l'aspiration à la liberté, et le cadre physique qui contraint l'individu. Sur le sol, les mouvements semblent toujours ramenés à la pesanteur - comme attachés à ce sol de malheur. Herta Müller creuse inlassablement son sillon, parfois déroutant, toujours envoûtant.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}