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Claire de Oliveira (Traducteur)
EAN : 9782070128839
320 pages
Gallimard (30/09/2010)
3.67/5   118 notes
Résumé :

Nous sommes en Roumanie, en janvier 1945 : la population germanophone de Transylvanie vit dans la peur de la déportation.

Cette mesure, exigée par le nouvel allié soviétique de Bucarest, vise une population soupçonnée d'avoir soutenu l'Allemagne nazie pendant la guerre. Le jeune Léopold sait qu'il est sur la liste. II prépare sa petite valise, des affaires chaudes, quelques livres, puis, quand la police roumaine vient le chercher, à trois heur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
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«  Tout ce que j'ai , je le porte sur moi ».
«  Je sais que tu reviendras. »
Deux extraits de ce récit sombre qui évoque le quotidien de Léopold , jeune roumain germanophone , 17 ans, soupçonné avec ses parents d'avoir soutenu l'Allemagne nazie pendant la guerre.

«  Ma mère et surtout mon père croyaient à la beauté des nattes blondes et des chaussettes blanches, au rectangle noir de de la moustache d'Hitler..... ».

Il a préparé sa petite valise , des affaires chaudes, quelques livres.
Il reçoit les mots de sa grand - mère , évoqués plus haut, comme un viatique ...

Construit à l'aide de chapitres très courts ce récit nous conte le quotidien terrifiant de ces années de froid , de faim, de découragement qui tuent au sein de ce camp de travail en Russie..
L'auteure dans un style très particulier:
marquant , à la fois poétique et réaliste , son écriture ciselée , sèche, puissante , maîtrisée et surprenante , ses images symboliques fortes donne corps à l'usine de charbon, la cimenterie , la tuilerie ,la coke, les terrils, la toxicité des substances chimiques, les travaux forcés , le combat de chaque jour , la sous alimentation, le piège du pain, la faim inexorable qui ne lâche pas prise, les rêves éveillés , la faculté de transcender le réel, l'illuminer de l'intérieur , «  La faim voyage dans le corps d'un ange » , le corps qui réclame, l'esprit qui déraille parfois , les parasites, les maladies consécutives à la faim.:
«  Dépendance aux substances chimiques : Je me convainquais de l'existence de rues odorantes', ce qui était agréable, c'était d'avoir des «  Mots » pour y échapper , comme il y avait des Mots de la faim ou de la nourriture , à la fois , une nécessité et une torture ... »
C'est une narration subtile à portée universelle qui décrit de façon magistrale , par la force de son écriture si singulière une horreur de notre histoire, celle de la condition humaine , jusqu'où peut aller l'horreur ...

«  Mon crâne est un terrain , celui d'un camp , je ne peux pas en parler autrement .Impossible de se protéger , que ce soit par le silence , ou le récit.
On pourrait dire : «  J'y ai été » .
«  Mon retour à la maison est un bonheur rabougri, une toupie de survie ... »
On lit ce livre , on reste sans voix, le souffle coupé...

Je l'avais déjà lu en 2010, sans en mesurer la portée ...ni la magie du style.

A ne pas lire peut - être en cette période festive ....

La première de couverture est jolie et le titre de même .
Pas facile de commenter un tel livre.....


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Une superbe couverture, un titre poétique, pour un roman sombre abordant l'horreur et la souffrance dans des camps de travaux forcés.

Le roman débute en Roumanie en janvier 1945, quand une partie de la population germanophone de Transylvanie est déportée dans un camp de travail en Russie. Ecrit à la première personne, il s'agit de confidences, sous forme de chroniques, d'un jeune homme déporté à 17 ans. Il s'est retrouvé sur la liste russe : « Aucun de nous n'avait fait la guerre, mais pour les Russes nous étions responsables des crimes d'Hitler, étant allemands. » (p. 40)
Soixante ans après, la nuit, il est encore hanté par les souvenirs de cette vie au camp qui lui reviennent à partir des objets, il est alors au bord du malaise : « J'ai des lourdeurs d'estomac qui me remontent jusqu'au palais. La bascule du souffle est chamboulée, je suis hors d'haleine. » (p. 30) le roman, construit en cours chapitres, énumère et décrit ces objets et la vie de déporté de façon aléatoire pour le lecteur, un peu comme arrivent les souvenirs douloureux dans sa mémoire, « chamboulant » cette « bascule du souffle ».
Il a un rapport particulier aux choses et aux objets qui s'animent, qui deviennent sujets des verbes et interagissent avec l'homme. La réalité est-elle si dure à affronter qu'il adopte cette réaction comme une échappatoire ?
Le récit prend alors un ton onirique : le ciment boit, la pelle se transforme en coeur et s'adresse à lui directement, la faim apparait sous la forme d'un ange, l'arbre est hors de cause si l'on vous bat, le mouchoir est « le seul être à se soucier de moi »… La réalité est totalement déformée et on ne sait plus trop où est l'humain dans tout ça. Il lutte contre la faim, le froid, la fatigue, la peur. Toutefois malgré la noirceur du quotidien, une infime note d'espoir transparaît dans cette vision onirique. Une certaine force émerge de ce personnage qui jamais ne se plaint de son sort, qui se contente de témoigner, d'expliquer l'impensable.

Si j'ai apprécié le début de ce roman, découvrant une part d'histoire, j'ai trouvé ensuite quelques longueurs dans l'énumération qui s'ensuit, me demandant où l'auteur voulait en venir, car il n'y a alors plus d'intrigue. Une fois dans le camp, une routine s'installe et le temps s'étire. Puis la libération arrive, le récit rebondit et le personnage tente de nous dévoiler le vertige de la liberté retrouvée. J'ai toutefois été sensible à la poésie qui ressort de cette écriture.

Un écrit poignant, original dans sa forme d'écriture, sur un sujet plutôt méconnu (ou tu). A découvrir, c'est certain.
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Léopold a dix-sept ans en 1945. Roumain germanophone, il est à ce titre sur la liste de ceux qui seront envoyés par les Soviétiques en camp de travail en Sibérie. Mal à l'aise avec son homosexualité vécue mais dissimulée à ses proches, il ne tente rien pour se soustraire à cette déportation. Suite à un voyage de plusieurs semaines en wagon à bestiaux, où les individus perdent vite toute dignité, il arrive au camp.

La faim l'obsède davantage que le froid et toutes les autres épreuves. Il l'évoque abondamment, de même que son activité forcée et éreintante de manoeuvre en bâtiment. Si ses souvenirs d'enfance et ses relations avec les autres détenus sont abordés dans le récit, le narrateur décrit plus longuement les matériaux manipulés (ciment, houille, brique, sable, charbon…) - ce qui peut surprendre.

Je suis navrée de ne pas avoir aimé ce livre, de m'y être ennuyée. Malgré les conditions éprouvantes de la détention de Léopold, je n'ai pas réussi à éprouver la moindre empathie pour lui. Sa froideur apparente explique peut-être cela ? "(...) je tente toujours de me persuader que je n'ai guère de sentiments. Si je prends une chose à coeur, elle ne m'affecte pas outre mesure. Je ne pleure presque jamais." (p. 221-222)

La présentation de l'éditeur indique : "sous la plume [d'Herta Muller], le camp devient un conte cruel, une fable sur la condition humaine". Même si de nombreuses réflexions m'ont touchée, émerveillée (comme en témoignent les extraits recopiés), je n'ai ni accédé à ce niveau allégorique, ni adhéré à la langue imagée de l'auteur, j'en suis désolée... J'ai probablement eu tendance à comparer à 'Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre', également sur les déportations staliniennes mais beaucoup plus descriptif, plus abordable.
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Comme chaque fois, Herta Müller me laisse sans voix. La bouche sèche de mots, de soif, de faim, le coeur comme asséché d'une écriture ciselée au plus proche du nécessaire. Dans La bascule du souffle, d'abord projet à quatre mains avec le poète Oskar Pastior, Herta Mûller donne à l'expérience concentrationnaire une vie propre, au-delà de la question de la survie ou de la dignité. Car tout s'incarne ici dans une cosmogonie particulière au camp. le ciment prend vie, le pain un personnage, et l'ange de la faim domine l'expérience, au plus profond des corps et des âmes. Ainsi, en donnant à cet étrange réel une existence poétique, Herta Mûller ne semble pas placer l'individu au centre. Elle n'explore pas non plus les humiliations ou les tactiques de survie. Elle analyse comment l'homme fait front, face au ciment qui s'insinue, face à l'ange de la faim qui rôde, dans une autre réalité, qui par l'imaginaire en devient plus glaçante.
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Challenge Nobel de la littérature 2013.2014

Léopold est sur la liste des roumains germanophones qui seront déportés en URSS en janvier 1945.
La police roumaine vient le chercher au milieu de la nuit et il s'en va avec en tête une phrase de sa grand-mère: "Je sais que tu reviendras". Phrase qui l'habite et le soutient tout au long de sa déportation: cinq années en enfer, où rester en vie ne tient qu'à un fil.
"Le samedi, l'eau-de-vie de betterave égaie les sentinelles, qui ont la gâchette facile. le dimanche matin, quand un homme gît dans la cour, il paraît que c'est une tentative de fuite. Et si on le retrouve en caleçon dans la cour parce qu'il filait aux toilettes, ses intestins rongés ne supportant plus la soupe aux choux, ce n'est pas une excuse".
J'ai pris du temps à lire ce livre, pas par rapport au nombre de pages (350) mais rapport au poids des mots.
La guerre finie, il ne sera pas fait de cadeaux à ces jeunes! " Aucun de nous n'avait fait la guerre, mais pour les Russes nous étions responsables des crimes d'Hitler, étant allemands".
Ce livre est rempli des images que se fait Léopold dans sa tête pour rester en vie.
Une écriture magnifique pour faire vivre avec une force incroyable cinq années terribles!
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Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
«  Nous étions loin de nous douter qu’une faim épouvantable allait bientôt nous tomber dessus.
Comment errer de par le monde quand on n’a plus rien à dire de soi , sinon qu’on a faim. ?
On n’a plus que ça en tête Quand le palais ne supporte plus la faim, il tiraille comme la peau d’un lièvre fraîchement dépouillé qui serait tendue derrière le visage pour y sécher. Les joues racornies se couvrent d’un pâle duvet.
Quand la chair a disparu , porter ses os devient un fardeau qui vous enfonce dans le sol.... »
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Des objets qui n'avaient sans doute rien à voir avec moi viennent me chercher. Ce qu'ils veulent, c'est me ramener chez moi au camp. Quand ils arrivent en masse, ils ne se contentent pas d'être dans ma ma tête. J'ai des lourdeurs d'estomac qui me remontent jusqu'au palais. La bascule du souffle est chamboulée, je suis hors d'haleine. Cette espèce de brosse-peigne-ciseaux-miroir-à-dents est un monstre, de même que la faim en est un. Et ces objets ne reviendraient pas me hanter sans l'autre objet qu'est la faim.
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Depuis longtemps, j'ai appris à mon mal du pays à garder les yeux secs. Et maintenant, je voudrais par-dessus le marché qu'il n'ait pas de maître. Pour qu'il ne voie plus mon état, ne me demande plus de nouvelles de ceux qui sont à la maison. Pour qu'il n'y ait plus de gens, dans ma tête, mais rien que des objets. Que je pourrais déplacer ça et là sur le point sensible, comme on bouge les pieds en dansant La Paloma. Les objets sont petits ou grands, parfois bien trop lourds, mais ils ont une mesure.
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Mon trésor le plus lourd est ma force de travail. Cette inversion du travail forcé est un échange salvateur. J'ai en moi un forcené de la grâce qui est un parent de l'ange de la faim. Il sait le moyen de dresser tous les autres trésors. Il me monte au cerveau, me pousse à être envoûté par la contrainte, car j'ai peur d'être libre.
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Sur la route défoncée, le Lancia brinquebalait avec un bruit de ferraille en longeant des fermes éparses. Presque toutes étaient pleines d’orties montant jusqu’à la taille, et au milieu, sur des cadres de lits en fer, des poules blanches étaient posées, aussi maigres que des nuages déchiquetés. Comme disait ma grand-mère, les orties ne poussent que là où vivent les gens, et la bardane, seulement près des moutons.
Dans ces fermes, je ne voyais jamais personne. Je voulais voir des gens qui ne vivaient pas au camp, qui avaient une maison à eux, un enclos, une cour, une pièce avec un tapis, peut-être mettre même une tapette pour le battre. Là où on bat des tapis, me disais-je, on peut croire à la paix, la vie est celle des civils, et on leur fiche la paix à tous les sens du terme.
Lors du tout premier trajet avec Kobelian, j’avais vu une barre à battre les tapis, dans une cour. Elle avait un rouleau pour déplacer les tapis, et elle était posée à côté d’un grand broc émaillé qui avait tout d’un cygne avec son bec, son cou gracile et son ventre lourd. C’était si beau qu’à chaque trajet, même dans l’inanité du vent, au beau milieu de la steppe, je cherchais une barre à tapis. Je n’en ai plus jamais revu, ni de cygne.
Derrière les fermes des faubourgs commençait une petite ville aux maisons jaune ocre dont les ornements de stuc qui étaient effrités et les toitures en tôle toutes rouillées. Des rails de tramway se cachaient entre les restes d’asphalte. Sur les rails passaient de temps à autre des chevaux et des chariots à deux roues venant de la boulangerie industrielle. Tous étaient recouverts d’une toile blanche, comme la charrette à bras qui passait au camp. Là, au vu des chevaux décharnés, je me disais qu’en fait de pain il y avait peut-être sous le tissu des gens morts de faim.
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Video de Herta Müller (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Herta Müller
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59753&motExact=0&motcle=&mode=AND
DU TRAUMA À L'ÉCRITURE
Un point de vue sur la création littéraire de Herta Müller
Radu Clit
Études Psychanalytiques
Décelé dans la création littéraire de Herta Müller, le rapport du trauma avec l'écriture se décline différemment en fonction des quatre types de prose qui sont isolés dans la création de la lauréate du prix Nobel de littérature 2009. Dans son volume de début, le trauma est ou physique ou subi par des animaux. Les romans qui décrivent la vie quotidienne sous le régime communiste présentent des traumas infligés par les autorités de l'état. Dans le camp de travail soviétique, le trauma est intégré dans le cadre existentiel. Les essais de l'écrivaine ouvrent la perspective autobiographique et montrent que tous les traumas présentés ont été subis ou par elle, ou par sa famille.
Radu Clit a déjà publié un livre et plusieurs études sur les effets psychiques des phénomènes totalitaires. Psychologue clinicien, psychanalyste, psychothérapeute de groupe, il ajoute cette fois à l'approche interdisciplinaire la grille d'analyse littéraire, ce qui lui permet d'affiner certains points de vue avancés précédemment.
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm ISBN : 978-2-343-14532-7 ? 16 mai 2018 ? 230 pages
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