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Critique de Laurence64


Chez Modiano, de livre en livre, j'arpente un Paris que je n'ai jamais connu, que jamais je ne connaitrai. Des silhouettes fantomatiques errent en quête d'une improbable vérité dans des rues qui ne cessent de se défaire.
Derrière des façades vouées à disparaître, dissimulés par des volets clos, abrités dans des halls d'hôtels qui fermeront un jour, assis dans des cafés parfois surveillés, les personnages de Modiano se croisent, se rassemblent en une société interlope vaguement menaçante, confusément dangereuse. Mais toujours éphémère.
L'herbe des nuits (que ce titre est beau!) voit la rencontre de Jean et Dannie alias Dominique alias Mireille, lequel la perdra de vue, ne la retrouvera jamais. Un manuscrit oublié, deux balles perdues, un inspecteur en retraite, une enquête officielle bâclée, le Maroc, et surtout Aghamouri - Paul Chastagnier- Duwelz- Gérard Marciano - Georges, litanie patronymique irréductible à toute connaissance.
Dans ce Paris faiblement éclairé où les lumières restent parfois allumées malgré le départ des occupants (de passage; toujours de passage) se dessine celui d'hier, celui de Jeanne Duval, réincarnée peut-être. Et en contrepoint de la maîtresse du poète, un poète réel, plein de vie, croise notre route; un prénom: Jacques, deux vers: "Si je meurs qu'aille ma veuve / A javel près de Citron" . Sans carnet noir, j'ai interrompu ma lecture pour enquêter. Jacques Audiberti. Hommage. Et j'ai repris mes pérégrinations, chaque mot dans chaque pas de Jean.

L'écriture est un art. Patrick Modiano, un enchanteur. Je suis prête à parier que si tout tourne rond dans l'univers littéraire, la première phrase de L'herbe des nuits passera à la postérité à côté des couchers avancés (longtemps je me suis couché de bonne heure) ou des commencements annoncés (ça a débuté comme ça): "Pourtant je n'ai pas rêvé".
Moi, si. J'ai rêvé le temps d'une lecture sans comprendre, une fois de plus, comment, sans ficelle visible, l'écriture de cet écrivain-là crée magnifiquement un univers à la marge. Peut-être parce que Modiano est le romancier des temps. Les temps passés, rêvés, fantasmés, cherchés, oubliés.
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