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EAN : 9782070321025
144 pages
Gallimard (11/05/2006)
3.55/5   718 notes
Résumé :
J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les événements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence - ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie ava... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (105) Voir plus Ajouter une critique
3,55

sur 718 notes
Modiano fait partie de ces auteurs qui me touchent, m'émeuvent avec son écriture minimaliste, d'une pudeur maladive, et pourtant, il sait si bien parler de l'intime. Sa plume parvient à dégager cette atmosphère de mélancolie que l'on va retrouver tout au long de son oeuvre dont je suis admirative.

Dès les premières pages, les mots défilent, ils sont comme posés sur le papier, sans affect, un peu comme si Modiano vidait sa mémoire, c'est comme s'il ouvrait une boîte pour en nous raconter le contenu, des vieilles photographies, des lettres. Les souvenirs s'enchaînent toujours tenus à distance.

C'est alors que j'ai découvert ces phrases comme pour mieux confirmer mon ressenti :

« J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les évènements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie ».

Monsieur Modiano, vous avez parfaitement réussi à traduire votre vécu en transparence.

C'est un livre bouleversant. Enfant, Modiano a vécu dans une atmosphère glauque. Né en juillet 45, d'un juif et d'une flamande, il vit dans une forme de no man's land affectif. Ses parents, rapidement séparés, lui font passer une enfance à la limite du rejet, comme un paquet encombrant, partagé entre une mère comédienne cantonnée aux petits rôles, toujours à court d'argent et un père qui évolue dans un milieu lié à la pègre, entre collaboration, marché noir et de rendez-vous bizarres. le tout, balloté de pensionnat en pensionnat et toujours avec cette absence terrible de la tendresse.

« Je n'y peux rien, c'est le terreau – ou le fumier – dont je suis issu ». Oui Monsieur Modiano mais Jean-Claude Brialy disait « C'est dans le fumier qu'éclosent les fleurs magiques ».

Monsieur Modiano, je confirme, votre oeuvre que je découvre, livre après livre, est à mes yeux une douleur - la douleur d'un enfant qui n'a pas connu le paradis entre les bras de ses parents - dont la beauté suggère à la rêverie et dont les messages subliminaux me remuent.
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A l'épaisseur du roman on sait d'avance que l'on aura pas droit à une autobiographie de l''enfance et l'adolescence dans ses moindres détails, avec les anecdotes adéquates. Modiano s'est comme absenté de son enfance et de son adolescence ; Cette bienveillante distance qu'il met entre lui et ses souvenirs comme nous avons l'impression qu'il l'a mise entre lui et sa vie d'alors ressemble à une bouée de sauvetage. Il le dit lui-même à la fin, il n'a pris le large qu'à sa majorité et s'est senti sauvé. Avant il flotte dans des eaux troubles et parfois très troubles. Il se tient en retrait, il se fait spectateur de cette forme de marasme dans lequel il évolue d'où jaillissent parfois des visages amis, des aides furtives, des camaraderies d'internat. La distance est présente même dans ces rencontres providentielles car elle sont provisoires elles aussi. Des parents qui ne peuvent rien pour lui, absents, présents, pesants, les trois à la fois. Personnages solitaires aux contours mal définis, aux motivations mystérieuses, parents chaotiques qui semblent perdus eux-mêmes. Une seule figure émerge c'est la figure du frère. Modiano n'en parle quasiment pas. C'est le joyau sauvé de toute cette forme d'iniquité et que l'on préserve intact et secret au fond de soi. Il suffit parfois de quelques phrases, de quelques mots pour signifier tout un abîme d'enfance, même si cet abîme on le contemple d'un oeil en apparence détaché et sans relief, par habitude et quand même par survie.
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Dans Un pedigree, Patrick Modiano évoque son enfance jusqu'à sa majorité - à l'époque vingt et un an - et surtout ses parents, deux êtres perdus ou plutôt englués dans leurs vies...Il relate une enfance décousue, avec une mère artiste démissionnaire de son rôle de mère et un père juif ayant vécu l'occupation, ayant pratiqué et amassé des fortunes dans le marché noir, des parents confiant leurs deux fils à des amis tantôt responsables tantôt peu recommandables, leurs fréquentations louches dans le milieu interlope, des relations avec des personnes peu louables - anciens collabos ou amis de la bande de l'avenue Lauriston, d'anciens détenus mêlés à l'affaire Ben Barka. La mort de son frère quand il est encore enfant, semble être la faille qui va le faire décrocher d'une réelle possibilité d'attachement, le laisser en suspens dans sa propre vie. Balloté entre collèges, pensionnats et fugues, il arrive à happer de temps en temps la force et la confiance auprès de quelques rares personnes et a l'intelligence de construire avec ces quelques bribes de normalité, sa personnalité mais c'est une jeunesse déroutante dans l'irresponsabilité de ses parents que je retiens avec cet incroyable talent de mémoires des noms des lieux et des évènements et cette déambulation mémorielle effrayante contée de manière très distanciée permet de comprendre peut-être la sensibilité et la quête de Patrick Modiano sur le passé.
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Un pedigree, paru en 2005, est le texte le plus ouvertement auto-biographique de Patrick Modiano, il se place d'une certaine manière au centre de son oeuvre, dans laquelle l'auteur livre à chaque fois, sous des formes différentes, des bribes de sa vie, réelle ou transformée par le travail de la mémoire.

Ici, le livre commence presque comme un compte rendu d'état civil, sur des faits, des dates, qui concerne ses parents, et même ses grand-parents. L'auteur indique « Je tente, à défaut d'autres repères de suivre l'ordre chronologique ». Puis il égrène, dresse des listes des personnes que ses parents ont pu connaître pendant l'Occupation, moment où ils se sont rencontrés à Paris. Période que Modiano évoque régulièrement dans ses livres, et qu'il n'a pas connue, puisqu'il est né en juillet 1945. Mais qui est un moment essentiel de sa mémoire, mémoire hantée par les disparitions, les destructions, les morts. L'Occupation c'est la mémoire pré-natale, qui précède le sujet, qui est d'autant plus fondatrice que la génération précédente, celle de ses parents s'est tu à ce sujet. Et qu'il faut donc tenter de reconstituer, de redonner vie, de sauver de l'oubli, de l'anéantissement. Ce qu'il essaie de faire.

Avant de passer à ses souvenirs à proprement parlé. Souvenirs d'une enfance triste, solitaire. Sa mère qui passe sa vie en tournées, et qui le laisse à droite et à gauche dans des endroits douteux. Son père pas vraiment là, qui le voit dans des lieux publics, qui en profite pour traiter des affaires avec d'étranges ou inquiétants individus. Des séjours dans des internats, qui ressemblent à des prisons, miteux pour certains. Deux événements essentiels : un film où il va avec son père lui révèle la Shoah, et la mort de son jeune frère qui a à peine une dizaine d'année, d'une leucémie.

Et aussi, comme la seule lumière, le seul possible de sortir de tout cela, mais aussi d'une certaine manière de donner sens, de supporter, la littérature. Les livres lus, très jeune, et dont il se souvient, et qui l'accompagnent, malgré les interdits de certains internats, et puis aussi à un certain moment, l'écriture, comme la seule évidence.

Tout cela raconté dans un dépouillement extrême, sans aucun pathos, auto-apitoiement, ressentiment. Parce que ses parents ne sont que « Deux papillons égarés et inconscients au milieu d'une ville sans regard », victimes d'une époque, d'un contexte historique. Modiano essaie de comprendre, pas de juger, ni encore moins de condamner. Peut-être qu'il n'essaie même pas de comprendre vraiment, car ce n'est sans doute pas possible, mais il ressasse, il cherche, il fait ce travail de mémoire inlassablement. Sans illusions sur les bénéfices pour lui, cela n'effacera rien, ne permettra sans doute pas de surmonter, de passer à autre chose. Juste qu'il ne peut pas faire autrement que de transformer en littérature ce vécu, réel ou fantasmatique.

Une très grande littérature, bouleversante, alors que le ton, les mots sont si sobres, qu'ils semblent vouloir éviter l'émotion. Mais elle est là, authentique, vraie, parce que ce que Modiano raconte vient du plus profond de lui-même, du plus vital, et que son art de le mettre en mots est immense.
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Le narrateur (l'auteur ?), Patrick est né le 30 juillet 1945 à Boulogne-Billancourt, 11allée Marguerite d'un père juif et d'une mère Flamande. C'est sur ces quelques lignes que débute cet ouvrage. Comme le dit l'auteur lui-même, il ne s'agit pas ici de faire une belle histoire où tout se passe dans le meilleur des mondes mais tout simplement de retranscrire la dure réalité de la vie pour cet homme qui n'a jamais été aimé par ses parents, où du moins qui ne se sont jamais préoccupés de lui, l'envoyant dans différents internats, le plus loin possible de Paris si possible, c'est-à-dire de leur monde à eux. D'abord envoyé au collège de Jouy-en-Josas avec son frère Rudy, qui décèdera jeune, puis à Thônes en Haute-Savoie et enfin au lycée Henri IV à Paris, qui, bien qu'il soit situé à quelques centaines de mètres de leur appartement, Patrick sera tout de même interne.
C'est à partir de là que ce dernier décide de prendre sa vie en main en fuguant du lycée, puis en luttant pour se faire accepter d'abord chez son père (ses parents s'étant séparés entre temps) puis chez sa mère, une actrice de théâtre, qui, bien qu'elle eut côtoyé d'illustres personnages, se retrouvait tout le temps sans-le-sou.
Durant toutes ces longues années d'errance, Patrick avait plus l'impression de rêver sa vie que de la vivre. Comme il le dit lui-même, il la «vivait par transparence», plus ou moins ignoré par sa mère, contraint par son père à mener une vie dont il ne voulait pas jusqu'au jour où il rencontrera la délivrance.

Vous n'avez pas une petite idée de ce que cela peut bien être ? Dans ce cas-là, je vous recommande vivement la lecture de cet ouvrage qui est très vite lu, très bien écrit et, même si le lecteur s'y perd de temps en temps avec tous les noms dont nous inonde l'auteur, noms de connaissances de ses parents, mais cela n'importe peu car le trame littéraire, elle, n'en est en rien bouleversée. A découvrir !
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critiques presse (1)
Telerama
06 octobre 2023
D’où vient que cet âpre procès-verbal bouleverse tant ?
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Jamais je n'ai pu me confier à elle (sa mère) ni lui demander une aide quelconque. Parfois, comme un chien sans pedigree et qui a été un peu trop livré à lui-même, j'éprouve la tentation puérile d'écrire noir sur blanc et en détail ce qu'elle m'a fait subir à cause de sa dureté et de son incompétence. Je me tais. Et je lui pardonne. Tout cela est désormais si lointain …. je me souviens d'avoir recopié, au collège, la phrase de Léon Bloy : "L'homme a des endroits de son pauvre cœur qui n'existent pas encore et où la douleur entre afin qu'ils soient". Mais là, c'était une douleur pour rien, de celles dont on ne peut même pas faire un poème.

Page 88
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Les veilleuses du dortoir. Les retours au dortoir après les vacances. La première nuit est pénible. On se réveille et on ne sait plus où on est. Les veilleuses vous le rappellent brutalement. Extinction des feux à 21 heures. Le lit trop petit. Les draps qu'on ne change pas pendans des mois et qui puent. Les vêtements aussi. Lever à 6 h 15. Toilette sommaire, à l'eau froide, devant les lavabos de dix mètres de long, abreuvoirs surmontés d'une rangée de robinets. Etude. Petit déjeuner. Café sans sucre dans un bol en métal. Pas de beurre. A la récréation du matin, sous le préau, nous pouvons lire, par groupes, un exemplaire du journal L'Echo Liberté. Distribution d'une tranche de pain sec et d'un carré de chocolat noir à 16 heures. Polenta pour le dîner. Je crève de faim. J'ai des vertiges.
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A l'école du Montcel se trouvaient des enfants mal-aimés, des bâtards, des enfants perdus. Je me souviens d'un Brésilien qui fut pendant longtemps mon voisin de dortoir, sans nouvelles de ses parents depuis deux ans, comme s'ils l'avaient mis à la consigne d'une gare oubliée. D'autres faisaient des trafics de blue-jeans et forçaient déjà des barrages de police. Deux frères, parmi les élèves, ont même comparu, une vingtaine d'années plus tard, en cour d'assises. Jeunesse souvent dorée, mais d'un or suspect, de mauvais alliage. La plupart de ces braves garçons n'auraient pas d'avenir.
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Que l’on me pardonne tous ces noms et d’autres qui suivront. Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree. Ma mère et mon père ne se rattachent à aucun milieu bien défini. Si ballottés, si incertains que je dois bien m’efforcer de trouver quelques empreintes et quelques balises dans ce sable mouvant comme on s’efforce de remplir avec des lettres à moitié effacées une fiche d’état civil ou un questionnaire administratif.
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Je serais d'ailleurs incapable, à ma grande honte, de dire ce qui se passait dans le monde en avril 1966. Nous sortions d'un tunnel, mais de quel tunnel, je l'ignore. Et cette bouffée de fraîcheur, nous ne l'avions pas connue, les saisons précédentes. Était-ce l'illusion de ceux qui ont vingt ans et qui croient chaque fois que le monde commence avec eux ? L'air m'a paru plus léger ce printemps là.
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Videos de Patrick Modiano (89) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrick Modiano
Avec son dernier roman "La Danseuse", Patrick Modiano parvient-il à nous emporter ? Et que penser de "L'Hôtel des oiseaux" de Joyce Maynard, autrice abonnée aux best-sellers du New York Times, et dont le roman se retrouve au coeur de polémiques sur l'appropriation culturelle aux Etats-Unis ?
Géraldine Mosna-Savpye et Nicolas Herbeaux en parlent avec nos critiques, Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Virginie Bloch-Lainé, productrice à France Culture.
#litterature #critique #livres
Vignette : Maryna Terletska/Getty Images _____________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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