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EAN : 9782070383641
150 pages
Gallimard (12/04/1991)
3.75/5   135 notes
Résumé :
" Quand je l'ai aperçue, assise près de la grille en fer ouvragé qui sépare le café de la salle de billard, je n'ai pas tout de suite distingué les traits de son visage. Dehors, la lumière du soleil est si forte qu'en pénétrant au Rosal, vous plongez dans le noir. La tache claire de son sac de paille. Et ses bras nus. Son visage est sorti de l'ombre. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Elle ne me prêtait aucune attention".
" Toute personne susceptibl... >Voir plus
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Dans une atmosphère presque létale, Jimmy Sarano écrit d'interminables épisodes de la vie de Louis XVII pour une radio locale. Où sommes-nous ? « Sous le soleil exactement » écrivait Gainsbourg ; ville du Sud, exil permanent, prison tropicale pour les bannis de leur vie. Comme souvent Patrick Modiano parle de l'absence, de la solitude, du souvenir comme des miettes d'existence semées sur le chemin de la mémoire. Cette écriture écrasée par la chaleur, par la lenteur de vivre sous un soleil de plomb semble parfois engourdie. Paralysée par le souvenir d'une enfance solitaire et atypique. le monde de l'enfance chez Modiano se noie dans des visages furtifs, nombreux mais insaisissables. Les nuits d'enfance de Modiano sont faites d'errances désincarnées dans un Paris de théâtres vides, de cafés déserts ; un Paris où survit une population d'après-guerre qui ne croit plus à grand-chose. Je devrais dire les nuits d'enfance de Jimmy Sarano chroniqueur à Radio-Mundial, écrivain connu à Paris qui décida, un jour, de changer de nom et de vie pour s'échouer dans cette ville côtière et se fondre dans une vie comment dire…. Indolore ? La rencontre fortuite avec une jeune fille fait remonter le souvenir d'une petite fille qu'il connaissait à Paris, lui le presque adolescent. Serait-ce elle ? Les mirages sont propices sous les climats tropicaux. Il y a toujours, chez Modiano, des instants poignants dans l'apparente simplicité de son écriture et de sa narration. Une corbeille de fruits confits oubliée, des annonces radiophoniques lançant des appels à témoins pour des fantômes, une statue publique transformée en balise. Et puis le mystère. Quelque chose s'épuise dans la tête de Sarano mais ne veut pas lâcher prise : l'écriture. Ce court roman, comme les autres, se termine trop tôt. Il donne envie de lire encore et encore la vie de Jimmy Sarano et que celle-ci arrive à son terme, toutes réponses connues. Les pas de Jimmy Sarano marquent le sable mais ne s'arrêtent jamais ; ils laissent des traces, bousculées par les vagues et le vent ; elles s'effacent mais réapparaissent toujours plus loin, indéfiniment. Exilé volontaire de sa propre mémoire. Pénitent sans absolution.
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VESTIAIRE DE L'ENFANCEPatrick Modiano – Gallimard (1989)

Comme toujours chez Modiano, il y a cette petite musique des mots un peu nostalgique, un peu obsédante, une histoire qui n'en est pas vraiment une, tout juste une tranche de vie d'un personnage perdu dans le cadastre du monde.

Ici, le narrateur est Français et vaguement romancier mais a changé de nom pour échapper peut-être à un passé dérangeant. Il travaille comme feuilletoniste quelque part entre Tanger et Tétouan, en tout cas en Afrique du Nord où l'on parle espagnol et un peu toutes les langues. Il est l'auteur d'un improbable feuilleton « Les aventures de Louis XVII » où l'auteur imagine que le fils de Louis XVI n'a pas été exécuté mais s'est établi planteur à la Jamaïque. Il se propose de livrer son histoire à d'hypothétiques auditeurs de ce texte qu'on imagine interminable, plein de rebondissements et sans aucun intérêt. Cette lecture est confiée à Caros Sirvent, un speaker à la voix feutrée qu'il aime écouter à l'extérieur, au café Rosal par exemple où on boit cette eau minérale au goût un peu bizarre. Cela lui rapporte un peu d'argent et surtout il a l'impression de ne pas être tout à fait oisif, d'autant que la chaleur qui règne dans les studios et aussi à l'extérieur n'invite guère à une activité débordante. C'est que le thème qu'il a choisi le touche parce qu'il est question de la « survie des personnes disparues, l'espoir de retrouver un jour ceux qu'on a perdu dans le passé ».

Au Rosal, il croise le regard d'une jeune femme, Marie, qu'il croit reconnaître pour l'avoir déjà vue quelque part sans savoir où, la retrouve au studio puisqu'elle cherche du travail. A coté de son appartement vit un vieil homme, un érudit qui fait chaque jour ses mouvements de gymnastique mais dont la vue l'indispose. Il l'appelle volontiers « l'insecte ». Entre le narrateur et cette jeune femme qui pourrait être sa fille se déroule un dialogue un peu surréaliste ou la timidité le dispute à l'envie de séduire tout comme est déroutante cette étrange filature décidée par testament par une vieille maîtresse Américaine richissime qui, après sa mort a chargé quelqu'un de le surveiller sans raisons apparentes.

Chaque épisode de cette vie en pointillés lui rappelle un moment de sa jeunesse, de sa vie à Paris et dans sa tête comme dans son souvenir tout se mélange, le passé comme le présent, la chambre d'un hôtel minable et le vieux blouson de daim qu'il portait quand il était enfant et qui semblait essentiel à sa mère, bien plus important en tout cas que le vaudeville dans lequel elle jouait devant une salle vide. Tout lui revient de ce décor parisien que, malgré l'exil temporaire sous le soleil d'Afrique, il n'a pas oublié et surtout ces « quartiers aux loges de théâtre tendues de velours râpé » ni ces estaminets tristes aux banquettes de moleskine rouge. Son désarroi doit être bien grand pour que, depuis cette Afrique du Nord perdue il décide de lancer sur les ondes un avis de recherche à propos « d'une corbeille de fruits oubliée sur la banquette d'un car » vingt ans plus tôt à Paris !

Dans son souvenir, Marie se confond avec Rose-Marie qu'il a connue enfant et qui aurait pu être sa mère, deux jeunes femmes à la vie libérée, l'une appartenant au présent et l'autre au passé, deux visages bien présents, obsédants même mais qui s'inscrivent dans une sorte de silence. Cela procède de la quête perpétuelle de cet écrivain qui avouait au cours d'un entretient « Ma recherche perpétuelle de quelque chose de perdu, la quête d'un passé brouillé qu'on ne peut élucider, l'enfance brusquement cassée, tout participe d'une même névrose qui est devenu mon état d'esprit »

J'ai retrouvé avec plaisir l'univers un peu trouble de Modiano fait d'intemporalité, de lutte pour ne pas perdre ses souvenirs intimes et parisiens, pour exister peut-être dans ce monde, pour mener une recherche proustienne, une quête un peu névrotique du passé, une impression de solitude, d'abandon, de vide, un besoin d'identité qu'on retrouve dans chacun de ses romans. Cet homme qui cherche dans cet improbable lieu retiré du monde à oublier sa jeunesse parisienne n'y parvient cependant pas. Elle revient au hasard d'une impression, d'une sensation malgré cette volonté de disparaître, de se retirer du monde. Ce roman est construit un peu, mais un peu seulement, comme un roman policier dont on ne connaîtrait pas l'énigme et dont le narrateur aurait beaucoup de points communs avec l'auteur. le suspense est entretenu par diverses digressions qui, parfois, peuvent sembler inutiles ou, à tout le moins superflues. Au bout du compte, le lecteur attentif peut parfaitement être un peu perdu, mais à mon sens, peu importe, l'intérêt des romans de Modiano procède de cette impression de relative perte de repères, une sorte d'abolition des choses ordinaires [« Tout se confondait par un phénomène de surimpression - oui tout se confondait et devenait d'une si pure et si implacable transparence... la transparence du temps, aurait dit Carlos Sirvent »].

Le texte tisse une sorte de halo mystérieux fait de quête de la mémoire autant qu'une situation un peu surréelle, ces visages de femmes fuyants, cette filature sans autre raison qu'une disposition testamentaire assez incompréhensible. Ici, le dépaysement né d'une mise en scène exotique n'est qu'une illusion, les souvenirs du narrateur-auteur reprennent vite le dessus. Tout ce décor est tissé d'une manière artificielle et laisse place à des souvenirs personnels précis et des détails autobiographiques, mais aussi à une vie qu'il réinvente à partir d'eux.



©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Vestiaire, subst. masc. : « Lieu où sont déposés les vêtements des membres d'une communauté, d'un corps constitué. »*

Dans Vestiaire de l'enfance, ce sont des souvenirs que Modiano dépose sur le papier et plus spécifiquement celui d'une enfant qui, jadis, tenait compagnie à Jimmy Sarano, son personnage principal, et semble t-il, le connectait à la vie, et qu'une jeune inconnue ravive soudainement en lui. le fil conducteur est donc cérébral : le lecteur suit les pensées de Sarano puis, progressivement, ses réminiscences.

Modiano profite de cette antichambre mémorielle pour se départir des repères spatio-temporels. Présent et passé se superposent pour former ce qu'il appelle, par le biais d'un de ses personnages, la « transparence du temps » ; de même s'interroge très justement Carlos Sirvent - autre personnage - sur ce qu'on pourrait appeler la transparence de la ville : « - Et vous, vous vous demandez si vous êtes à Londres, Madrid ou au Caire. Je n'ai pas raison, Jimmy ? de quoi avoir le vertige... ».

En définitive, seuls les personnages semblent fiables et jouent à mon sens par extension le rôle de conscience dans ce vestibule : « - On finit par douter de la réalité de cette ville et par se demander où elle se trouve exactement sur la carte : Espagne ? Afrique ? Méditerranée ? » s'enquiert là encore Carlos. Leurs propos éclairent en effet ce nébuleux récit où l'on vient à douter de chaque ligne, de chaque sensation tant l'écriture comme la construction sont fugaces et rappellent quelque peu la plume de Régis de Sá Moreira.

Le titre de l'ouvrage prend, en revanche, lui tout son sens : le lieu ici -et plus largement le sujet- est précisément ce vestiaire de l'enfance, cette poche mémorielle enfouie en chacun de nous et sur laquelle, nous rappelle Modiano, nous n'avons aucune réelle prise – Inception ne faisant malheureusement pas foi. de manière assez prévisible, l'intemporalité et la désorientation géographique répondent donc à la désorientation intérieure de Jimmy Sarano, présenté par ailleurs comme un expatrié.

A ce titre, Modiano retranscrit avec une remarquable précision l'expérience du déracinement, de l'absence et plus largement le sentiment d'être « hors de ». Hors du temps. Hors de la ville. Hors d'une catégorie. Hors d'une communauté. Hors de la vie ? Quoiqu'on y projette, il me semble que cela donne une résonance particulière au roman.

Reste que cette madeleine de Proust s'avère trop volatile, épurée et fragmentaire pour me laisser un sentiment durable. Vestiaire de l'enfance est, somme toute, cette brise qui vous effleure suffisamment pour que vous la remarquiez mais pas assez toutefois pour vous impacter.

*Définition du CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales).
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Jimmy Sorano – mais est-ce bien son nom ? – vit quelque part au Mexique – pays qu'on devine plus qu'on ne le dit, dans un pays d'Amérique du Sud, dans un pays de langue espagnole en tout cas où il fait chaud et où les débuts d'après-midi sont statiques car consacrés à la sieste.
Comme d'habitude, Modiano – et c'est ce style d'écriture qu'on aime chez lui – lève le voile petit-à petit. Car que sait-on de Jimmy Sorano ? le minimum vital : il travaille dans une radio –Radio Mundial pour laquelle il écrit un feuilleton radiophonique, les aventures de Louis XVII. Les autres personnages semblent des ombres qui passent, lui rappelant son passé où il était enfant de la balle à Paris. Il rencontre une mystérieuse Marie qu'il fait passer pour sa nièce – car elle est au départ bien plus jeune que lui – et on se doute bien que si cette Marie le renvoie à cette Rose-Marie parisienne qui avait – et là le nom de « la petite » n'est pas nommé – une petite fille que notre narrateur promenait dans Paris.
Comme Proust et sa madeleine, une corbeille de fruits oubliée dans un autocar va l'inciter à faire resurgir ce passé trouble pour mieux agiter ses souvenirs. C'est ainsi qu'il fait passer à sa radio, une annonce peu commune pour demander, plus de vingt ans après si quelqu'un avait eu vent d'une corbeille de fruits oubliée dans un bus. de même on « sent » plus qu'on ne le dit cette jalousie latente du narrateur quand Rose-Marie part avec un autre. le même principe est appliqué pour ses relations avec Marie. Quant à son voisin, célèbre écrivain qui fait sa gymnastique tous les matins et , selon lui, ressemble « à un insecte », n'est-ce pas lui-même dans l'avenir et que c'est pour cela qu'il finit par être écoeuré par cet homme et ses mouvements.
Bref, il ne faut pas chercher à lire Modiano comme un auteur ordinaire. Son écriture est labyrinthique et floue à la fois. Seul le soleil du pays où se trouve le personnage amène de la clarté. La narration a toujours un air de ne pas y toucher, partant de détails insignifiants pour tisser un toile d'une rare cohérence dans la complexité humaine. On montre combien les choses ou les gens les plus insignifiants ont une importance capitale puisque le petit Louis XVII, mort à 10 ans sans avoir régné renvoie à la fois à la « petite » et à Marie. Rien n'est dit que ce sont les mêmes personnes. Tout est suggéré. Au lecteur de reconstituer le puzzle. Et chaque lecteur n'aura pas le même. Et c'est tant mieux !
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Je n'ai rien à ajouter à la critique précédente qui a correspondu à mon vécu de lecteur, à ma perception.
Simplement ajouter qu'à chaque fois que j'entre chez Modiano, j'y retrouve ce style limpide qui m'emporte ; ces descriptions par petites touches qui me permettent de ressentir avec acuité lieux et personnages ; ce faux calme enveloppant ces vies souvent manquées ou basculées dans la conscience de l'absurde.
Et mon acceptation de me contenter de cette tranche de vie, à la fois si brève et si riche, pour mon plaisir.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Elle ne m'a pas répondu. Et puis ce visage s'est rapproché. Tout glissait dans le silence et la douceur du demi-sommeil et du rêve. Sans doute parce que je n'avais pas allumé l'électricité et que désormais la vie glisse sur moi, à la manière d'un film muet qui passerait au ralenti.
Elle était allongée sur le lit. Sa robe faisait une tache claire sur le parquet. Elle se serrait contre moi. Elle sentait l'un de ces parfums que l'on vend dans les souks près du Fort, mais qui, sur sa peau, avait une fraîcheur de lilas après la pluie.
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page 92

Le soleil brûlait vivement. Ensemble, nous nous sommes promenés le long de la mer, où le sable est glissant et humide, sans doute pour ne pas nous blesser nos pieds nus et nos orteils sur des coquillages ou des boîtes de conserve rouillées souvent enfouies sous le sable.
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Et puis, le secret de la durée de ce vieil immortel à travers le siècle, ce devait être l'absence totale d'un organe qui se fatigue très vite : le coeur.
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"Et puis leur dispute s'est éteinte. Le silence. Tout à coup, elle a poussé un cri de suprise. Et d'une voix cinglante, elle a lancé cette phrase qui, après tant d'années, garde encore, pour moi, son mystère :
- Tu prends mon cul pour un bal masqué ?"
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" Et puis, le secret de la durée de ce vieil immortel à travers le siècle, ce devait être l'absence totale d'un organe qui se fatigue très vite : le coeur."
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Vidéo de Patrick Modiano
Avec son dernier roman "La Danseuse", Patrick Modiano parvient-il à nous emporter ? Et que penser de "L'Hôtel des oiseaux" de Joyce Maynard, autrice abonnée aux best-sellers du New York Times, et dont le roman se retrouve au coeur de polémiques sur l'appropriation culturelle aux Etats-Unis ?
Géraldine Mosna-Savpye et Nicolas Herbeaux en parlent avec nos critiques, Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Virginie Bloch-Lainé, productrice à France Culture.
#litterature #critique #livres
Vignette : Maryna Terletska/Getty Images _____________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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