Jamais l'aliénation ne consiste pour Deleuze à ce que le sujet soit dépossédé de lui-même, mais à ce qu'il soit dépossédé du monde. Le sujet aliéné est un sujet sans monde, privé de monde. C'est un sujet qui n'est pas relié au tout, forcé de penser le tout, qui retombe dans le marais de ses affects, dans sa subjectivité, son monde intérieur.
La seule subjectivité, c'est le temps, le temps non-chronologique saisi dans sa fondation, et c'est nous qui sommes intérieurs au temps, et pas l'inverse.
On reconnaîtra facilement dans ce troisième moment le thème fondamental de l'esthétique de Deleuze : l'identité de la nature et de l'homme. L'aliénation, c'est le sujet séparé du monde, la non aliénation c'est le devenir-monde du sujet, le sujet qui a son monde non sur le mode subjectif mais sur le mode d'un monde objectif.
Le fait moderne, c'est que nous ne croyons plus au monde. Nous ne croyons même pas aux événements qui nous arrivent, l'amour, la mort comme s'ils ne nous concernaient qu'à moitié. Ce n'est pas nous qui faisons du cinéma, c'est le monde qui apparaît comme un mauvais film.
A nouveau, il apparaît que le grand thème des livres sur le cinéma n' est pas l'histoire du cinéma, mais l'interférence des pratiques cinématographiques et philosophiques (voire littéraires) dont la philosophie "fait la théorie comme pratique conceptuelle".