Tirya, tome 3 : Le Trône d'Isis

Tyria se renfrogna, sur la défensive. Son coeur se mit à battre plus vite et plus fort. Si son père invoquait la raison d'Etat, c'est que sa décision était déjà prise.
- Je suis le souverain du pays, poursuivit Pharaon, mais le trône d'Isis est vide.
Tyria réprima un hoquet. Elle venait de comprendre. Son père leva la main pour couper court à toute remarque, à toute objection, à tout élan d'indignation.
- J'aimais beaucoup Ténet, et jusqu'à présent je ne songeais pas à une nouvelle épouse. Je suis désormais Pharaon, et il me faut donner un héritier à l'Egypte.
Tyria avala sa salive avec l'impression qu'un caillou descendait dans sa gorge. Son rêve éclatait, le trône n'était pas pour elle. Elle ne sentait plus ses jambes, comme si elle s'enfonçait dans du sable. Elle vacilla, porta la main à son front. Si un frère naissait, elle ne serait plus qu'une simple princesse dont le destin se lierait à un quelconque roitelet ou à une froide divinité. Recluse au fin fond d'une province ou dans l'ombre d'un temple.

Dans l'eau jusqu'aux genoux, des jeunes femmes longeaient la berge en cueillant des fleurs de nénuphars qui iraient décorer les temples et les maisons. Des canards, des hérons, des ibis s'envolèrent tout à coup dans un grand froufrou d'ailes, tandis que des cannes géantes s'abattaient par dizaines: les hommes récoltaient les tiges des papyrus pour bâtir leurs cabanes, confectionner des cordes, des paniers, des nattes...